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Bedoui va-t-il ou non constituer son gouvernement ?

par El Yazid Dib

Gérer un Etat, voyezvous n'est pas une simple tournée dans une commune où l'on engueule sans coup férir son élu local ou un speech sur un nouveau mode de production de la paperasse administrative. Cela exige bel et bien un niveau de discernement, de punch et de fort gabarit. Mais quand l'on a en face un peuple qui s'apprête à rejeter tout, la mission est presque difficile. Que reste-t-il donc à faire ? Se démettre. Là la dragée est haute et inabsorbable et n'est faisable que chez ceux qui cultivent depuis longtemps le sens des honneurs et des valeurs. Jeter l'éponge ne rime plus avec une hypothétique abdication ou un quelconque aveu d'échec. C'est un appel intérieur, de cette prise soudaine d'une conscience abondamment mise en veilleuse. Une sorte de dévotion subite.

Le gouvernement se cherche. Il peine à rassembler ses impossibles morceaux. La date avancée est largement dépassée. C'est comme si l'on semble composer une équipe chirurgicale pour l'ablation d'un mal universellement donné pour incurable, alors qu'une simple lettre aurait suffi pour le faire disparaitre. Déclarer son inaptitude pour une chose ou un devoir est déjà une qualité en soi quand l'honnêteté ou le courage viendrait à manquer.

Ce gouvernement, Bedoui l'avait pourtant promis pour le début de la semaine écoulée. Rien en vue et rien en délais ne le rend responsable d'un éventuel respect. Il n'y avait que sa promesse lors de la fameuse conférence. Rien ne semble venir que ces rumeurs têtues et tenaces sur la multitude de contacts infructueux. Sur ce bruit vrai ou faux qui s'installe dans la toile. La presse en parle. Des fuites sournoisement étayées font état d'indiscrétions de personnes indirectement approchées et qui auraient décliné l'offre et d'autres qui hésitent encore. Ainsi, la malchance a rattrapé Bedoui juste au seuil d'une apothéose inaccomplie. Il n'aurait pas mérité un tel sort final, s'il avait un tout p'tit peu équilibré son ardeur et su garder sa longitude habituelle. Une tête gardée froide est toujours utile dans les grands moments de canicule. Mais hélas, les zéphyrs enivrants du siège et les ovations déloyales qui l'entourent en chant de sirènes en font que l'horloge de son ascension s'arrête là, à cette station du Hirak. Sera-t-il le dernier des Premiers ministres d'une république essoufflée et en voie d'extinction laissant place à une autre plus civile, plus sociale, plus populaire et moins étouffante ? Sera-t-il le Premier ministre qui a le moins chauffé son poste ? En tous cas, intrinsèquement il ne se trouvait pas destiné à un tel tomber de rideau. Les feux ne scintillent plus sur les rampes tant convoitées.

Bedoui aurait-il cette irrésistible anxiété, et c'est légitimement humain et politiquement scrupuleux envers la menace de refus, de rejet, de dénégation qui pèse chez les recrutables et qui reste suspendue en l'air jusqu'à l'annonce tant attendue et non souhaitée de mise au monde ? Ni la prudence ni autre manœuvre de circonspection ne pourrait tenir sage la rue au premier flash d'info balançant la nomination de ses coéquipiers. Le recours à des femmes dans des portefeuilles clés et de souveraineté, Intérieur, Justice entre autres, était, dit-on, une option envisageable mais vite abandonnée. Le recours à des sommités scientifiques, des icônes culturelles et sportives de renommée internationale aurait été également, dit-on, envisagé mais vite abandonné. Il ne resterait, selon certains analystes, que la réduction soit le ramassage des secteurs dans un mini gouvernement. A l'exception que ces analystes n'ont pas pris en ligne de compte l'aspect hautement politique de la chose. Un gouvernement n'est pas une direction générale d'une entreprise nationale. Il n'est pas un exécutif d'une wilaya. Il s'agit de la gestion supérieure des affaires publiques d'un Etat. Le problème ne se pose pas ainsi en termes organiques, il s'installe dans le noyau central du Hirak. Le contexte est extraordinaire, le besoin n'est que revendicatif. A défaut de plébiscite par une assemblée nationale en hibernation ou mise hors d'état de nuire par sa complaisance, la rue et ses vendredis demeurent un hémicycle élargi et à ciel ouvert. Adoption ou rejet.