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Les finances dans le rouge

par Mahdi Boukhalfa

Les fondamentaux de l'économie algérienne sont toujours dans le rouge. A la hausse du déficit de la balance des paiements s'ajoute la baisse accélérée des réserves de change. Les derniers chiffres communiqués par la Banque d'Algérie ne prêtent pas à l'optimisme, même si les cours du brut restent dans la fourchette des 75 dollars/baril. En fait, l'économie algérienne serait en mode «ralenti» et depuis au moins deux ans avec une baisse inquiétante des investissements publics et, surtout, des IDE qui n'ont guère franchi la barre des deux milliards de dollars depuis 2014.

C'est un boulet que traîne l'économie nationale qui a, dans le même temps, perdu les chemins de la croissance et des grands équilibres budgétaires. Le recours à la planche à billets pour financer une partie du déficit budgétaire et payer les fonctionnaires n'a pas arrangé les choses, même s'il a pu atténuer l'ampleur des déficits publics. Mais, ce qui inquiète le plus, c'est la baisse à moins de 90 milliards de dollars des réserves de change du pays qui s'effritent à un rythme moyen d'un milliard de dollars par mois. Et la situation globale des finances publiques s'est encore dégradée à la fin juin avec des réserves de change qui ont baissé à 88 milliards avec un déficit de la balance des paiements de 8 milliards de dollars à la fin du 1er semestre (4,3 milliards au premier trimestre). Ce ne sont pas des chiffres rassurants, d'autant que la fin de l'année 2018 devrait être marquée par une baisse à moins de 80 milliards de dollars des réserves de change.

Le tableau est préoccupant car l'Algérie ne pourra pas vraiment profiter de l'embellie des cours du brut, même à un niveau moyen de 75-80 dollars/baril, selon les chiffres communiquées par la Banque centrale, car les projections les plus optimistes donnent à la fin de l'année un déficit global de la balance des paiements proche de 16 à 17 milliards de dollars. Il est clair que la situation globale de l'économie nationale est toujours mauvaise, dans le rouge. Il appartient dès lors au gouvernement de trouver les ressorts nécessaires pour redresser cette préoccupante trajectoire et, surtout, remettre les fondamentaux dans une courbe ascendante. Certes, le recours au financement non conventionnel a été une solution conjoncturelle à un problème structurel, et donc ne peut être une réelle porte de sortie, ni une solution durable. Comme les restrictions des importations, pour atténuer la pression sur les réserves de change, n'ont pas apporté les résultats escomptés, du fait notamment de l'affaiblissement de l'appareil de production national qui a été le plus pénalisé par le gel des importations de certains intrants et matières premières.

En donnant un violent coup de frein à certaines importations, le gouvernement a encore compliqué la situation globale de l'économie du pays, en fermant le seul robinet qui produisait de la valeur ajoutée, le secteur manufacturier. La crise est patente au sein des entreprises algériennes privées, pour celles qui avaient un plan de charge, avec une activité très réduite et une commande publique ramenée à sa plus simple expression. Car si les chiffres de la Banque d'Algérie expriment une situation globale difficile, le moral des entrepreneurs algériens exprime quant à lui un malaise qui perdure dans le secteur manufacturier. Et, si le secteur productif, qu'il soit public ou privé, est sanctionné par les restrictions aux importations, il serait difficile alors de relancer la croissance, perçue en termes de hausse de la production manufacturière, de création d'emplois, de distribution de salaires et, surtout, de relance de l'épargne. Le bilan financier du 1er semestre de la Banque d'Algérie est loin de ce schéma idyllique.