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Mouvement populaire, opposition: L'imbroglio !

par Ghania Oukazi

L'opposition au système Bouteflika compte 14 réunions depuis que le mouvement populaire a été déclenché, sans qu'elle ne soit arrivée à imposer au pouvoir militaire une alternative consensuelle ferme pour une sortie de crise.

Depuis que le « Hirak » anime chaque vendredi les rues des différentes régions, l'opposition a elle aussi choisi de tenir des réunions hebdomadaires pour tenter de s'assurer un « smig » consensuel autour d'une alternative politique à même de sortir le pays de l'impasse. A la différence que si les revendications populaires sont portées au grand jour, les opposants au système Bouteflika se réunissent à huis clos, loin des projecteurs, des médias et des citoyens. Le président du FJD, Abdallah Djaballah, l'a précisé jeudi dernier tout en faisant savoir que l'opposition en est à sa 14ème réunion.

Il a noté la nouvelle vision « des forces du changement », qui, a-t-il dit « commencent à s'organiser en se constituant en catégories (socioprofessionnelles ndlr) » et pense qu'«il est nécessaire que ces nouveaux espaces coordonnent entre eux (?) ». L'on se demande ce que se disent les opposants à huis clos alors que la crise politique est dans la rue et s'exprime haut et fort sur les urgences à entreprendre pour que la politique reprenne son droit d'agir en toute légalité et son devoir de changer le pouvoir militaire actuel par un autre civil légitime, capable de changer un système politique tentaculaire dans son histoire et sa constitution, tout en forçant au respect des libertés citoyennes, individuelles et collectives.

L'on s'aperçoit que chaque partie compte ses jours de combat. « Hirak » et opposition en sont, chacun pour sa part, à leur 14ème démonstration. Le plus important reste cependant que les deux parties abordent la question du changement du système politique de manière différente l'une de l'autre.

Les opposants tous réunis comptent beaucoup sur le chef d'état-major pour les réunir, les écouter et les associer directement dans la prise de décision en faveur d'une solution à la crise. Le « Hirak », lui, les contredit et crie à gorges déployées « Gaïd Salah dégage ! ».

Hier, c'était quasiment le slogan qui a marqué le plus le rassemblement d'Alger. Les citoyens ont aussi répété « makech intikhabet maa el issabet (pas d'élections avec les bandes) ». Le « Hirak » a dénoncé hier le déploiement des forces de l'ordre au niveau des espaces qu'il a pris l'habitude d'occuper tous les vendredis, entre autres les escaliers de la Grande Poste.

Quid des principes «7 et 8» de la Constitution

Depuis le 22 février dernier, jamais dispositif sécuritaire n'a été aussi important que celui déployé en ce 14ème vendredi de protestation. « Ya lilaar, ya lilaar ! El polici oula hagar!», scandaient les manifestants. Les uns dans les autres, ces slogans contredisent l'approche pour un règlement de la crise prôné par Gaïd Salah. En même temps qu'il cogite une feuille de route à la mesure des recentrages qu'il se doit d'opérer pour éviter le vide constitutionnel au-delà du 9 juillet prochain, le chef d'état-major a décidé de recourir aux forces répressives pour tenter d'infléchir le cours de la contestation. Tout en précisant qu'il n'a pas d'ambition politique, il reste convaincu qu'il ne peut agir en dehors du semblant d'Etat qu'il entretient à travers le maintien de Abdelkader Bensalah et de Noureddine Bedoui, quitte à provoquer la colère du « Hirak ». Il n'a pas d'autre choix pour se préserver de ses détracteurs.

D'autant que la dernière missive de Ahmed Taleb El Ibrahimi ne lui donne pas le mode d'emploi du comment concilier la contestation pour en sortir un partenaire politique constitutionnel avec lequel il s'entendra en faisant valoir les articles « 7 et 8» de la Constitution. El Ibrahimi doit savoir que ces deux articles sont « des principes régissant la société algérienne » comme l'indique le Titre Premier de la Constitution de 2016. « Le peuple est la source de tout pouvoir. La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple » stipule l'article 7. L'article 8 précise que « Le pouvoir constituant appartient au peuple. Le peuple exerce sa souveraineté par l'intermédiaire des institutions qu'il se donne.

Le peuple l'exerce aussi par voie de référendum et par l'intermédiaire de ses représentants élus. Le président de la République peut directement recourir à l'expression de la volonté du peuple ». Que ce soit dans la lettre qu'il a cosignée avec le général Rachid Benyellès et maître Yahia Abdenour, ou dans celle qu'il a signée tout seul, El Ibrahimi n'explique pas par quels mécanismes ces deux articles peuvent-ils être mis en application. A moins qu'il laisse le soin à Gaïd Salah pour en trouver les subterfuges nécessaires.

Les hommes de loi lui suggèrent en plus de s'appuyer sur l'article 103 pour que le Conseil constitutionnel puisse reporter les élections présidentielles du 4 juillet prochain à une date « consensuelle ».

Ce serait peut-être expliqué dans le discours que Bensalah devrait en principe adresser à la Nation à l'occasion de l'Aïd El Fitr. En tout état de cause, il est clair que l'opposition veut prendre le temps qu'il lui faut pour se préparer alors que le chef d'état-major refuse d'accorder des délais qui permettent à « ses ennemis » de reprendre du souffle. A chaque partie son comptage, plus qu'une cinquantaine de jours d'ici au 9 juillet prochain, date limite des 90 constitutionnels de Bensalah pour que le chef d'état-major décide de la suite à donner à ses décisions.