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Europe: Les droits de l'homme en mode algérien

par M'hammedi Bouzina Med

La cour européenne des droits de l'homme vient d'autoriser la France à expulser un activiste islamiste algérien vers son pays après qu'il a purgé sa peine de prison

C'est une nouvelle qui donne encore plus à réfléchir sur l'interprétation du respect des droits de l'homme en Algérie par la justice européenne qui vient d'autoriser la France à expulser un algérien condamné en 2015 pour soutien à la nébuleuse terroriste. « Pas de motifs sérieux et avérés à ce que, s'il était renvoyé en Algérie, le requérant y courrait un risque réel d'être soumis à un traitement inhumain ou dégradant» argumente l'arrêt de la cour européenne des droits de l'homme pour renvoyer à A. M., 34 ans, arrêté en 2013 et condamné à six ans de prison et une interdiction définitive de séjour sur le territoire français. Au-delà du fond du dossier de cette affaire (le terrorisme islamiste), apparaît toute l'ambiguïté de l'interprétation de la situation des droits de l'homme en Algérie par la justice européenne autant, d'ailleurs, que par le monde politique. Il est, en effet, de notoriété publique, que les rapports et autres études sur la question des droits de l'homme chez nous sont régulièrement critiques, sans réserves et souvent tranchants, accusant les services de sécurité, l'armée et même la justice algérienne d'être répressifs à outrance, iniques, parfois même criminels. Que ces jugements soient vrais ou exagérés, impartiaux ou partisans n'est pas le sujet. La question est : pourquoi la cour européenne des droits de l'homme estime que le requérant ne court aucun risque de brutalité ou de torture par les services de sécurité algériens qu'elle accuse, par ailleurs en s'inspirant des rapports des ONG, de ne pas respecter ces mêmes droits de l'homme dans bien d'autres arrêts et avis. Parce qu'il n'y a pas de gradation ou d'échelle dans le viol des droits de l'homme, il est pour le moins surprenant que des juges censés défendre leur entièreté font dans la «nuance» ou du cas par cas lorsqu'il s'agit d'un pays tiers non européen. Cet arrêt de la cour européenne des droits de l'homme laisse le doute sur l'indépendance des juges des pouvoirs politiques, ou du moins sur son rapport à l'opinion publique européenne, tétanisée, à juste titre, par l'obsession terroriste. Lorsque l'on sait le nombre de terroristes et d'activistes de l'islam radical en Europe de manière générale qui agissent, prêchent, s'expriment en toute liberté sans qu'ils soient inquiétés au nom justement de la liberté d'expression, partie constituante des droits de l'homme, il y a de quoi s'interroger sur la conception du respect des droits de l'homme par la justice européenne. Faut-il rappeler la terrible tragédie algérienne des années 90 et le non moins terrible accueil «cordial» réservé par la France en particulier aux intégristes islamistes, soutiens de leurs frères terroristes en Algérie ? Tout le scandale de cette époque de sympathie avec les islamistes au nom des droits de l'homme semble donc révolu. «Ne ressent la douleur de la braise que celui qui marche dessus» dit le proverbe populaire algérien. C'est donc, après avoir vécu cette douleur infligée à la société par la terreur islamiste qui commence à faire comprendre aux Européens l'énorme erreur de leur accueil de cette gente illuminée, voilà près de 30 ans en arrière.

En attendant le prononcé du recours introduit par le jeune homme en question, et qui risque de prendre encore quelques mois ou années, la cour européenne des droits de l'homme vient de rendre, au final, un fier service aux services de sécurité algériens : ils ne sont plus soupçonnés de pratiquer les dégradations inhumaines même sur les terroristes qui les ont affrontés durant de longues années. Elle donne aussi l'occasion d'user de ce cas comme jurisprudentiel pour l'application express des condamnations à l'expulsion des Algériens (et certainement d'autres pays tiers) vers leurs pays d'origine. Et tant pis pour les droits de l'homme tant que ça se passe hors d'Europe.