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Banques: Chasse à l'argent de l'informel

par Yazid Alilat

  Les banques doivent attirer davantage de capitaux par une meilleure attractivité et améliorer les réserves de liquidités, notamment par la collecte de l'argent circulant dans le circuit informel.

C'est en gros le message lancé jeudi par le ministre des Finances, Abderrahmane Raouia, lorsqu'il a souligné que les banques sont tenues d'être "plus attractives pour renforcer la disponibilité de liquidités pour l'économie nationale". Pour lui, "les banques doivent être plus attractives et multiplier les efforts pour réaliser l'objectif d'attirer des fonds". Le ministre des Finances a ajouté que les banques publiques sont disposées à offrir des produits de la finance islamique et autres services pour améliorer la collecte de l'argent circulant dans le circuit informel.

Les services que "nous avons lancés au début de l'année seront élargis au cours de l'année prochaine pour faire tout ce qui est possible pour attirer les fonds échangés sur le marché informel", a précisé M. Raouia, selon lequel la modernisation du système financier et banquier est en cours et va offrir au grand public des produits modernes comme ''les cartes magnétiques". L'appel du ministre des Finances aux banques pour qu'elles captent mieux et durablement les ressources financières du circuit informel et améliorent leurs stocks de liquidités, intervient dans un contexte de baisse des liquidités et d'un ralentissement de l'action des banques publiques pour attirer l'argent de l'informel, en dépit des mesures prises en 2015 par l'ex-gouvernement Sellal.

Il est clair que le gouvernement est devant une situation bancaire encore marquée par une crise de liquidités, en dépit des mesures prises pour capter l'argent de l'informel. Dans une note de son gouverneur Mohamed Loukal en juin dernier, la Banque d'Algérie avait expliqué que dans le cadre du financement non conventionnel, elle a émis en deux tranches entre les mois d'octobre 2017 et janvier 2018 un montant de 3.585 milliards de dinars. La première tranche émise fin octobre début novembre 2017 a été de 2.185 mds de DA et la seconde, émise en janvier dernier, a été de 1.400 mds de DA, soit un total de 3.585 mds de dinars. Or, concrètement, et malgré les mesures prises par la loi de finances 2015 en faveur des détenteurs de capitaux thésaurisés, les banques publiques n'ont pas capté la moitié de l'argent supposé circuler dans le circuit économique informel.

Au mois de juillet 2015, l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal s'était réuni avec son ministre des Finances et les directeurs d'établissements bancaires et financiers pour lancer une vaste opération censée capter l'argent de l'informel en le bancarisant et le rendre du point de vue de la loi ''légal''. Cette réunion de l'ex-Premier ministre avec les responsables des banques portait alors sur les moyens à mettre en œuvre pour bancariser les fonds détenus par le circuit informel, évalués à 3.700 milliards de dinars, alors que la loi de finances 2015 avait introduit une taxe forfaitaire pour les détenteurs de capitaux évoluant dans le circuit informel, qui leur permet de les placer dans le circuit bancaire. Un taux de 7% a été appliqué à une taxe forfaitaire libératoire applicable sur les sommes déposées auprès des banques par des personnes physiques qui pouvaient, désormais, transférer leurs capitaux du circuit informel vers les banques.

Mais, un peu plus de trois ans après cette mesure, il semblerait que l'argent de l'informel n'a pas totalement intégré le circuit bancaire officiel. M. Raouia avait en janvier 2017, alors qu'il était en charge de la Direction générale des Impôts, que seulement 500 personnes avaient adhéré à la mise en conformité fiscale qui, selon lui, n'a pas l'objectif de réaliser des recettes, mais plutôt la mise en confiance des opérateurs informels. Or, pour l'ex-ministre des Finances Abderahmane Benkhalfa, il s'agit surtout de récupérer l'énorme masse de liquidité monétaire qui circule dans l'économie informelle. Il a récemment expliqué dans une déclaration à la radio nationale qu'''il ne faut pas couvrir tous les besoins (financiers, NDLR) par la Banque d'Algérie'', ensuite ''il faut bancariser l'économie, ramasser les ressources thésaurisées, car il y a des milliards de dinars en dehors des circuits bancaires et on a des possibilités d'attirer ces milliards''. Pour lui, ''il faut que le pays génère des ressources et pour cela il faut un ajustement économique important'', dont le retour à ''l'emprunt obligataire, l'inclusion de l'informel''.

Il y a également, selon le ministre des Finances, le dossier de la fiscalité locale à améliorer pour de meilleurs recouvrements au niveau local de l'impôt au profit des collectivités locales. M. Raouia a indiqué que ce dossier est ''au cœur du programme du gouvernement'' et un groupe de travail mixte des ministères des Finances et de l'Intérieur planche sur ce sujet pour permettre aux collectivités locales de répondre aux attentes des citoyens.