«Cette
histoire de téléphone n'est pas le monopole de la justice, aurait affirmé, il y
a quelques jours, Issaad Mabrouk, le nouveau
président du Syndicat national des magistrats (SNM). C'est une méthode usée
dans la gestion des affaires publiques dans tous les domaines». Voilà un pavé
jeté dans la mare, au moment où l'on parle aux Algériens de l'application de la
justice dans les affaires de corruption dont sont impliqués certains anciens
hauts responsables de l'Etat. Une réalité amère qui glace les esprits et
n'augure rien de bon pour ceux qui espèrent l'impartialité et la neutralité
judiciaire en Algérie.
Il est
connu que la culture «des coups de téléphone» et «des interventions» fonctionne
à plein régime chez nous, que ce soit dans les ministères, les administrations
publiques, le secteur de la justice ! Loin d'être consolidé dans sa mission
constitutionnelle, ce dernier a été la première cible du clan Bouteflika. Tout le monde se rappelle, sans aucun doute, du limogeage par
l'ex-président de la République, en septembre 2015, sous la pression de cercles
non officiels, de l'ancien procureur général près la cour d'Alger, Belkacem Zeghmati, pour la simple
et unique raison qu'il avait émis en août 2013 un mandat d'arrêt international
contre Chakib Khellil (ex-ministre en 1999 et 2010),
sa famille et Farid Bedjaoui, un sulfureux homme
d'affaires franco-algérien réfugié à Dubaï, dans le cadre de l'enquête sur la
célèbre affaire Sonatrach. De même, personne
ne peut oublier la réplique, pour le moins pathétique, de «moi, petit juge»
d'un magistrat lors de la même affaire. C'est dire combien la machine de la
justice n'est pas indépendante et est en proie aux pressions des décideurs. Ce
qui jure avec le principe de la séparation des pouvoirs, stipulé dans la
Constitution du pays. Fait étrange, on se rend compte que le même Belkacem Zeghmati est revenu
récemment par la grande porte pour statuer sur les affaires de dilapidation des
biens publics ! Que devrions-nous comprendre par-là ? Que pourrions-nous penser
d'une justice qui bascule d'une rive à l'autre, selon l'équilibre de forces des
clans au sommet du pouvoir ? Presque rien, sauf que tout est à reconstruire
dans cette Algérie laissée pour-compte et surtout orpheline de ses
institutions. Réparer tout cela nécessite du temps, beaucoup de temps. Le
visionnaire Winston Churchill n'a-t-il pas dit un
jour à ses compatriotes : «Mieux vaut prendre le changement par la main avant
qu'il nous prenne par la gorge» ? Tout un programme à suivre et par nos
décideurs têtus dans leur ignorance des réalités du peuple et par les masses
enthousiastes à tout changer pour la démocratie sans qu'elles n'y aient rien
préparé.