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Libye, une paix à bâtir

par Mahdi Boukhalfa

Les différentes parties libyennes ont bien joué la partition politique préparée par la France pour mettre fin d'ici à décembre prochain non seulement à la crise qui secoue le pays depuis la disparition en 2011 du régime de Kadhafi, mais à l'émiettement du pays et la fin du chaos. Si le président français, initiateur de ce projet, qui devrait passer par des élections législatives et une présidentielle le 10 décembre prochain au plus tard, affichait toute sa satisfaction à la fin de la rencontre du 29 mai, d'autres, par contre, restent sceptiques. Car en Libye la situation est tout autre que celle que l'on pense dans les salons feutrés et cossus de l'Elysée où les invités d'honneur, c'est-à-dire les principaux responsables libyens, n'ont signé aucun document officiel.

Bien sûr, il a été convenu lors de ce sommet d'unifier les forces libyennes qui doivent garantir la sécurité du processus électoral, remettre en place la Banque centrale et, surtout, mettre un terme à l'insécurité dans le pays. Un bien lourd fardeau pour les parties qui se sont engagées à organiser dans un très court délai un processus électoral qui demande non seulement du temps, de la patience, mais également une parfaite synergie entre toutes les forces politiques libyennes. Le premier test de ce processus électoral sera sans nul doute le déplacement de Tobrouk à Tripoli, la capitale du pays, du Parlement et, surtout, le démantèlement du gouvernement parallèle de l'est du pays, celui du maréchal Haftar, coqueluche de l'Occident, ce qui ne sera pas une tâche facile.

L'accord de Paris peut-il mener les Libyens droit vers le retour à la paix civile, la sécurité et la reconstruction du pays ? Beaucoup d'inconnues se dressent déjà sur ce long chemin de la paix et de la sécurité depuis la chute du régime de Kadhafi. Car le fait essentiel en Libye est que les différentes parties politiques, appuyées par l'influence des tribus locales, que ce soit en Cyrénaïque, en Tripolitaine ou dans le Fezzan, ne sont pas encore arrivées à s'entendre sur qui va gouverner qui dans un pays où le fracas des armes est loin de s'estomper. Et que le ?'oui du bout des lèvres'' de certaines parties, appuyées sur des chefs de guerre locaux, ne signifie pas que tout a été réglé, d'autant que la grande inconnue sera de savoir comment les forces libyennes fortement divisées comptent s'organiser pour mettre hors circuit les franchises terroristes, dont Aqmi et Daech, qui vont très probablement saboter toute normalisation de la situation en Libye.

Le comportent des groupes terroristes, qui ont déjà organisé le 2 mai dernier une attaque contre une permanence électorale, sera à bien des égards le facteur déstabilisateur de tout processus de normalisation de la situation sécuritaire, politique et économique d'ici au 10 décembre prochain. D'autant que des parties présentes au sommet de Paris ne sont pas tout à fait d'accord avec la feuille de route présentée et adoptée lors de cette rencontre, qui ne met pas tous les acteurs politiques sur le même pied d'égalité. Car au lieu d'aller vers des élections, un peu prématurées selon des observateurs par rapport à la situation réelle dans le pays, il aurait été plus judicieux d'appuyer le plan onusien, soutenu par les pays voisins, de mettre en place rapidement un processus politique inclusif qui puisse garantir dans une première phase une réconciliation nationale et, dans une seconde phase, mettre fin à l'anarchie, l'insécurité et les groupes armés qui menacent l'avènement de tout gouvernement qui sortirait des urnes.