L'invention récente des réseaux sociaux a indéniablement favorisé
l'accès à la parole publique du citoyen lambda en lui accordant pour la
première fois dans l'histoire de l'humanité l'opportunité de faire connaître
son opinion (soit fondée, soit sans intérêt!) révéler éventuellement ses aptitudes
intellectuelles ou artistiques, bien au-delà de son cercle de connaissances
immédiat et ainsi de leur conférer un écho que n'autorisaient jusque-là que le
talent confirmé et, sur un plan pratique, les différents types de pouvoir qui
codifient l'accès à la visibilité publique. Avant la
révolution de l'Internet, le privilège de s'adresser, sur une grande échelle, à
ses semblables n'était accordé qu'aux professionnels du discours
(intellectuels, hommes politiques, clercs en tous genres) et via les canaux
classiques de communication (tels les médias, les meetings, les mosquées en
terre d'Islam). Mais le «miracle Facebook» a brisé cet ordre établi et
inéquitable de la parole publique et libéré celle-ci du joug des multiples
contrôles. Avec les avantages et les inconvénients que cette large
démocratisation implique !
Aujourd'hui,
grâce aux réseaux sociaux, chacun peut s'improviser, s'il le souhaite, homme
politique, philosophe, spécialiste dans les domaines les plus divers. Après
tout, aucune loi ne l'en dissuade sauf la sagesse ou ses concrètes capacités
intellectuelles ou artistiques. Et chacun est libre d'incarner sur Internet
-mais la durée d'une connexion seulement- le rêve de sa vie, de devenir (dans
son esprit) le prix Nobel qu'il a toujours rêvé d'être, de prodiguer ses
conseils sur les problèmes cruciaux de la planète!
Mais -et c'est le plus important- le «miracle Facebook» a surtout libéré les
énergies créatrices, décomplexé les talents virtuels, en particulier dans des
pays comme le nôtre où leur éclosion était contrariée par l'absence d'un champ
fertile, freinée par de nombreux obstacles et le manque de structures mentales
et matérielles appropriées. Il suffit de se promener aujourd'hui sur les
réseaux sociaux pour être surpris par la richesse insoupçonnée de la créativité
algérienne (17 millions d'abonnés à Internet en 2018) par son dynamisme
passionné, son magnifique potentiel, capable de soulever des montagnes et
reconstruire un pays blessé. Les voix prometteuses, longtemps brimées, de la
jeunesse d'Algérie, qu'on entend rugir sur Facebook, notamment à l'occasion du hirak actuel, boosteront-elles cette «nahda»,
cette renaissance algérienne dont notre pays a tellement besoin?