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«Salmane m'a tuer»

par Moncef Wafi

La disparition certaine et le probable assassinat de Jamal Khashoggi a fait le tour du monde, amenant toutes les capitales du monde à s'interroger sur l'identité et le mobile des commanditaires. Le 2 octobre dernier, ce journaliste saoudien s'est rendu au consulat de son pays à Istanbul pour effectuer des démarches administratives. Depuis, ni vu ni connu, je t'embrouille ! L'endroit : le consulat saoudien, le mobile : contraint à l'exil aux Etats-Unis, Khashoggi dénonçait depuis un an dans le Washington Post, les manœuvres de Riyad à l'encontre de Doha. Encore une histoire arabo-arabe. Ankara, elle, est persuadée d'un meurtre tout comme la fiancée à l'opposant des Al Saoud, dont on dit qu'elle travaille pour le MIT, pas l'université américaine mais les services secrets turcs. Le décor étant planté, le casting fait et le scénario écrit ou à réécrire, la question dépasse, et de loin, la simple élimination d'un opposant au régime wahhabite. L'affaire concerne la liberté d'expression qui a été de nouveau assassinée par un Etat dont le chapitre des droits de l'homme ressemble à un crachat sur le Vésuve. Mais ceux qui dénoncent la disparition forcée de Khashoggi ont-ils la légitimité morale de le faire ? En sachant le sort réservé aux journalistes et opposants turcs dans leur propre pays, on se demande si Ankara ne ferait pas mieux de baisser le ton. Dans les autres pays arabes, la situation n'est pas meilleure concernant la liberté et les droits de l'homme, sans exception, à commencer par l'Algérie. Pas plus tard que la semaine dernière, un journaliste d'Ennahar a été interpellé à la porte de son travail sans autre forme de procès. On a toujours en tête la mort de Mohamed Tamalt en prison. Ailleurs, c'est pire. Faut-il alors se taire et regarder la vitrine du voisin ? Ce qui s'est passé à l'intérieur du consulat saoudien, s'il venait à être confirmé avec écrit au mur, en rouge sang, «Salmane m'a tuer», par exemple, ne peut être que condamné avec vigueur et les responsables traduits devant une justice internationale. Enfin, ce n'est plus possible d'envoyer des tueurs abattre de sang-froid un homme dont le seul tort est de dire qu'il ne vous aime pas et qui critique votre politique même si c'est au profit d'un pays comme le Qatar.

On n'est plus au moyen-âge, les gars, il faut vous réveiller, quoique, à cette époque, il y avait encore un esprit chevaleresque qui flottait sur les forêts médiévales. Les assassinats politiques sont révolus, les mecs, c'est vrai que c'est le sport favori de la CIA, du Mossad, du FSB et de certaines barbouzeries occidentales, mais voilà, il faut que la justice fasse son boulot.

On ne peut plus se taire devant de telles pratiques même si tout le monde a les mains sales et des Khashoggi il y en aura toujours tant que la cupidité et l'intérêt des Etats démocratiques primeront sur l'idéal de la justice et des droits de l'homme, surtout si ce dernier n'a pas la nationalité adéquate.