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Le sens d'un message

par Mahdi Boukhalfa

Il faut reconnaître au président Bouteflika qu'il n'a jamais, au cours de sa carrière de diplomate, «insulté l'avenir». C'est un fait : il reste un parfait diplomate qui manie avec un art consommé les principes de la bienséance diplomatique. Et, surtout, en ne foulant jamais aux pieds le principe sacré de bon voisinage. Il vient de le démontrer, une fois encore, en délivrant un message apaisant, avec un langage de circonstance, c'est-à-dire très policé comme l'exigent le protocole et la bienséance universelle, en direction du souverain marocain à l'occasion du début du mois de ramadhan.

Une posture qui confirme, pour ceux rompus à la complexité de la diplomatie de l'Algérie, depuis l'indépendance du pays du reste, qu'Alger n'a jamais adopté et n'adoptera jamais un ton belliqueux dans ses rapports avec les autres pays, qu'ils soient des pays voisins ou pas. En outre, la diplomatie algérienne qui a depuis la naissance de la jeune Algérie libre et indépendante adopté ce comportement qui consiste à promouvoir les relations de bon voisinage, de fraternité et de prospérité, laissant au dialogue et à la négociation le soin de régler d'une manière civilisée et dans le calme les crises diplomatiques lorsqu'elles apparaissent. Mais, l'Algérie s'est tracé une ligne rouge : ne jamais insulter l'avenir, ni ériger des murs infranchissables pour un possible et futur renouveau dans les relations algéro-marocaines. Et le président Bouteflika vient de le démontrer cette fois-ci à la faveur de la commémoration de la Journée internationale du «vivre ensemble en paix».

Faisant de «la paix, le bon voisinage, la concorde, la réconciliation et le vivre ensemble en paix» ses nouvelles armes, Bouteflika, s'il a étonné certains, n'a pas manqué de provoquer une certaine gêne dans les milieux, qu'ils soient au Maroc ou ailleurs, opposés à toute réconciliation entre les deux pays, et surtout au Maroc, appelé plus que jamais à séparer le «bon grain de l'ivraie». D'autant que le message d'apaisement du président algérien intervient à un moment où le palais royal s'est une nouvelle fois engouffré dans une inutile crise diplomatique avec l'Algérie, mais également avec l'Iran et le parti le plus puissant au Liban qui vient d'ailleurs de peser sur les dernières élections législatives. Une chose est sûre : au jeu de la provocation et de la création de crises diplomatiques inutiles pour notamment galvaniser et avoir le soutien de son opinion publique sur le dossier de l'occupation du Sahara Occidental, le Maroc a toujours usé et abusé d'accusations contre l'Algérie, autant infondées que diplomatiquement improductives. Mais, fatalement, qui exacerbent davantage les relations déjà précaires entre les deux Etats et que Rabat veut maintenir otages de sa politique expansionniste au Sahara Occidental.

Si les analystes et experts estiment que le non-Maghreb, du fait d'une activité économique et commerciale réduite à sa plus simple expression, coûte à la région annuellement trois points de croissance, dans les chancelleries on estime que le Maroc devrait adopter une politique moins provocatrice ni belliqueuse avec l'Algérie. Et, surtout, que tôt ou tard le dossier sahraoui sera résolu, et donc il est préférable de ne pas hypothéquer par des coups de sang conjoncturels et infondés l'avenir autant des Marocains que du Maghreb. C'est le sens du message de Bouteflika.