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Alger renvoie magistralement la balle dans le camp marocain

par Kharroubi Habib

L'Algérie n'a pas répondu à l'appel de Mohamed VI, mardi 6 novembre, à nouer un «dialogue direct et franc» en raison qu'elle y a vu une tentative de sa part de l'impliquer dans une démarche bilatérale qui conforterait la thèse du Makhzen selon laquelle elle serait la cause première des déboires de l'Union du Maghreb arabe (UMA). Une thèse que les soutiens internationaux du Maroc ont fait sous-entendre en creux dans leurs déclarations approbatrices de l'initiative politique de son souverain en direction d'Alger.

C'est pour démentir ce sous-entendu complaisamment et insidieusement distillé par ces parties étrangères et non pour répondre au monarque marocain dont elles considèrent l'appel comme étant un «non-évènement» que les autorités algériennes ont saisi le secrétaire général de l'UMA pour lui demander d'organiser dans les délais les plus rapprochés une réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères en vue de relancer l'édification de l'ensemble maghrébin et de la réactivation de ses instances. La réplique algérienne coupe court à l'insinuation contre l'Algérie d'être «contre» le dialogue avec ses partenaires dans l'UMA en démontrant qu'au contraire elle y est franchement disposée mais pas à travers le mécanisme bilatéral que Mohamed VI a suggéré. Puisqu'il est question que l'appel du souverain marocain viserait à aplanir les obstacles et différends qui plombent la construction de l'ensemble maghrébin, il n'est meilleur cadre en effet pour discuter de la question que les organes de l'UMA.

Habilement, la diplomatie algérienne a relancé la balle dans le camp du voisin marocain, qui ne peut refuser l'ouverture d'un dialogue entre l'ensemble des parties prenantes à l'UMA et dans le cadre de ses propres organes sans apparaître s'en tenir au diagnostic fait sur elle lors du 28ème sommet de l'Union africaine par lequel il a établi qu'elle a «perdu sa flamme», ce qui justifierait que le Maroc s'en détourne et cherche à s'intégrer à d'autres ensembles africains et extracontinentaux. Si le Maroc ne répond pas positivement à la contre-proposition algérienne, démonstration sera faite que celle avancée par lui n'a pas été motivée par le souci d'offrir une démarche en mesure de lever par le dialogue multilatéral les problèmes qui bloquent la relance de l'Union maghrébine, mais qu'elle a en fait visé à enferrer le pays voisin dans un tête-à-tête qui en s'établissant et en étant focalisé sur la question du Sahara occidental comme le voudrait secrètement Rabat, lui vaudrait confirmation internationalement de la «justesse» de sa thèse sur celle-ci : à savoir que le véritable protagoniste face au Maroc dans ce conflit n'est pas le Polisario et la RASD mais l'Algérie.

Le trône et le Makhzen ont pensé avoir mis l'Algérie au pied du mur en l'appelant au dialogue, mais c'est elle qui vient de les mettre dans cette situation en leur retournant le principe de la nécessité d'une telle démarche mais dans le cadre des organes de l'UMA qu'ils ont désertée tout en feignant de déplorer la paralysie et l'impuissance.