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Vacances avancées: Enseignants et étudiants rejettent la décision de Hadjar

par M. Mehdi, K.B, E.H. D.

  En voulant isoler l'Université de l'immense mouvement populaire contre le 5e mandat, le ministre de l'Enseignement supérieur, Abdelkader Hadjar, a donné un coup de pouce à la communauté universitaire pour renforcer son adhésion à ce mouvement inédit. La décision d'avancer les vacances de printemps de onze jours, soit du 10 mars (au lieu du 21 du même mois) au 4 avril 2019, Hadjar a déclenché une forte cohésion entre le mouvement des étudiants, perceptible depuis deux semaines au moins, et celui des enseignants. Des Assemblées générales (AG) ont été organisées, hier, dans les établissements universitaires dans plusieurs wilayas, dont Alger, Blida, Oran, Bejaïa, Bouira, Tiaret, Tlemcen, Skikda, Annaba.

Tout a commencé dans la nuit du 9 au 10 mars, dans plusieurs résidences universitaires du pays, notamment dans le Sud, où des étudiants ont manifesté contre cette décision du ministre, avant que le directeur de l'ONOU ne précise qu'il n'y aura aucun changement dans les Cités U par rapport au précédent calendrier. Hier matin, plusieurs universités à Alger ont organisé des AG mixtes (enseignants et étudiants) pour débattre de cette situation. C'est le cas de la faculté de Médecine (Ben Akoun) où les étudiants étaient en AG jusqu'à 15h. A l'Universités de Bab Ezzouar (USTHB), où le recteur avait réussi à interdire une AG des enseignants, jeudi dernier, l'Auditorium pouvant contenir 1.800 places, était largement rempli hier. Enseignants et étudiants ont débattu pendant des heures de la situation, avant d'exprimer leur refus total de la décision du ministre d'avancer la date des vacances, et de prendre RDV pour une marche ou un sit-in prévu demain mardi à partir de 9h30 au sein de l'USTHB.

A Annaba, l'AG des enseignants de l'Université Badji Mokhtar a décidé de poursuivre les activités pédagogiques conformément au calendrier initial. A Oran, les enseignants des établissements universitaires ont aussi adopté une position similaire, dénonçant également « la décision surprenante et unilatérale » de la tutelle, et marquant son « total soutien » au mouvement populaire en cours dans le pays.

Les syndicats des enseignants dénoncent

Deux syndicats d'enseignants, en l'occurrence le CNES (Alger) et le SESS (Oran), ont rendu public un communiqué dans lequel ils fustigent la décision de la tutelle. « Les autorités algériennes viennent de montrer encore une fois le peu d'estime qu'elles ont pour la population algérienne en général et pour la composante de l'Université nationale en particulier. En effet le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, vient de faire avancer la date des vacances universitaires au 10 mars 2019, au dernier moment soit le 9 mars 2019 », dénonce un communiqué signé par Abdelmalek Azzi (Coordonnateur du CNES) et Kaddour Chouicha (Coordonnateur du SESS). « La décision de report indique que les autorités ont vraiment peur du réveil de la composante de l'Université nationale en particulier des étudiants et étudiantes surtout si ce réveil s'appuie sur l'expérience qui peut lui être transmise par la composante enseignante », ajoute le communiqué qui demandait à « l'ensemble des enseignants et enseignantes de se présenter le dimanche 10 mars 2019, au sein de leurs établissements respectifs pour protester contre cet acte et relancer l'activité syndicale nécessaire pour résister à cet affront ». Le CNES et SESS a invité à « débattre avec les étudiants » pour « les aider à créer une organisation syndicale réellement représentative qui redonnera toute sa place à la jeunesse estudiantine». «Nous devons rester sur place toute cette semaine au sein des établissements universitaires afin de pouvoir se concerter sur les évènements qui peuvent subvenir durant la semaine prochaine », ajoute le document.

Marches des étudiants

A l'instar de plusieurs wilayas du pays, les étudiants de l'Université « Ibn Khaldoun » de Tiaret, mêlés aux lycéens, ont encore battu le pavé, hier dimanche, sillonnant les principales artères de la ville, avant de marquer une halte au siège de la wilaya. D'aucuns, comme abasourdis, n'ont pas manqué de relever la présence d'enfants d'écoles primaires mêlés à la foule. Certaines administrations publiques et autres commerçants, situés sur l'itinéraire des manifestants, ont préféré baisser rideau par mesure de sécurité. Scandant des slogans hostiles au pouvoir et contre le 5ème mandat du Président Bouteflika, les centaines d'étudiants, encadrés par un dispositif de sécurité en alerte, ont marqué une halte au niveau de la Maison de la presse avant de converger vers la place « Regina » en plein cœur de la ville, s'attirant la sympathie des nombreux badauds. S'exprimant contre la décision de Abdelkader Hadjar, les étudiants ont promis de ne pas quitter les campus jusqu'au 21 mars prochain. A Tlemcen, des centaines d'étudiants de l'Ecole nationale préparatoire des Sciences économiques, commerciales et de Gestion, et des professeurs de l'Université Abou Bekr Belkaid de Tlemcen, ainsi que des stagiaires de l'Institut national de formation supérieure des sages-femmes, ont investi hier la rue à travers une grandiose marche pour démontrer et exprimer leur désapprobation de la décision de la tutelle.

Les manifestants ont convergé vers le siège de la wilaya pour observer un sit-in, en reprenant à tue-tête des slogans hostiles à la candidature de Bouteflika pour un 5ème mandat. A Maghnia, des dizaines d'étudiants et d'enseignants de l'annexe universitaire ont défilé dans les rues de la ville sous l'œil vigilant des forces de l'ordre, déployées sur les places emblématiques et artères principales.