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Sommet contre sommet: Esquisse d'un nouveau paysage géostratégique international

par Abdelhak Benelhadj

Sommet et contre-sommet

1.- Du J. 07 au V. 09 juin 2018 le sommet du G7 s'est tenu au Canada à l'hôtel cossu de La Malbaie, surplombant le fleuve Saint-Laurent, dans la région du Charlevoix (Québec). Il réunit l'Allemagne, les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne, l'Italie et le Japon. Se sont joints aux chefs d'Etats, le président de la Commission européenne (Jean-Claude Juncker), le président du Conseil européen (Donald Tusk), le président de le secrétaire général des Nations Unies (Antonio Guterres), la présidente du Fonds Monétaire International, Christine Lagarde)...

Cet événement a tenu en haleine le monde pendant toute sa durée. Il occupa une place considérable dans tous les médias et provoqua un nombre incalculable de débats sur tous les plateaux de télévision et dans la rubrique « idées » d'une multitude de supports.

D. Trump était au coeur des événements. Par les décisions qu'il avait prises avant le Sommet, pendant et après le Sommet.

2.- Le samedi 09 et dimanche 10 juin 2018 s'est tenu à Qingdao (en Chine) un autre Sommet, celui de l'OCS (Organisation de Coopération de Shanghai) créée en juin 2001.1

Cette organisation intergouvernementale succède au « groupe de Shanghaï » lancé en 1996. L'OCS vise d'abord à stabiliser les frontières des nouveaux Etats créés. Elle offre aussi une coopération économique et une sécurité collective à ses adhérents. L'axe Moscou-Pékin constitue la colonne vertébrale de cette entente et forme de rapprochement géostratégique face à ce qui apparaît de plus en plus comme un monde unilatéralement dominé par les Etats-Unis. Ce sommet est passé totalement sous silence. Une sous-information délibérée, organisée par un système politico-médiatique mondialisé qui accompagne les firmes transnationales, les banques, les fonds d'investissement hautement spéculatifs... le tout, bien évidemment, encadré par d'imposantes armadas surarmées qui quadrillent la planète en un filet serré de théâtres d'opération.

G6+1 ou G7-1 ? Peu importe !

Le président américain est arrivé en retard au Sommet et l'a quitté quatre heures en avance, avant ses homologues. Donald Trump n'aura donc passé que vingt-quatre heures avec ses alliés.

Pourquoi tant de dédain pour ses partenaires au G7 ? En sera-t-il de même en juillet à Bruxelles au Sommet de l'OTAN ? En est-il ainsi parce qu'au fond il n'a pas de vrais partenaires ? L'Amérique négocie avec des ennemis, pas avec des vassaux. Trump prend des décisions et n'a pas à en rendre compte, sinon auprès de ceux qui l'ont mandaté pour les représenter et défendre leurs intérêts. L'Elysée, en juillet 2017, avait vendu aux Français l'image d'une France influente, amie proche des Etats-Unis. Prestige que le Brexit allait renforcer espérait-on à Paris. Ce poids dans le domaine des relations internationales devait compenser et aider E. Macron à faire passer des décisions « courageuses » (en fait très impopulaires) en politique intérieure.

Echec sur tous les tableaux. Les chiffres sont impitoyables. Reste la com' autiste intérieure.

L'Allemagne, soutenue par les pays de la zone mark, ne veut pas entendre parler d'un accroissement du budget, ni de la nomination d'un « ministre » européen des finances et encore moins d'une mutualisation des dettes (eurobonds). Olaf Scholz ministre allemand des Finances a confirmé l'opposition de Berlin à toute idée de solidarité au sein de la zone euro. « C'est aux pays d'endosser la responsabilité de leurs propres problème ». Hier à propos de la Grèce et aujourd'hui à propos de l'Italie et de tout « pays du Club Med ». France comprise, car c'est toujours à la France que les Allemands pensent lorsqu'il s'agit de traiter des pays excessivement déficitaires et endettés...

Pour ce qui concerne le poids de la France face aux Etats-Unis la déconvenue est plus cuisante. E. Macron a été humilié comme ses homologues européens, canadien et japonais. D. Trump semble se divertir avec le président français à évoquer ses « grandes qualités » de chef d'Etat...

Il a confirmé le retrait de son pays de la COP212.

Le fantôme d'Andrew Jackson

Ainsi le paysage est plus clair.

Sous B. Obama, les Etats-Unis entretenaient l'illusion d'une « coalition » derrière laquelle ils se cachaient. Ce qui flattait la cohorte de supplétifs qui se pressaient derrière eux et qui noyaient dans l'apparence d'une concertation d'égal à égal - abusant ainsi leurs opinions publiques - la réalité qui est exposée au grand jour, celle d'une stricte subordination.

Aujourd'hui, il en va tout autrement. Washington n'a plus besoin de cette couverture.

L'Empire apparaît pour ce qu'il est : un chef d'orchestre ombrageux n'ayant que mépris pour ses « alliés ». Pour illustrer cette nouvelle situation, le président américain a eu une répartie sibylline qui a scandalisée nombre d'observateurs : « Comme cela a été stipulé par de nombreux spécialistes du droit, j'ai le droit absolu de me GRACIER. » (AFP, L. 04/06/2018, 20:10). Un homme capable de se soulever de terre en tirant sur les lacets de ses chaussures. Diantre !

En vérité, ce n'est pas à lui (seul) que cette immunité s'applique. D. Trump proclame hautement que c'est l'Amérique toute entière qui s'affranchit du droit ordinaire, commun qui s'impose à toutes les autres nations. Sauf à elle.

Un membre unique d'une classe unique qui n'a de comptes à rendre qu'à lui-même. Pour montrer en quelle estime il tient le G7 dont il s'est gaussé avant même sa venue au Canada, le traitant de divertissement, il ne daigne même pas rester pour la photo finale traditionnelle de clôture. Le Dieu d'Abraham, comme chacun sait, est iconoclaste. Qu'ennemis et vassaux fassent avec. Pour brouiller les pistes et obscurcir autant que possible les débats, en sorte que les citoyens ne puissent suivre et identifier les vrais enjeux de ces grandes messes et faire le lien concret avec leurs conditions de vie, on exagère les antagonismes psychologiques, les oppositions de caractère, de personnalités, transformant les confrontations politiques et économiques mondiales en querelles d'egos, en jeux de séduction et les hommes politiques en personnages de romans...

En cela le comportement insaisissable du feu follet D. Trump qui défend tout et son contraire amplifie de manière spectaculaire cette dimension dont il se joue avec le talent et la finesse d'un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Exemple : Voilà en quels termes la « tragédie » canadienne a été rapportée par France Culture, réunissant l'« élite » éditoriale parisienne, ce dimanche 10 juin : « Beaux, jeunes, souriants, complices. Tels sont apparus à Ottawa Emmanuel Macron et Justin Trudeau, accordant leurs violons en amont du sommet du G7 au Québec pour faire front commun face à Washington (...) C'est peu dire que ce duo a agacé Donald Trump. »

C'est ainsi, selon ces commentateurs émérites, que s'expliquerait la réaction courroucée du président américain qui a déchiré l'accord signé avec ses « alliés ». Pourtant, la position canadienne était connue bien avant l'ouverture du Sommet. La délégation américaine et son président avaient donné leur aval au document en 28 points péniblement négocié par le « Groupe des sept ». Un vrai vaudeville ! Un vrai fiasco. Le G7 s'est réuni pour rien.

Dernière « provocation » : élargir à nouveau le G7 à la Russie. « Réintégrer la Russie serait une chose positive » propose D. Trump qui n'en croit pas un traître mot. Y compris l'Italie qui approuve, tous les Européens tombent dans le panneau et protestent. On se demande d'ailleurs pourquoi et surtout en quoi l'exclusion de la Russie sert leurs intérêts.

On se souviendra que la Russie avait rejoint le G7 en 1997. Elle en est chassée en 2014 (officiellement « suspendue »), consécutivement au rattachement de la Crimée à la Russie. Pour mesurer à quel point le G7 est loin de connaître l'unanimité sur cette question : en 2015, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier et en 2017, le Premier ministre du Japon Shinzô Abe ont plaidé - en vain - en faveur du G8. C'est Washington alors qui s'y était opposé. La réaction de Moscou ne s'est pas faite attendre. S. Lavrov a décliné la généreuse hospitalité de D. Trump. Ce dont à peu près personne ne pouvait douter. Sauf peut-être quelques Européens atlantistes, victimes de réflexes pavloviens...

Unilatéralisme américain

Il s'exprime selon un principe terriblement simple : un traité ne vaut et ne tient que par les rapports de forces qui l'ont engendré. L'Amérique de D. Trump ajoute : Aucun traité ne peut réciproquement entretenir un rapport de forces qu'il ne reflète plus. Avec le problème ci-après : Washington s'arroge le droit de décider unilatéralement du sort des traités multilatéraux.

Les experts en tout genre (politologues, économistes, spécialistes de telle ou telle question) sont convoqués pour en traduire à l'intention des béotiens, les subtilités sophistiquées.

Bien avant D. Trump. De « l'America first » à « l'America alone » certains journalistes devisent en vain. Pourtant, il en a toujours été ainsi, depuis longtemps.

Beaucoup ont en mémoire la réponse des Etats-Unis, par la bouche de John Bowden Connally, Jr. son Secrétaire au Trésor, aux Européens abasourdis lorsque Washington a décidé de laisser flotter sa monnaie au début des années 1970.

« Le dollar est notre monnaie. Mais c'est... votre problème. »

Washington a toujours fait cavalier seul. Il n'y a que l'emballage qui change selon les circonstances et les locataires de la Maison Blanche. Les Européens sont désarçonnés mais évaluent mal les gradients de nocivité de leurs vis-à-vis : B. Obama était sans doute le plus dangereux pour leurs intérêts. Une main d'acier dans un gant de velours. Ce n'est pas le cas de D. Trump qui relève brutalement les droits de douane sur l'acier et l'aluminium. Demain, viendra le tour de l'automobile allemande et d'autres relèvements de taxes... Il négocie seul avec la Corée du Nord, selon un agenda illisible pour l'observateur, et toujours seul décide que le Traité avec l'Iran n'est plus valable. Israël n'a plus qu'un seul locuteur en Palestine où les Palestiniens ne « reconnaissent » plus Washington (en attendant peut-être de révoquer l'Edit d'Oslo, attestant ainsi de la non-existence d'un peuple palestinien). La fin d'une illusion.3

Certes, l'universalisation des normes à partir d'un centre unique offre le champ à l'exercice de la puissance.

Le G6 se plaint que D. Trump ait remplacé l'accord par le deal. La raison par la force.

Les réformes structurelles généralisées à toutes les économies ne sont-elles pas de même nature ? En France, la réforme du droit du travail entamée sous F. Hollande et continuée sous E. Macron, selon le credo libéral (combattu naguère par H. Lacordaire4), a remplacé la loi par le contrat et a substitué aux accords de branches, les négociations par entreprise.

Ce faisant, la contre-partie de la « liberté » a ouvert la porte à la « loi » du plus fort. D. Trump ne pratique-t-il pas politique semblable ?

Plus de conventions collectives. Que des tête-à-tête entre nations.

Libération de l'Europe occupée

Que peut faire l'Europe (si tant est qu'elle soit tentée de faire quoi que ce soit) ?

Les Européens peuvent essayer d'adopter la station droite et desserrer les contraintes qui les réduisent à l'état de pays supplétifs à la libre disposition et arbitraire de leur « allié ». Comment ?

1.- Tenter d'imposer à l'échelle internationale les transactions en euros à leurs partenaires commerciaux et peu à peu se défaire du dollar qui recycle l'épargne mondiale au profit des Etats-Unis, sans compter les risques incalculables que les déraisons américaines font courir à l'économie mondiale. Les Français auraient-ils oubliés les réserves exprimées par lord J. M. Keynes, celles de J. Rueff et du général de Gaulle (cf. Plan Istel-Alphand, 1943) à Bretton Woods ?

2.- Etablir et défendre les relations avec les pays où leurs entreprises sont implantées.

3.- Répondre aux sanctions par des sanctions contre les entreprises américaines. Et pas seulement en taxant les Harley-Davidson et le beurre de cacahuète qui ont fait bien sourire les observateurs internationaux qui doutent qu'il y ait vraiment un pilote dans l'avion.

4.- Retirer les forces armées européennes de l'OTAN et inviter les armées américaines à quitter l'Europe. « American go homme », lançait-on à l'époque où l'Elysée était habité. Les pays européens ont les moyens de se doter des systèmes nécessaires à leur défense. Encore faut-il qu'ils aient une politique étrangère commune pour en déterminer le mode d'emploi et l'usage qui ne repose pas seulement sur l'exercice de la coercition.

La question reste posée : comment les Européens peuvent-ils envisager une Union quelconque en laissant entre les mains d'un tiers (aussi amical soit-il) les moyens de leur défense ?

Nommer un ennemi et un allié n'est-il pas le privilège de l'indépendance et de la souveraineté ?

La fin de la Guerre Froide n'est pas la fin des histoires

La situation géostratégique actuelle est bien différente de celle qu'a connue le monde avant 1990.

Sous le régime de la « Guerre froide », les Etats-Unis avaient deux ennemis bien identifiés :

1.- Les ennemis idéologiques, politiques, militaires, bloc contre bloc, les missiles dressés de part et d'autre du « rideau de fer ». En face, l'URSS, la Chine et une galaxie de pays plus ou moins « alignés ».

Mais ces ennemis pesaient peu sur le plan économique. « Pareto » dominait les rapports de forces économiques. Les principaux leviers du camp d'en-face viennent du nombre, de la fin de la dernière guerre, du processus entamé de décolonisation et, bien entendu, de la « réponse du faible au fort » liée à la dissuasion nucléaire dont disposait l'URSS dès 1949 et puis la Chine.

2.- Les ennemis des Etats-Unis que tout le monde s'est affairé à cacher, c'étaient ses ennemis économiques : l'Europe (l'Allemagne principalement) et le Japon qui commençaient à menacer la puissance économique, industrielle et commerciale américaine.

Le Japon et l'Allemagne ont pris une revanche nette de leurs défaites sur les plans militaires en 1945. Les industries allemandes dominent mieux l'Europe aujourd'hui que n'auraient pu le faire les panzerdivisionen de la wehrmacht.

Récapituler tous les épisodes de cette guerre sournoise, à fleurets mouchetés dépasserait le cadre de ce papier.

Cependant, on peut en récapituler quelques uns :

1.- Peu à peu tous les monopoles que les Américains avaient dans la fabrication des biens industriels et les biens d'équipement ménagers sont été érodés.

2.- Un déficit a commencé à apparaître dans les échanges (d'abord de la balance des paiements) avec une chute irréversible des réserves en or outre-atlantique ce qui a mécaniquement affaibli les Accords de Bretton Woods (juillet 1944), malgré le « Pool de l'or » imposé par Kennedy en 1961. C'est avec une ironie retorse que Nixon a décidé la non-convertibilité de la monnaie de son pays avec deux conséquences fâcheuses pour ses adversaires : dépréciation de ses dettes avec celle des eurodollars « centralisés » en Europe et privatisation des marchés de change offerts à la spéculation sur les marchés (dominés par Wall Street) qui allaient s'en donner à coeur joie.

3.- L'inflation qui s'ensuivit allait être amplifiée par la hausse du prix du pétrole, avec cette précision que la crise pétrolière de 1973 a été entièrement organisée et planifiée par Washington, naturellement avec l'aide de l'Arabie Saoudite et l'Iran des Palhévies. Les autres membres de l'OPEP naissante montaient volontiers dans un wagon qui servait leurs intérêts.5

Les principaux perdants de cette affaire étaient les pays dépendants des importations d'hydrocarbures, à savoir l'Europe et le Japon (et aussi de nombreux pays pauvres du sud) qui allaient voir exploser leurs coûts et donc leurs prix.

« En même temps », cette hausse affecta les points morts et les seuils de rentabilité de l'exploitation pétrolière, ce qui allait relancer la production du pétrole qui restait aux Etats-Unis après la « Ruée vers l'or noir » et amortir les coûts de l'exploitation et de la recherche du pétrole off shore. Incidemment, la Grande Bretagne et la Norvège (parmi d'autres) se réjouissaient de ce mauvais tour fait aux « continentaux ».

Le plus cynique est que toute la machinerie médiatique mondiale va le mettre sur le dos des méchants arabes qui auront le tort de ne pas tirer un meilleur parti des avantages acquis lors de la « guerre du Ramadhan » au cours de l'automne. Mais ça, c'est une autre histoire. Aujourd'hui le paysage a profondément changé.

* Les nouvelles routes de la soie

Le Sommet de l'OCS que les médias occidentaux dédaignent avec ostentation n'est pas une réunion de gueux et de miséreux qui pèsent, comme il y a cinquante ans, moins d'un cinquième de la richesse mondiale. Après l'adhésion de l'Inde et du Pakistan, les huit pays membres de l'OCS représentent plus de 60% du continent eurasiatique, environ 50% de la population mondiale et 37,5 millions de km². L'OCS réunit le pays le plus vaste du monde (la Fédération de Russie) et le plus peuplé (la Chine). Les membres de l'OCS regroupent 20% des ressources mondiales de pétrole, 38% du gaz naturel, 40% du charbon, et 30% de l'uranium. Les contrats entre la Russie et la Chine se multiplient dans le domaine de l'énergie dont le développement industriel chinois est fortement consommatrice. Ainsi en est-il du pétrole et de la construction d'oléoducs, tel l'ESPO (Eastern Siberia-Pacific Ocean Oil Pipeline) qui relie l'extrême orient russe à la Chine, mais aussi du gaz.

En 2014, un contrat gazier de 400 Mds$, conclu avec Gazprom, n'est pas encore entré en fonction. Le premier pipeline Power of Siberia ne sera pas achevé avant 2019, et il est prévu de le dédoubler.

En décembre 2017, les deux pays se sont mis d'accord pour construire un troisième gazoduc pour acheminer le gaz de l'Extrême-Orient russe. Le commerce bilatéral russo-chinois s'accroître rapidement.

Russes et Chinois diversifient leurs clients, leurs sources de revenus et d'approvisionnement échappant aux marchés contrôlés par les Etats-Unis et les ex-PECO européens, nouveaux membres de l'OTAN.

Par ailleurs, un contrat majeur vient d'être signé par le conglomérat public nucléaire russe Rosatom pour la construction en Chine de quatre réacteurs nucléaires.

Un autre a été conclu pour la fourniture par la Russie d'équipements de générateurs thermoélectriques utilisés pour alimenter le programme spatial chinois, « en particulier en vue de l'exploration lunaire ».

N'oublions pas qu'à ce jour aucun astronaute européen ou américain ne peut accéder à la Station Spatiale Internationale (ISS) sans passer par les Soyouz russes.

Les projets SpaceX restent pour le moment dans les cartons, malgré les efforts de la NASA qui a été réduite au rôle de prestataire de services public pour le compte d'intérêts privées.

Bien qu'il s'en défende Berlin est favorable aux relations de plus en plus denses qui font plus que s'esquisser entre l'Allemagne et la Chine, via Moscou. Un train sur plus de 10 000 km va de Duisbourg à Xian via Moscou, 300 fois par an. Il est deux fois plus rapide que le fret maritime pour un coût d'acheminement deux fois plus faible que celui de l'avion. Ces projets alimentent l'inquiétude des atlantistes européens qui voient l'Allemagne se tourner vers l'Est et manifester son intérêt pour les plans eurasiatiques de V. Poutine. Début 1990 déjà, même s'ils s'y attendaient parce qu'un jour ou l'autre cela devait arriver, soutenu du bout des lèvres des principes, l'effondrement du Mur de Berlin avait pris par surprise F. Mitterrand et la classe politique française, angoissés à l'idée d'un déplacement du centre de gravité de l'Union vers l'Europe de l'Est. La géopolitique française perdrait alors des pans entiers de ses arguments et de ses avantages comparatifs.

Paradoxalement, plus les sanctions se multipliaient contre Moscou ou contre Téhéran, plus de nouveaux projets prennent forme et offrent des alternatives.

Pendant que Peugeot ou Total se préparent à le quitter, l'Iran s'ouvre sur son flan Est, se rapproche de la Chine, de la Russie et de l'Inde.

L'Inde se déclare non concernée par les décisions coercitives américaines et continue à commercer avec l'Iran et le Venezuela malgré les menaces que font peser sur ses entreprises les sanctions contre ces deux pays. « Nous croyons dans les sanctions de l'ONU mais pas dans les sanctions spécifiques d'un pays », assure lundi 28 mai dernier la ministre des Affaires étrangères Sushma Swaraj.

Le monde en perspective...

Le PIB chinois dépasse désormais celui des Etats-Unis en parités de pouvoir d'achat. L'Inde est au 3ème rang. L'Inde et la Chine totaliseront bientôt plus de 35% du PIB mondial. Et la part de l'Europe des 27 pourrait tomber en deçà de 10% à l'horizon 2050.

Un rappel : les Etats-Unis produisait, autour de 1950, il y a plus de 60 ans de cela, plus de la moitié de la richesse mondiale, une performance à l'époque pour moins de 5% de la population mondiale. A l'époque où il y avait une forte concordance entre puissance économique, financière, monétaire, militaire, diplomatique, culturelle...

De nombreux signes indiquent que ce n'est plus le cas aujourd'hui. La force est d'autant plus crédible qu'elle fait l'économie de sa démonstration.

Le spectacle si cavalier donné par D. Trump au Canada ce week-end tiendrait-elle à cette évolution et expliquerait-elle l'animosité des donneurs d'ordres qui gravitent autour de lui ?

Notes :

1 Se sont réunis autour des membres fondateurs (Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan rejoints officiellement par l'Inde et la Pakistan en juin 2017), les Etats observateurs (l'Afghanistan, l'Iran, la Mongolie, la Biélorussie) et d'autres états associés aux échanges (Sri Lanka, Turquie, Cambodge, Azerbaïdjan, Arménie, Népal).

2 La fierté de la diplomatie française et de L. Fabius discrètement retiré à la tête du conseil constitutionnel. A peu près la seule « réussite » du quinquennat de F. Hollande.

3 « ...La civilisation est quelque chose d'imposé à une majorité récalcitrante par une minorité ayant compris comment s'approprier les moyens de puissance et de coercition

» S. Freud, « L'avenir d'une illusion » Londres 1948, Paris PUF, 1971, p.9.

4 « Sachent donc ceux qui l'ignorent (...), qu'entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère (...) ». Père dominicain Henri-Dominique LACORDAIRE (1802-1861), 52e conférence de carême ((Du double travail de l'homme) prononcée dans la cathédrale Notre-Dame de Paris le 16 avril 1848. Que la loi procède des homme ou de Dieu (comme le pense le Révérend-père), cela n'a aucune importance. La phrase est forte et dit hautement que le chaos ne saurait gouverner la vie des hommes et qu'aucun ordre ni bénéfice ne saurait en dériver.

5 Précision : la crise pétrolière de 1979 ne doit rien aux « services » américains pris complètement par surprise avec la chute du Shah. La guerre qui s'ensuivit annonce déjà les catastrophes des décennies suivantes.