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Le mur des lamentations

par Mahdi Boukhalfa

Il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond dans le secteur de l'éducation nationale. Moins d'un mois après une grève générale qui a montré toute la précarité de la situation de l'école algérienne, voilà que certains syndicats reprennent leurs revendications et remontent au front de la protestation. Un autre débrayage de deux jours est ainsi annoncé par l'intersyndicale, à l'appui bien sûr de revendications sociales et professionnelles. A croire que ces revendications, à force d'être ressassées et non satisfaites, sont devenues par la force des choses des axiomes ou des théorèmes impossibles à effacer du lexique des syndicats d'un secteur qui n'en finit plus d'abîmer dans un dédale de vérités et contre-vérités le fonctionnement normal de l'école.

A qui la faute si on en est arrivé à ce que des syndicats appellent dans un désert la tutelle à honorer ses engagements et éviter la voie de la fuite en avant en décidant une fois pour toutes d'aplanir les «ralentisseurs» et éliminer les «nids-de-poule» qui empêchent depuis plus d'une décennie le secteur de l'éducation nationale à produire les élites de demain, à fonctionner sans blocages ni débrayages, à mettre fin à l'angoisse des parents d'élèves ? La balle est dans les deux camps, car autant les syndicats exagèrent sur certaines revendications et pinaillent sur des points absolument futiles, autant le ministère joue et se complaît dans une mélodie démagogique qui ne contribue en aucune manière à ramener le calme, à apaiser des esprits surchauffés. Bien au contraire, si souvent la ministre cajole le dialogue et affirme que les portes de son ministère leur sont ouvertes, le contraire est cependant constaté à chaque fois que des syndicats osent réclamer leurs «droits».

A la longue, il n'est pas osé ni provocateur d'affirmer qu'entre un ministère de l'Education nationale, qui a laissé les revendications socioprofessionnelles des syndicats le dépasser, sinon le déborder à force de démagogie, et des syndicats «jusqu'au-boutistes» dans leurs revendications le dialogue de sourds s'est installé dans la durée. Et là, la responsabilité de cette situation ubuesque, qui a rendu inévitable le naufrage de l'école algérienne, est à imputer aux deux parties. Il est grand temps que la ministre de l'Education nationale mette fin, en évitant toute tentation démagogique qui ne ferait que retarder les solutions, à cette situation extrêmement préjudiciable au bon fonctionnement du secteur. Tout comme les syndicats auront énormément à gagner en crédibilité en restituant à l'efficacité des actions revendicatives leur symbolique en assouplissant leurs positions. De sorte que des voies de dialogue soient possibles, que des portes vers un règlement durable, sinon définitif aux conflits actuels, soient ouvertes sans qu'il y ait de part et d'autre des «coups de Jarnac».

Auquel cas, il faudrait un jour démasquer la partie qui ne veut pas libérer l'école algérienne d'une prise d'otage qui ne dit pas son nom. Et, plus que tout, restituer à l'école son rôle d'éducation et de formation pour que le seul secteur actuel qui recrute dans un environnement économique et financier asséché par la crise ne devienne pas «le mur des lamentations» de toutes les séditions, qu'elles soient syndicales ou bureaucratiques.