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Présidentielle: L'«inconnu», «l'imprévisible» et le «complot»

par Ghania Oukazi

Dans quelques jours, la scène politique nationale devra, en principe, connaître la convocation du corps électoral en prévision de l'élection présidentielle prévue au mois d'avril prochain.

Les événements qui doivent clarifier les intentions du pouvoir en place devront, alors, s'accélérer ces jours-ci, en raison des délais constitutionnels qui s'imposent aux institutions de l'Etat. La convocation du corps électoral devra en être le premier délai que la présidence de la République devra respecter. Il a été avancé par les médias que la date du 18 ou du 25 janvier seront celles qui, l'une ou l'autre, devra être retenue pour que le corps électoral soit convoqué en prévision de la tenue de l'élection présidentielle. L'une ou l'autre date en effet, en fixe les limites « au plus tôt» ou «au plus tard» et ce, pour que ce scrutin soit organisé un jeudi (comme de tradition) trois mois plus tard, c'est-à-dire en avril prochain, mois qui marque la fin du 4ème mandat présidentiel de Bouteflika. Contrairement aux élections présidentielles précédentes et aux préparatifs qui ont prévalus à leur tenue aux dates fixées par la Constitution, celle-ci particulièrement diffère, totalement, en raison des conditions, des contingences et des problèmes qui émaillent, fortement, la scène nationale et celle du reste du monde, notamment, celui à nos frontières.

Il est clair que l'état de santé de Bouteflika est le premier facteur qui laisse libre cours aux supputations comme c'est le cas, depuis 2005, année de son hémorragie au niveau de l'estomac et son évacuation à l'hôpital du Val de Grâce. L'état de sa santé s'est imposé comme baromètre à tout événement politique national. Les choses se sont, davantage, compliquées en 2013, après qu'il ait eu son premier accident vasculaire et encore une fois évacué vers le même hôpital. Depuis, le pays est plongé dans des doutes mortels... Cependant, il n'est pas dit qu'en cette nouvelle année, il ne sera plus question d'en parler. Tout porte à croire qu'il n'exclut pas la possibilité de briguer un 5ème mandat présidentiel. Il est vrai que l'on a anticipé son retrait des commandes du pays en raison, encore une fois, de la dégradation de son état de santé supposée à partir de son apparition publique, le 1er novembre dernier, assis dans sa chaise roulante mais retenu par une ceinture.

Une élection pour un mandat écourté ?

Le 27 décembre dernier, sa signature de la loi de Finances 2019, en présence de hauts responsables et du gouvernement dans son ensemble, est venue bouleverser tous les pronostics avancés jusque-là.

Bien que beaucoup ont fait part de monstrueux montages de prises de vue sur sa personne, celles répétitives de sa main insistant sur le i de son nom, son regard hagard, son teint blafard et tant d'autres éléments faisant douter de l'authenticité de l'image, cette apparition (re)pose la problématique de sa candidature pour un 5ème mandat présidentiel ou «pour continuer son œuvre.» Il semble que celle-ci ne fait plus de doute tant l'effervescence s'est prise des nombreux personnels politiques, civils et militaires, en prévision d'une campagne électorale qu'ils se préparent à animer dans des conditions qui ne diffèrent pas trop de celle menée en 2014, en sa faveur mais en son absence.

Des voix autorisées de l'intérieur de la présidence et de partis politiques et d'organisations satellites du pouvoir, affirment, pour cette fois, néanmoins, que la présidentielle à venir tranchera totalement avec celles précédentes, en premier par la durée du mandat qu'elle accorde et qui ne serait pas de 5 ans comme le veut la Constitution. L'on avance, ainsi, que Bouteflika ne restera que deux ou trois ans, tout au plus, pour que soient organisées des élections anticipées dans des conditions d'un pays qu'on présente, d'ores et déjà, comme assaini politiquement, libéré des contraintes socio-économiques et renforcé pour la sécurisation de ses frontières. Il est dit que les idées forces de telles prévisions seront distillées dans la lettre de candidature du président sortant. Pouvoir, partis politiques qui lui sont proches et certains de l'opposition ont déjà dénommé ce plan-programme «Conférence de consensus national». Beaucoup a été déjà avancé sur ce rendez-vous qu'on dit en gestation depuis près de deux ans. Les plus avertis l'appellent «la conférence de la dernière chance». Qu'elle soit annoncée par Amar Ghoul de Taj ou par Abderrezak Makri du MSP, l'évidence est que les deux personnages ne parlent pas pour et d'eux-mêmes. Bien que les remparts érigés autour de la résidence d'Etat de Zéralda sont impénétrables, des échos laissent entendre que l'information devait circuler pour faire réagir le plus de monde possible afin de «savoir qui est pour et qui est contre.»

Interrogations et appréhensions

L'on affirme que de fortes résistances tentent de faire capoter cet événement. «Une conférence de consensus national» laisse penser, de prime abord, que le pouvoir veut se maintenir encore en place grâce à un subterfuge «copié» sur un rendez-vous déjà tenu durant les années 90, époque où la crise a failli emporter le pays. Mais ses promoteurs réagissent promptement pour interroger «y aurait-il une autre alternative qui pourrait rassembler toutes les parties et sortir le pays de la crise ?» Encore une fois tout sera dans la manière avec laquelle cette conférence sera menée. Si dans la lettre de sa candidature ou dans un discours à la Nation, le président sortant n'en fixera pas les problématiques, les objectifs, les moyens de les atteindre et les institutions qui en assureront l'exécution, l'annoncer ne changera pas grand-chose. Des experts pensent qu'il est impératif de préparer des plates-formes conceptualisant les changements à opérer et les réformes à mener, avant de réunir tout le monde. L'on rappelle qu'au début des années 2000, d'importants chantiers de réformes diverses ont été ouverts mais sans suite. De volumineux documents existent sur la réforme des structures et des missions de l'Etat, la Justice, l'Ecole, la Santé. Il serait judicieux de les considérer comme les documents de base des discussions qui pourraient être menées durant la conférence. Changer le discours populiste et opportuniste ambiant par des interventions pragmatiques en temps, en moyens, en décisions et en mises en œuvre devient une exigence. Assurer un suivi, un contrôle et des évaluations périodiques au tout, en est une autre, toute aussi pressente. Seul un collège de sages et de compétences (sans attache avec le pouvoir, sans ambition ni prétention de se projeter au devant de la scène et d'occuper des postes), pourrait être la garantie de la bonne marche et l'exécution du travail effectué. Le président sortant devrait aussi préciser qu'il ne sera plus concerné par des élections présidentielles et par là même, celles qu'il anticiperait dès la mise sur rail de ce plan-programme. Mais avant, il aura mis en place des garanties sûres pour des élections crédibles. L'on s'attend, ces jours-ci, à ce que les choses soient clarifiées pour l'amorce d'événements politiques importants. A défaut, l'Algérie s'enfoncera dans la crise de « l'inconnu», de «l'imprévisible» et du «complot».

Des réalités terrifiantes chiffrées par des experts

L'éventualité de la tenue d'une conférence nationale du consensus est, en effet, avancée au moment où des experts chiffrent des réalités terrifiantes. Ces derniers jours, il est fait état de l'arrivée en Libye de 14.000 éléments de Daesch à partir de la Syrie et de l'Irak. Il existe 17 bases militaires étrangères qui entourent l'Algérie. Le gouvernement dépense chaque année 40 milliards de dollars pour soutenir les couches sociales vulnérables et financer les transferts sociaux. Chaque année, ce sont 500.000 diplômés qui sortent des universités algériennes et centres professionnels. Le groupe Sonatrach a perdu 300 milliards de dollars après avoir été secoué par le fameux dossier « corruption» durant les années 2000. Il existe 12 millions de jeunes connectés sur la toile et par les réseaux sociaux mais complètement déconnectés du reste du pays. Ce que les experts qualifient de «bombe virtuelle».

Le tableau fait craindre le pire à un moment où nos frontières sont en feu. «Nous sommes dans les profondeurs de notre grand Sud qui constitue une ouverture sur un continent tout entier,» avait dit mercredi dernier le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire devant les représentants de la Société civile de la wilaya de Tamanrasset. Nouredine Bedoui avait souligné, durant son périple saharien qui l'a amené à Ain Salah et Tinzaouatine, ce point «final» du territoire algérien, « le poids des responsabilités et l'importance des défis et des enjeux dans ces régions et leurs conséquences sur la sécurité et la stabilité du pays.» Il citera à cet effet « les nombreuses tentatives de violation de nos frontières par des groupes terroristes.» Le dossier de la migration clandestine sera évoqué comme étant «un moyen de pression d'officines et de réseaux mafieux qui visent la déstabilisation de l'Algérie». Son inauguration de centres de transit pour l'hébergement de migrants clandestins avant leur reconduite aux frontières de leur pays d'origine, se veut comme une réponse à ceux qui «confondent centres de transit avant le retour vers le pays d'origine et centre de détention de migrants en partance vers l'Europe comme constamment demandé par les pays occidents notamment européens.» L'Algérie fait face à des enjeux sécuritaires sans précédent.

L'arrivée, jusqu'à Tamanrasset, d'éléments de Daesch, en provenance de la Syrie pose de nombreuses interrogations et laissent planer de grandes inquiétudes.