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Le grand pas culturel

par El Yazid Dib

Il n'y a pas que des mauvaises choses chez nous. Il n'y a pas que la politique qui accapare les méninges des uns et des autres. Il y a aussi cet engouement vers la chose culturelle en toutes ses dimensions. La meilleure culture n'est-elle pas celle qui imprime ce noble sentiment d'écraser en soi tout sentiment de haine, d'exclusion et de mépris ? N'est-elle pas le brise-roche qui effondre les montagnes, démantèle les murs et toutes autres clôtures ?

C'est ainsi que l'Algérie tend à insuffler dans chaque camp, au sein de chaque cloisonnement cette idée de bâtir des ponts aux lieux et places des murailles infranchissables. La culture a toujours été le ferment et le vecteur d'union dans le respect de la diversité et la particularité de chacun. Elle est la religion de toutes les religions, elle peut servir comme telle pour ceux qui s'en démarquent.

La superficie algérienne se trouverait rétrécie devant la profusion de sa richesse culturelle. De festival en festival, de musée en musée, de livre en symphonie, de l'histoire à l'archéologie, d'une expression à toutes les langues, l'Algérie reste et demeure plurielle.

Il y a Culture et culture. Celle qui se forme de tout cet ensemble d'art, de lettres, de beauté et d'émerveillement et l'autre qui constitue une conduite, une manière de réfléchir et de se comporter.

Réapprendre ce geste culturel face à l'acte Culturel est difficile à réaliser. Depuis, l'on trouve dans ces «palais» ou «salles» toute une marmelade d'activités. Du politique, de l'économique à des séminaires, des fêtes de mariage, de circoncision. On ne peut mettre une conscience culturelle dans un crâne intégralement bourré de béton, d'appétit immobilier et de spéculation foncière. La crise qui transperce les finances du pays, à l'instar d'autres pays, ne s'exempte pas de faire des coupes budgétaires dans tous les secteurs. C'est une aubaine pour la sauvegarde de l'authenticité de dame Culture de la voir revenir au marché et de fuir ainsi la fatalité de sa dépréciation. La Culture certes n'a pas de prix mais doit avoir énormément de valeur. Elle doit recouvrer sa valorisation. Vive cette Culture que l'on veut installer. Elle doit se faire sans compter sur le sou de l'Etat. Les vaches laitières ne sont plus de ce monde. La crise de la Culture est d'abord une crise de culture, soit ce refus génétique d'avoir tout sans le moindre sou. L'argent, cette implacable loi de l'offre et de la demande doit venir à point nommé s'investir dans l'acte culturel. Nous saurons dire un jour que payer sa place est un signe de respect à l'art et aux artistes. Une contribution sociale. C'est comme chez un féru d'art de débourser un propre fonds pour l'acquisition d'une œuvre ou d'une toile.

L'on ne meurt pas par absence d'un festival ou par le départ d'un dinosaure qui en retenait tous les accès, l'on souffre néanmoins et à injuste douleur du manque de compréhension. Créer l'illusion d'une joie ou la faire vivre à autrui n'est forcement pas au bout d'une facture salée. La Culture en tant que patrimoine immatériel et celle en tant que mode de vie n'ont toujours pas eu les mêmes définitions. La richesse de la Culture ne peut donc bellement provenir que d'une culture sociétale bien ancrée et continuellement enrichie de valeur et de bon sens. A-t-on besoin de l'Etat pour fêter Yennayer, le Mouloud, la victoire de l'équipe nationale ? C'est dire aussi que le bon spectacle ne peut émaner que du cœur de la société. La profusion des spectacles, les associations nombreuses qui en activent, les artistes à chaque coin de rue sont certes l'émanation d'un don, d'une passion mais aussi le résultat d'une écoute étatique.

Tout spectacle est censé être payant considérant son caractère de production en aval. Sous d'autres cieux, l'Etat ne fait qu'édicter un cahier de charges, assure l'ordre public et garantit la liberté de mouvement, d'expression et de création pour une quelconque manifestation du genre. Avez-vous vu ailleurs dans le monde un musée, une galerie, un cinéma, un théâtre s'ouvrir gratuitement ? Le service public culturel national, disons-le, a fait malgré moult dissensions un grand pas. La culture est toujours un service public et tant mieux.