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Droit aux soins médicaux, droit au mariage...: Le calvaire des personnes vivant avec le VIH

par Mokhtaria Bensaâd

Amel, Ahlem, Kheïra, Sara, des filles courageuses qui sont venues témoigner à visage découvert et sans tabou de leur vécu, ô combien difficile, depuis qu'elles ont appris qu'elles étaient séropositives ou carrément atteintes du sida. Dans une société qui a un regard péjoratif envers les personnes vivant avec le VIH, discrimination, marginalisation, isolement sont devenus chose courante dans leur vie où chaque jour, selon leurs déclarations, est un combat pour avoir droit aux soins médicaux, au travail et même au mariage. Ces filles, qui au début de leur maladie ont sombré dans le désespoir et la mélancolie, nous les avons rencontrées lors de la rencontre internationale sur le thème «avec et pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), organisée du jeudi jusqu'au samedi par l'association de protection contre le sida «Hak El Wikaya» aux complexe des Andalouses. Elles ne sont pas venues juste pour assister aux travaux des ateliers prévus lors des ces journées, mais pour animer et aider d'autres malades qui souffrent de leur maladie à résister et aller de l'avant même si on a le sida. Encadrées par un consultant mexicain, militant pour les droits des PVVIH, Juan, ces animatrices ont tiré la sonnette d'alarme sur la discrimination dans l'accès aux soins au niveau des hôpitaux ou même chez les médecins privés. «Nous n'avons pas droit à des opérations chirurgicales, ni aux soins dentaires. Dès que nous déclarons notre maladie, le personnel médical nous refuse la prise en charge sous prétexte qu'il ne dispose pas de matériel adéquat», a crié Kheïra en déclarant, «faut-il mentir sur notre maladie lorsqu'on va chez le dentiste ou à l'hôpital ? Pire encore, le président de l'APCS, Pr Tedjeddine, a enchaîné qu'un sidéen, atteint d'une insuffisance rénale, s'est vu refuser l'hémodialyse par tous les établissements hospitaliers où il s'est présenté. Il a fallu des interventions et des menaces pour le prendre en charge. Devant une situation pareille, une question se pose : pourquoi les PVVIH ne sont pas considérés comme les autres malades ? Pourquoi ils n'ont pas droit aux soins comme les autres ? Existe-t-il une loi qui interdit la prise en charge des sidéens ? Autant de questions que les présents à cette rencontre attendent des réponses.

L'autre problème auquel sont confrontés les PVVIH est le droit au mariage. Sara, une jeune fille à la fleur de l'âge, est tombée des nues en ayant les résultats du bilan prénuptial effectué avec son fiancé. Les larmes aux yeux et un nœud dans la gorge, elle raconte, «c'était la surprise de ma vie lorsque les résultats ont révélé que j'étais séropositive. Cela m'a causé d'énormes problèmes avec mon fiancé que nous avons pu surmonter. Mais le comble a été de voir qu'au niveau du service des actes de mariage, on nous a refusé d'établir l'acte pour cause que mes analyses étaient positives». La représentante de l'APCS intervient à ce moment pour clarifier que «rien ne justifie ce refus vis-à-vis de la loi. Le bilan prénuptial n'est pas obligatoire pour établir l'acte de mariage. Il est demandé juste pour que les deux époux soient informés de leur état de santé».

Le traitement contre le sida a évolué, les mentalités pas encore

Grâce à l'évolution de la science et la disponibilité des médicaments, l'évolution du VIH est stoppée et son impact sur le corps est réduit. Ce qui offre au malade une meilleure qualité de vie. Mais avec cette évolution, a expliqué le Pr Tedjeddine, «les mentalités n'ont pas beaucoup progressé. On considère encore le VIH comme la maladie de la honte et le sujet est encore tabou dans notre société. Pourtant, les personnes malades du sida ou séropositives mènent actuellement une vie normale avec l'assistance médicale». L'exemple de Amel et son mari est la preuve qu'on peut vivre normalement même si on est atteint du sida ou porteur du virus. Amel a découvert, il y a quelques années sa séropositivité. C'était le drame, la honte, l'isolement, le rejet. Une vie perdue pour elle. Mais grâce à son adhésion à l'association et son contact avec d'autres malades comme elle, Amel a repris vie. Elle a pu sortir du gouffre et remonter la pente. Elle est actuellement animatrice dans l'association. Elle s'est mariée et son mari lui aussi est atteint de cette maladie. Elle raconte que leur vie est normale. Ils ont même eu une petite fille saine. Pour elle, «il ne faut pas perdre espoir et croire que tout va s'écrouler lorsqu'on apprend qu'on a le VIH. Il faut se battre et résister». Le Pr Tedjeddine a tenu à préciser qu'il est possible d'avoir des enfants sains pour un couple, qu'il soit sidéen ou sérodiscordant. L'important est de suivre un traitement sans rupture et de vérifier la charge virale. Lorsque la charge virale est négative, la possibilité d'avoir un enfant sain, est assuré.

C'est pourquoi, l'association s'est confié la mission d'expliquer et de sensibiliser la population sur cette maladie et le pas gigantesque qu'a fait la science pour le traitement.

L'association a pu décrocher deux projets, l'un avec le soutien de l'Union européenne et l'autre avec Humanitarian Volunteering Management (HVM). Le premier projet, financé par la mairie de Paris, concerne le dépistage dans les deux wilayas du sud, Béchar et Ghardaïa où une enquête nationale menée par l'APCS en 2015 a révélé une prévalence du VIH élevée dans ces deux wilayas. L'association a donc mobilisé un véhicule équipé qui sillonne depuis une année le sud pour faire le dépistage aux personnes vulnérables, les homosexuels ainsi que les migrants. Quant au second projet avec HVM et aussi l'Union européenne et l'association française ADICE, il consiste en l'échange de volontaires. Selon la vice-présidente de l'APCS, Ouabdesselam Djamila, «plusieurs associations participent à ce projet dont l'Algérie, le Maroc, la Géorgie, l'Estonie et l'Albanie. Une série de formations dans le déploiement des volontaires ont été organisées. Le projet sera clôturé cette année à Roubaix en France». Il s'agit d'un projet qui permet un échange de volontaires selon les besoins du pays. C'est dans ce cadre que l'association, qui a été certifiée pour l'échange de volontaires entre les pays, va recevoir, a indiqué Mme Ouabdesselem, deux volontaires pour faire de la médiation avec les migrants. Il est aussi prévu d'autres projets, l'un pour la scolarisation des enfants migrants et l'autre sur la formation des associations sur la gestion des projets.