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Inquiétante addiction

par Mahdi Boukhalfa

La loi de finances 2019 sera signée à la fin du mois par le président de la République. Ce qui inquiète les milieux financiers, c'est un retour en catimini à la planche à billets amorcé par le gouvernement comme pour conforter les analystes que la situation économique du pays n'est pas aussi bonne que ne l'a annoncé début décembre le chef de l'exécutif lors de la rencontre gouvernement-walis. En fait, c'est la Banque d'Algérie qui annonce au N°69 du Journal officiel (25 novembre 2018) qu'une troisième opération de tirage de billets de banque a été opérée en septembre dernier, une date qui correspond, étonnamment, à un rebond sur les marchés pétroliers du prix du brut de +7,8% avec une moyenne estimée à 78,9 dollars/baril. La Banque d'Algérie a tiré durant le mois de septembre pour une valeur de 420 milliards de DA, portant l'encours global à 4.005 milliards de DA, soit 19,5% du PIB, alors qu'il était de 3.585 mds de DA.

Or, sur la base d'une embellie sur le marché pétrolier, des prévisions de recettes d'exportations d'hydrocarbures en nette hausse et un léger frémissement de la croissance hors hydrocarbures, le recours pour la troisième fois au financement non conventionnel ne s'explique pas vraiment. A moins d'impératifs urgents et incompressibles que n'explique pas vraiment l'institution financière, le gouvernement semble plus attiré par les solutions de facilité, quitte à mettre en danger de fragiles équilibres financiers, que de mettre en place les mécanismes d'une relance de la croissance économique. Le gouvernement Ouyahia, qui prévoit dans la loi de finances 2019 des recettes provenant de la fiscalité pétrolière de 2.714,47 milliards de DA (contre 2.807,91 milliards DA), serait-il déjà déstabilisé par une stagnation des prix du brut en 2019 par rapport à ses projections en septembre ?

La situation financière du pays est stressante, elle ne bouge pas vraiment, avec une ardoise lourde pour les importations, toujours à plus de 40 milliards de dollars prévus fin 2018 malgré plusieurs tours de vis, et en l'absence d'une hausse significative des exportations d'hydrocarbures. A moins que le gouvernement n'ait attrapé une curieuse addiction à la planche à billets, rien n'explique le recours pour la troisième fois entre novembre 2017 et septembre 2018 à la planche à billets. A moins que le stress financier ne soit arrivé à un seuil absolument inquiétant, à un moment, paradoxalement, où les cours pétroliers sont dans des seuils meilleurs en 2018 qu'ils ne l'étaient après la chute de 2014, la Banque d'Algérie doit des explications elle également et tous les analystes attendent la présentation devant l'Assemblée nationale du bilan 2018 que fera son gouverneur, M. Mohamed Loukal.

Bien sûr, les réserves de change ont également fondu comme une peau de chagrin, à 88,61 milliards de dollars à fin juin dernier, et le seront davantage à la fin de l'année à 85,2 mds de dollars. En clair, l'économie nationale n'arrive plus à produire ce qu'elle consomme et, faute de réformes économiques et financières urgentes et courageuses comme une révision de la règle des 51/49%, une ouverture réelle vers les gisements de capitaux étrangers et la cessation du financement non conventionnel, l'iceberg ne pourra être évité, même avec un baril à plus de 70 dollars.