Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Trous d'air

par Mahdi Boukhalfa

L'appel d'air du personnel de maintenance d'Air Algérie, dont le déficit frôlait les 60 milliards de DA à fin 2017, est un signe qui inquiète sur la santé du pavillon aérien national. Jamais une entreprise publique n'a enregistré autant de mouvements sociaux, de débrayage et de colère qu'Air Algérie qui collectionne les grèves de ses employés. Son déficit est un gouffre financier qui n'a d'égal qu'un personnel pléthorique, un peu plus de 9.000 personnes, quand la gestion de la compagnie ne nécessite pas plus de 3.000 personnes selon des cadres de la compagnie.

En fait, l'annonce du débrayage du personnel de maintenance n'est en elle-même pas une surprise tellement cette compagnie a habitué tout le monde, ses soutiens comme ceux, au sein du gouvernement, qui voudraient la privatiser, à ces sorties de piste sociales qui semblent devenir une seconde nature. Ailleurs, une compagnie aérienne pareille aurait déjà déposé son bilan, mais les autorités du pays semblent s'accommoder d'une telle situation, maintenant sous perfusion financière un pavillon qui aurait dû être réformé depuis longtemps. Car il ne fait aucun doute qu'une compagnie aérienne dont certains de ses employés se permettent de rabrouer des voyageurs ou de les humilier, quand ils ne les font pas descendre d'avion, ne pourra jamais voler de ses propres ailes sans la protection financière de l'argent de la collectivité publique. Et c'est là en réalité où réside la mauvaise gestion d'Air Algérie, car même déficitaire la compagnie est assurée d'être renflouée par l'Etat. Alors, à quoi bon la performance ?

La compagnie, qui croule sous un phénoménal sureffectif, n'a jusqu'à présent accompli aucun programme de réduction de sa voilure, limiter les postes budgétaires boulimiques, supprimer des représentations à l'étranger inutiles et, notamment, une réduction des déficits par un gel des hausses salariales et un plan social pour des départs en retraite. D'autres compagnies aériennes proches de nous ont été contraintes de passer par ces mesures impopulaires, dont un plan social dramatique et la suppression de bureaux et représentations à l'étranger, et plus d'agressivité sur la politique des tarifs avec, cependant, un service à bord parfait, ont réussi en moins de deux années à enregistrer des bénéfices. Et, en particulier, améliorer le rendement de la compagnie, en dépit de la politique d'Open Sky. Mais, ces schémas de restructuration ne sont pas connus au sein d'Air Algérie, pilotée à distance, avec des plans de financement bancaires pour l'achat de la flotte de la compagnie qui ne les rembourse jamais. Du moins au compte-goutte, alors qu'un plan de financement est là, à portée de main, si elle est intégrée à la Bourse des valeurs d'Alger.

Le mal de la compagnie aérienne algérienne est profond, et ce n'est pas une grève de plus ou de moins qui va détériorer une image du pays déjà mal en point depuis longtemps par rapport aux standards de l'IATA. Et, si le ministère des Transports s'inquiète des retombées de la grève annoncée par les techniciens de maintenance d'Air Algérie sur le moral des touristes, il ne fait rien, par contre, pour proposer au gouvernement de lancer un vaste plan de restructuration d'Air Algérie pour la replacer sur le marché international des transporteurs aériens. Comme si cette situation délirante d'une compagnie sous perfusion arrange bien des intérêts personnels, bien des parties, bien des lobbies. Et que la relance d'Air Algérie, sclérosée par des méthodes de gestion archaïques, n'a jamais été une priorité pour les pouvoirs publics.