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Secteur privé national: entrepreneurs créateurs de richesses ou prédateurs ?

par Abderrahmane Mebtoul

Pour éviter des interprétations hasardeuses, il ne faudrait pas assimiler le partenariat public privé PPP à la privatisation. Une privatisation est la vente ou cession par l'État au secteur privé d'une partie ou de la totalité d'une entreprise publique. Dans le cadre d'un PPP, l'État verse une somme au secteur privé en contrepartie de l'offre de service et de la prise en charge éventuelle de la construction et de la gestion des infrastructures.

La privatisation suppose que le secteur privé soit le seul responsable d'assurer les services, alors qu'avec un PPP, l'État conserve son rôle de responsable envers les citoyens et reste présent dans le projet étant donné qu'il fait partie du contrat.

Pour l'Algérie, force est de constater que le tissu économique du secteur privé est constitué à plus de 97% d'entreprises de types familiales peu initiés au management stratégique en majorité des TPE. Nous avons un secteur privé peu concurrentiel dans sa majorité, existant pourtant quelques leaders dynamiques qui émergent , du fait d'un environnement contraignant hostile au monde des affaires ( bureaucratie, système financier, système socio-éducatif, foncier). Le secteur privé algérien s'est développé depuis l'indépendance politique largement à l'ombre du secteur d'Etat selon le fameux slogan secteur privé facteur complémentaire du secteur d'Etat. Le milieu des affaires est peu propice aux initiatives créatrices de valeur ajouté à l'instar de la politique salariale qui favorise des emplois rentes au lieu du savoir et du travail. Cela explique que les entrepreneurs, face à une concurrence étrangère (nombreux privés dans l'import) à laquelle ils n'étaient pas préparée, ont des filières d'importation afin d'équilibrer leur comptes globaux. Que l'on visite bon nombre d'anciennes zones industrielles (Est- Centre ? Ouest ou la zone de Ghardaïa) et l'on constatera que bon nombre d'anciennes usines se sont transformées en aire de stockage expliquant d'ailleurs le dépérissement du tissu productif où l'industrie représente en 2017 environ 6,3% du produit intérieur brut selon l'ONS. Et sur ces 6,3%, plus de 98/97% sont des entreprises familiales ou petites SARL peu initiées au management stratégique et à la concurrence internationale souvent endettées vis-à-vis des banques. A cela s'ajoute du fait de l'ancienne mentalité culturelle, une méfiance vis-à-vis du privé tant local qu'international du fait que les tenants de la rente ont peu de perdre des parcelles de pouvoir. Cela explique d'ailleurs ces alliances entre la sphère bureaucratique et certaines sphères privées spéculatives mues par des gains de court terme via la rente. Or le véritable dynamisme de l'entreprise, qu'elle soit publique ou privée suppose une autonomie de décisions face aux contraintes tant internes qu'internationales évoluant au sein de la mondialisation caractérisée par l'incertitude, la turbulence et l'urgence de prendre des décisions au temps réel. Le secteur privé pour des raisons souvent personnelles de rivalités de leadership est de surcroît atomisé, représenté par plusieurs organisations qui parlent tous au nom du secteur privé alors qu'elles ne doivent engager que leurs adhérents. Sans être exhaustif nous avons la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) la Confédération générale du patronat (CGP-BTPH), la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA), la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA, la Confédération algérienne du patronat (CAP) , le Conseil supérieur du patronat algérien (CSPA), l'Association des femmes chefs d'entreprises (Savoir et vouloir entreprendre-SEVE), le Club des entrepreneurs et des industriels de la Mitidja (CEIMI). Quant au Forum des chefs d'entreprises (FCE), qui veut s'ériger en syndicat, il est considéré comme un Think tank (laboratoire d'idées) et non comme une organisation syndicale.

Aussi la dynamisation du secteur privé dans sa globalité, productif implique de répondre à treize (13) questions pour savoir s'il contribue à la valeur ajoutée interne

- 1.- Quelle est la nature juridique des sociétés : SARL, sociétés par actions ou autres

-2.- Quelle est la part de l'emploi créé par rapport à la population active d'environ 12 millions

-3.- Quelle est la masse salariale octroyée et sa ventilation par qualification

- 4-Etant à l'aube de la quatrième révolution économique, le capital argent n'étant qu'un moyen, combien d'entreprises privées ont des laboratoires de recherche et quel est le montant du chiffre d'affaires qu'ils consacrent à la recherche

-5.-Quelle est la structuration par secteur d'activité du secteur privé, distinguant le chiffre d'affaires relevant de la production locale, de la sphère commerciale interne et des activités liées à l'importation

-6.- Sa part par rapport au chiffre d'affaires de Sonatrach

- 7- Sa part du chiffre d'affaires du secteur privé dans la sphère réelle par rapport au chiffre d'affaire de la sphère informelle en dinars

- 8-sa part dans l'investissement productif du dans le total investissement

- 9-le chiffre d'affaire n'étant pas un indicateur pertinent quelle est la création de valeur ajoutée et ses investissements sur fonds propres et donc quel est le profit net du secteur privé, déduction des charges

- 10.- Le paiement des impôts à l'Etat du secteur privé dans la sphère réelle et les fuites fiscales occasionnées par l'extension de la sphère informelle

-11.- La participation du secteur privé dans les exportations hors hydrocarbures par produits

- 12.- Le montant des crédits bancaires et le montant des exonérations fiscales reçus par le secteur privé auprès des banques et le montant du remboursement

-13.- combien d'entreprises privées ont-elles une comptabilité analytique, pour cerner leurs coûts et combien sont-elles initiées au management stratégique et aux pratiques du commerce international afin d'être concurrentielles. La décision récente en date du 09 septembre 2018 de Sonatrach de s'ouvrir au partenariat national, octroi de marchés, n'étant nullement question de privatiser Sonatrach, est louable voulant l'impliquer dans toute la chaîne des hydrocarbures pouvant renforcer le processus d'intégration, pour un volume ?d'investissement d'environ 20 milliards de dollars sur un total de 90 milliards de dollars qui serait engagé par Sonatrach.

Selon le président du réseau des bourses de sous-traitance et de partenariat, le nombre total des entreprises algériennes activant dans la sous-traitance industrielle ne dépasse pas les 900 entreprises, soit 10% des entreprises du tissu industriel. Un exemple récent des usines de montage de voiture qui n'ont pas encore atteint à 30/50% leur vitesse de croisière : les importations des kits CKD/SKD se sont chiffrées à 449,1 millions de dollars entre début janvier et fin février 2018 contre 219,5 millions de dollars sur la même période de 2017 en hausse de près de 230 millions de dollars (+104%), selon les chiffres donnés par les douanes algériennes, risquant de clôturer à environ 2,5/3 milliards de dollars fin 2018 et en vitesse de croisière sans un taux d'intégration de 50% le montant des importations pourrait doubler ...Je mets en garde Sonatrach contre certains prédateurs qui utiliserait la règle 49/51%, utilisant l'argent des banques publiques, sans utiliser leurs fonds propres, sans savoir technologique et utilisant par des réseaux de clientèles et le savoir faire étranger sans apporter de valeur ajoutée.

Cependant l'objectif à terme , loin des querelles stériles, en ces moments de tensions budgétaires et de grands bouleversements géostratégiques dans la région, est de privilégier les intérêts supérieurs de l'Algérie avant tout, sans distinguer le secteur d'Etat et le secteur privé productif et non prédateur qui vit du trésor public via la rente des hydrocarbures,, sans utiliser ses fonds propres, devant contribuer tous ensemble au développement national.