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A double tranchant

par Mahdi Boukhalfa

C'est un constat alarmant que dressent les experts en TIC, après les cas de suicides d'enfants, sur les dangers de l'Internet et, surtout, qui confirme l'extrême toxicité de cet espace virtuel. En réalité, il n'y a à proprement parler aucune parade contre les sites malveillants, les malwares véhiculant des virus et provoquant des failles ou les jeux virtuels qui poussent les enfants à se suicider. Les experts sont unanimes à dire qu'on ne peut préparer une riposte contre quelque chose qu'on ne peut prévoir. Il y a comme une sorte d'impuissance dans ces propos par rapport en particulier à certaines menaces potentielles mais que l'on ne peut détecter, car étant cachées dans des jeux d'enfants. Pour autant, au-delà de cette menace 2.0 sur la société algérienne, au-delà des dangers sociétaux que l'utilisation et la fréquentation non contrôlées de certains sites, se pose cette question basique: faut-il laisser les enfants jouer avec des smartphones ? Le débat n'est pas encore enclenché dans notre société et pourtant il est grand temps de l'aborder en des termes simples. Le scandale de la triche aux deux dernières sessions du baccalauréat, en dépit du blocage intolérable et intempestif de l'Internet et des réseaux sociaux, car ayant été décidé d'une manière tout à fait illégale, est un parfait exemple de ce que peuvent produire les grandes potentialités offertes par la Toile. En bien ou en mal.

Dès lors, la question de la réglementation de l'accès à Internet pour une certaine catégorie sociale se pose non pas en termes d'interdiction, il est impossible de bloquer l'Internet, mais par rapport aux contenus à surveiller et à ?'tolérer''. Dans les pays européens, il existe bien des campagnes de prévention avec de gros budgets contre les contenus dangereux ou malveillants véhiculés par certains sites, et donc il est grand temps pour les services concernés par la cybercriminalité de travailler sur des fenêtres potentiellement virales, mais qui ne présentent pas les indices d'une menace. D'autant que les capacités phénoménales qu'offre l'utilisation de la Toile font que les centaines de millions de personnes connectées dans le monde, y compris en Algérie, sont pratiquement pistées, localisées, avec une connaissance presque parfaite de leurs habitudes, leurs préférences, leurs agendas,...

Les « profilers » de l'Internet, qui travaillent pour les grandes marques publicitaires, ont en réalité réduit à un petit village la planète virtuelle et, dès lors, il y a autant d'avantages économiques et sociaux tirés que de dangers et de menaces. On peut réaliser une opération chirurgicale à distance, pister des animaux en danger ou sauver des personnes perdues dans le désert et faire progresser la science, comme on peut hacker une banque ou télécommander la mort lente d'enfants accros à des jeux qui rapportent des milliards de dollars à leurs concepteurs. Maintenant, il est clair que les dangers de l'Internet peuvent être débarrassés de leur aspect viral avec un meilleur contrôle, à commencer par celui parental, ensuite par la société et enfin par des outils tout autant virtuels dont disposent les services de sécurité. Après, il ne faut pas par contre focaliser sur des phénomènes sociaux extrêmement violents induits par un laisser-aller de la société et incriminer l'un des outils de développement humain les plus performants, les plus efficaces et plus rapides que la lumière depuis l'invention de la roue. Les «1 et les 0» peuvent même décider pour nous. A nous de savoir quoi en faire.