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Au fil... des jours - Communication politique : nouvelles du front ! (Suite et fin)

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Mardi 20 novembre 2018 :

Le centre d'analyses international Crisis Group (ICG) dépendant de l'ONU vient de rédiger un rapport très alarmant sur la situation économique algérienne, appelant à des réformes urgentes pour diversifier une économie dépendante aux hydrocarbures et éviter une crise économique dès 2019 en Algérie. Du déjà entendu !

Tout en précisant que l'Algérie, qui tire l'essentiel de ses revenus du pétrole, a subi de plein fouet la dégringolade des cours entre 2014 et 2017, le rapport prend une tournure politique quand il écrit que «malgré les promesses des gouvernements successifs de faire des réformes et de rééquilibrer les finances publiques, la paralysie politique a fait obstacle à toute mesure décisive», s'est-il inquiété.

Pourquoi l'ONG Crisis Group a lié l'analyse de l'économie algérienne à la politique intérieure du pays... accentuant, avec son alarmisme, certes en bonne partie justifié mais trop répétitif pour ne pas être suspect. Les angoisses sociétales actuelles ? Qui a orienté l'ONG vers cette direction ? s'interrogent certains observateurs (il est vrai que l'on voit ce comportement au niveau de certains de nos experts et même de nos responsables). Tout en relevant qu'une personnalité importante qui a fait partie du gouvernement algérien est membre du Conseil d'Administration de l'ONG Crisis Group, en l'occurrence l'ex-ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. A-t-il été consulté pour l'élaboration de ce rapport très négatif sur l'Algérie ? Qui sait ! C'est certain, «l'attaque» de l'ONG sur l'Algérie n'est pas innocente. L'Algérie ne fait pas partie des pays qui financent cette organisation. L'International Crisis Group reçoit des financements de divers gouvernements, pour l'essentiel occidentaux, ainsi que de fondations caritatives, d'entreprises et de donateurs individuels. En 2012, son budget s'élevait à 20,3 millions de dollars américains. Parmi ces fonds, 49 % provenaient de 18 gouvernements différents et de l'Union européenne, 31 % d'entreprises privées et de donateurs individuels, et 20 % de diverses fondations et organisations philanthropiques. L'ONG est souvent accusée de promouvoir activement les campagnes de guerre de l'OTAN, notamment en Afghanistan. Elle est régulièrement invitée par l'OTAN.

A noter que Robert Malley, le président de Crisis Group n'est pas un novice dans le dossier algérien. C'est un analyste confirmé et un spécialiste dans le conflit israélo-palestinien, sur lequel il a rédigé plusieurs rapports sur les liens du Hamas avec l'organisation des frères musulmans. Robert Malley a surtout une histoire particulière avec l'Algérie. Son père, Simon Malley, journaliste, a fait partie de la délégation du Front de libération nationale (FLN) aux Nations Unies, durant la guerre d'Algérie et il a, par la suite créé (avec Baba Miske, Sobhi Belkacem...) la revue «Afrique-Asie» devenue «Africasia», bien connue en Algérie, tout particulièrement durant les années 70 et 80. Robert Malley a précisé , par la suite, que les membres du Conseil ne jouent pas de rôle concernant le contenu ni même le sujet des rapports, rédigés en stricte indépendance par les équipes. «Comment pourrait-il en être autrement ? Notre conseil comprend plus de 40 personnalités internationales éminentes du monde politique, culturel, des affaires et de la société civile avec des opinions et perspectives divergentes et souvent opposées. Si on cherchait le consensus, c'est Crisis Group qui serait alors paralysé. Nous bénéficions de leurs jugements et de leur perspicacité, mais nos travaux n'engagent que nous. Dans ce cas précis, R. Lamamra n'était guère au courant du sujet de notre rapport, encore moins de son contenu». On le croit !

Mercredi 21 novembre 2018 :

C'est incontestablement, un de nos plus grands journalistes. Ses analyses ont (presque) toujours été pertinentes et toujours bien «torchées». Sans détours et droit au but ! Sa dernière «sortie» sur un site électronique d'informations sur l' «engagement» et les «postures» des intellectuels algériens me paraît si sévère à leur endroit, les accusant de «retourner» leur veste et leurs idées en fonction de leur position «administrative» au sein de l'Appareil d'Etat, qu'il m'est difficile (pouvant être classé dans le lot) de ne pas m'insurger contre un tel jugement, trop tranchant à mon avis.

Selon lui, et selon certains d'autres «insoumis» (que l'on salue au passage) toute personne ayant fréquenté peu ou prou les allées de l'Etat ne peut, par la suite, qu'il soit «limogé» ou «écarté» ou «retraité», qu'être en situation d' «im-posture», et n'a presque pas (plus ?) le droit de clamer ses nouvelles opinions (alors qu'il n'y a que les imbéciles qui n?évoluent pas... et/ou ne changent pas d'avis) ; ce qui diminue ou même efface son engagement en faveur de telle ou telle cause lors de sa nouvelle «vie». Un «marsien» ! Un combattant de la dernière heure ! Un éternel coupable ! Une sorte de «Daf» ! Voilà donc une nouvelle posture beaucoup plus politique qu'intellectuelle qui oublie que la portée d'une prise de position de quelqu'un qui a pratiqué (et expérimenté) le système de l'intérieur est bien plus crédible que celle de quelqu'un qui n'a fait que l'observer de l'extérieur.

Il est cependant bien vrai, et regrettable, de voir bien de nos commis de l'Etat en «faire trop» devant les caméras de télévision et des Iphone ou sur les réseaux sociaux... et faire si peu au sein leur administration ou entreprise. Il est vrai qu'à ce moment-çi, ils ne sont pas des «intellectuels» mais seulement et simplement des «fonctionnaires de la Vérité».

Jeudi 22 novembre 2018 :

La phrase du mois : celle de Amin Zaoui qui commentait (chronique in «Liberté») l'«arrivée» à Ouargla, apporté par un «charlatan irakien», d'un soi-disant cheveu du Prophète Mohammed... et les «foules qui se bousculent» : «Nous sommes devenus une terre de décharge publique où tous les charlatans religieux orientaux et nationaux larguent leur venin mortuaire» . Après la chèvre de Biskra qui parlait arabe... !

Vendredi 23 novembre 2018 :

Les grandes manœuvres en vue de la prochaine élection présidentielle ont commencé. Chacun y va de son hypothèse et de son scénario... alors que la vie politique est devenue, en très peu de temps, une véritable «bouteille à encre». Rares sont les observateurs et les analystes politiques qui peuvent trouver «l'aiguille dans la botte de foin». On a même l'impression qu'au-delà des jeux habituels se déroulant en coulisses et dans la discrétion la plus grande (une discrétion encore plus grande que par le passé) tant les enjeux sont, cette fois-çi, beaucoup plus liés à des intérêts matériels, économiques et financiers de groupes ou de clans ou de familles qu'aux intérêts de la nation. Une situation «politique» découlant naturellement d'un gouvernance verticalisée et descendante favorisée par une embellie financière à nulle autre pareille amenant des libéralités généreuses. Même le soutien des peuples (car on a l'impression que la situation a remis au goût du jour, et grâce (sic !) au football, un certain régionalisme, pire encore, un «houmisme») doit désormais se monnayer. Ce n'est plus du libéralisme.. c'est du mercantilisme populiste... le lit honteux de toutes les dictatures, dont celle de l'argent.

Les grandes manœuvres en vue de la prochaine élection présidentielle ont donc commencé. Dernièrement, on a eu droit à une contribution de presse (dans un grand quotidien) de deux pages signée d'un général-major à la retraite (on croyait que l'obligation de réserve avait été renforcée !) qui adresse une «lettre aux aînés». Les aînés ? C'est-à-dire les «anciens» ; «la génération de Novembre, celle des artisans du passé». Un véritable «cri du cœur» ! Pour ? «Pour changer le cours des choses avant que le feu ne prenne»... Pour «prodiguer de sages conseils» à ceux qui «disposant encore des clés pour une douce solution à cette grave, et surtout crise multidimensionnelle qui s'annonce, sont à même d'éviter le pire à ce pays»... et «les faire sortir de cette posture d'entêtement génératrice de violence». Sera-t-il entendu? Peu probable: Le «pouvoir» algérien est généralement présenté dans la littérature académique et journalistique (et compris par les citoyens) de façon simpliste : il serait dominé par l'armée et subsidiairement par le président... ou dominé par le président et subsidiairement par l'armée. Hélas, «on verra au contraire que le «pouvoir» est composite, associant une multiplicité de pôles, chacun pesant d'un poids variable en fonction de la conjoncture et de l'évolution des rapports de force» (Ait Aoudia Myriam, in «L'expérience démocratique en Algérie». Essai © Koukou Editions, Alger 2016).Il semble bien que cela se soit bien compliqué avec le temps et la croissance accélérée, souvent inexpliquée, des «fortunes».

Dimanche 25 novembre 2018 :

L'Algérie condamne le meurtre du citoyen saoudien Jamal Kashoggi, tout en exprimant sa «conviction» que la justice saoudienne saura faire la lumière dans cette affaire, indique dans une déclaration, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères (MAE).

«L'Algérie, qui est liée à l'Arabie Saoudite par des relations étroites de fraternité, de coopération et qui partage avec elle un destin commun, exprime sa conviction que la justice saoudienne saura faire toute la lumière sur ce meurtre», précise le porte-parole du MAE.

«L'Algérie a pris connaissance des éléments de l'enquête menée par la justice saoudienne concernant le meurtre du citoyen saoudien Jamal Kashoggi, tels que rendus publics par le procureur général du royaume d'Arabie Saoudite, le 16 novembre dernier», note le porte-parole du MAE, ajoutant que l'Algérie qui condamne avec la»plus grande vigueur l'horrible assassinat du citoyen saoudien, prend acte des conclusions auxquelles est parvenue la justice saoudienne concernant les circonstances de la perpétration du crime et l'identité de ceux qui l'ont ordonné et exécuté», souligne Abdelaziz Benali Cherif.

Ouf ! Il était temps que l'Algérie officielle donne son avis sur une affaire qui, quoi que l'on pense, n'est pas des plus banale, d' autant que nos «réseaux sociaux» et certains partis islamistes (tendance Frères musulmans) ont commencé à «bouger»... et que le dirigeant étranger le plus incriminé a programmé une escale en Algérie. Pour ? Demander un soutien encore plus affirmé ! Discuter du prix du pétrole qui est en train de dégringoler sous l'effet d'une sur- production américaine et saoudienne ? Des deux ?

Mardi 27 novembre 2018 :

A mon avis, la plus grosse bêtise en matière de gouvernance commise par les appareils d'Etat algériens, a été la dernière gestion des «Affaires» liées aux contenus des médias sociaux (ou sites électroniques d'information) . Arrestations , tapages médiatiques inappropriés à la limite de l'indécence professionnelle, «gardes à vue», emprisonnements, jugements, libérations, compléments d'enquête... suivis ou accompagnés de soutiens plus ou moins massifs, en tout cas notables, de citoyens, surtout des jeunes, et d'avocats (et ce pour une défense gratuite, ce qui n'est pas courant de nos jours). Une analyse objective des faits démontre que les choses se sont passées en dehors de la «gouvernance raisonnable et du strict respect du droit». Il est vrai que ce dernier reste marqué par des zones d'ombre, bien des pans du paysage médiatique (dont les télévisions dites privées, les réseaux sociaux et les sites électroniques d'information) et de la pratique de la liberté d'informer et de la liberté de s'exprimer, sont quasi-inorganisés, donc soumis aux «odeurs» des «bonnes» fortunes et des «humeurs» politiciennes... aux groupes d'intérêts économiques et de pression politiques.

Retour de manivelle inattendu bien que prévisible car à trop jouer avec le feu, on s'y brûle un jour ou l'autre. Les jeunes «incriminés» , après leur «examen de passage pénitentiaire», sont devenus encore plus «eng (r) agés» que par le passé, défiant tout ce qui leur semble être de la (mauvaise) gouvernance et profitent sans peur des «failles» du système (basé toujours, en bonne partie, sur l'informel) de communication et de télécommunication national. Des acquis pour la liberté de la presse et pour la liberté d'expression qui, certes, peuvent causer bien des dégâts, mais malgré tout très profitables au pays. Pourquoi ? Elles n'ont pas été le fruit de «cogitations» politiques ou/et partisanes et/ou bureaucratiques et administratives, mais le résultat d'«agitations» citoyennes et populaires. Ne pas oublier que la Révolution de Novembre a été initiée par un groupe de jeunes gens découragés par la bureaucratie des partis politiques, et demeure encore vivace dans l'esprit des gens... que les «évènements d'Octobre 88» (qui ont «enfanté » la démocratie républicaine, quoi que l'on dise ou suppose ou laisse entendre (le dépit fait croire ou/et dire n'importe quoi !) est le résultat d'une très mauvaise gouvernance ayant duré près de trente ans... et que la liberté de l'information est née grâce au forcing des journalistes (qui avait déjà commencé en 86), les gouvernants de l'époque se voyant obligés de suivre.

Vendredi 30 novembre 2018 :

La présidence de la République rectifie (complète en fait) un texte du ministère de la Défense nationale qui a annoncé la visite officielle de Gaïd Salah aux Emirats Arabes Unis et au Qatar «sur invitation» du prince héritier d'Abou Dhabi, alors que c'est le président Abdelaziz Bouteflika qui a désigné Gaïd Salah pour effectuer cette visite.

Le premier communiqué du MDN annonce : «sur invitation de son altesse Cheikh Mohamed Ben Zayed Al Nahyane, commandant suprême adjoint des Forces armées, prince héritier d'Abou Dhabi, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'armée nationale populaire, effectuera, du 1er au 4 décembre 2018, une visite officielle aux Emirats Arabes Unis pour assister à la célébration de la 47ème Journée nationale des Emirats Arabes Unis, le 02 décembre 2018».

Quelques heures plus tard, un correctif (en fait un complément) est publié annonçant : «conformément à l'approbation de son excellence Monsieur le Président de la République, chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire, effectuera, du 1er au 4 décembre 2018, une visite officielle aux Emirats Arabes Unis, sur invitation de son altesse Cheikh Mohamed Ben Zayed Al Nahyane, commandant suprême adjoint des Forces armées, prince héritier d'Abou Dhabi, pour assister à la célébration de la 47ème Journée nationale des Emirats Arabes Unis, le 02 décembre 2018». Décidemment, de nos jours, même la moindre virgule de travers a une signification... politique.... parfois bien tordue, servant seulement de remplissage.

Et, pour finir, signalons l'émission par France 2, présentée jeudi soir 29 à 21 heures par le beau gosse Delahousse, sur «France - Algérie : une affaire de famille». Deux parties. La première assez objective brossant en accéléré l'impact et les dégâts de la colonisation française depuis la conquête en 1830 jusqu'à ce jour... mis à part le visage de haine de Le Pen. Il est vrai qu'il était difficile de contredire «l'Histoire» de mieux en mieux dite et écrite tant par des Français que par des Algériens. La seconde, intitulée «Les Pieds-noirs d'Algérie» , malgré les efforts, n'a pas réussi, loin de là, à taire ou à cacher tout ou partie, du racisme pied-noir à l'endroit des «Arabes»... et, pour «compenser» (?) elle a trop insisté sur les drames vécus en juillet 62 à Oran... oubliant que la ville, la plus européenne d'Algérie avait été mise à feu et à sang par l'OAS... une ville qui avait même prétendu devenir la capitale d'un Etat pied-noir... et que dans les autres villes, peu (ou pas) d'actions «revanchardes» ont été notées. Il aurait été assez judicieux (ça viendra peut-être) de faire un sujet sur l'accueil actuel amical, pour ne pas dire fraternel, réservé en Algérie par les «Arabes» aux Pieds-noirs et/ou à leurs descendants (et aux appelés français de la guerre d'Algérie... et même aux enfants de harkis)...