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Patients algériens en soins en France: Nouvel accord entre Paris et Alger

par Moncef Wafi

L'approbation du protocole annexe à la convention générale entre la France et l'Algérie sur la sécurité sociale du 1er octobre 1980, relatif aux soins de santé dispensés en France aux ressortissants algériens, fait l'objet d'un projet de loi qui devra être examiné prochainement à l'Assemblée française, a appris l'APS auprès du parlement hexagonal.

Ce texte concerne les assurés sociaux et démunis non assurés sociaux résidant en Algérie avec pour objet d'inscrire, à l'avenir, l'accueil des patients algériens dans les hôpitaux français pour «des soins programmés dans un cadre administratif unifié», a-t-on précisé. Le protocole vise à organiser la prise en charge, par l'assurance maladie algérienne, des soins des patients algériens dispensés dans les établissements de soins français.

Ce dispositif est qualifié du côté français d'historique et unique puisqu'il se situe en dehors de la coordination européenne de sécurité sociale. «Il est conçu pour couvrir potentiellement la plus grande partie de la population algérienne, donc limiter le nombre d'Algériens venant se faire soigner en dehors d'un cadre organisé, et a assorti d'un système rigoureux et centralisé d'établissement et de paiement par la sécurité sociale algérienne des frais médicaux», rapporte l'APS qui souligne à cet effet que les litiges et les difficultés qui existaient auparavant «devraient être fortement réduits». En effet, on se rappelle de l'épisode des ardoises algériennes détenues par les hôpitaux français qui ont fait couler beaucoup d'encre.

En 2016, l'Algérie avait épuré ses dettes «médicales» avec la France, un message transmis et rendu public avec insistance des deux rives de la Méditerranée. Le 8 mars 2016, Marisol Touraine annonçait que le contentieux financier sur le non-remboursement des dettes médicales algériennes est «aujourd'hui résolu», mettant fin ainsi à un dossier polémique qui a pollué les relations bilatérales et surtout été un prétexte pour des attaques politiques dans les deux pays. «Les dettes qui existaient entre la Sécurité sociale algérienne et Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont été payées et le contentieux apuré», avait déclaré Mohamed El-Ghazi, alors ministre du Travail, à l'issue de ses entretiens avec Marisol Touraine, ministre française des Affaires sociales et de la Santé. Pourtant, la remarque du ministre algérien sur l'existence de «beaucoup d'interrogations» concernant cette question soulève bien des questions. Ces dettes ne concernent pas uniquement l'Algérie puisque à la fin de 2014 plusieurs pays dont le Maroc et les Etats-Unis avaient accumulé une ardoise avoisinant les 120 millions d'euros à l'égard de l'AP-HP. Selon un bilan du 7 juillet 2015 de la direction en commission médicale d'établissement (CME), les sommes non recouvrées par les hôpitaux de l'AP-HP auprès de patients, français ou non, résidant à l'étranger, ou de leurs assureurs, s'élevaient à 118,6 millions d'euros au 15 novembre 2014.

Un bilan récusé par la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS) où la CME française classait l'Algérie comme pays le plus endetté auprès de l'AP-HP avec 31,6 millions d'euros d'impayés. La CNAS affirmait alors avoir honoré tous ses engagements auprès des structures hospitalières françaises dans le cadre des transferts de malades algériens pour soins à l'étranger. D'où ce malentendu lourd en devises étrangères qui a été certainement réglé pour que les deux parties réfléchissent à d'autres mesures pour un avenir «meilleur» dans la coopération en matière de sécuritaire sociale. Pourtant, et dans l'argumentaire de la CNAS, une explication qui pourrait éclairer ces divergences de position puisque la Caisse affirme n'assumer financièrement «en aucune manière» les frais pour soins à l'étranger «des personnes non munies d'engagements de prise en charge délivrés préalablement à leur départ».

Une mise au point qui éclaire, et ce n'est un secret pour personne, les déplacements «médicaux» de nombre d'officiels, cadres et commis de l'Etat en France. Et c'est justement à ce chapitre que fait allusion la ministre française de l'époque qui évoquait les mécanismes à adopter à l'avenir «pour éviter que ne se reconstitue à l'avenir une dette de certains patients algériens à l'égard des hôpitaux français». En 2012, l'hebdomadaire français le Journal du dimanche (JDD), publiait un article sur le dossier qui révélait que l'Algérie, comme premier débiteur des hôpitaux hexagonaux, accusait une dette d'environ 20 millions d'euros, suivie du Maroc (plus de 10 millions d'euros) et les pays du Golfe (10 millions d'euros), la Tunisie (environ un million d'euros).

«C'est une vieille histoire, l'AP-HP est un outil diplomatique pour la France. Des dirigeants étrangers viennent se faire opérer chez nous. On va les chercher à l'aéroport en ambulance toutes sirènes hurlantes, on leur dispense des soins de qualité et on ferme les yeux sur les factures qu'ils n'acquittent jamais», rapportait un urgentiste syndicaliste, cité par le journal. Quant aux nouvelles dispositions prises entre Paris et Alger, la signature d'un contrat, «directement avec la Sécurité sociale française et non plus avec les hôpitaux français», a indiqué Mohamed El-Ghazi qui précisera que dorénavant «c'est la Sécurité française qui devra prendre les rendez-vous des patients algériens avec les hôpitaux français».

Pour rappel, le protocole de soins entre les gouvernements algérien et français a été signé le 10 avril 2016, ainsi qu'un arrangement administratif sur les soins des Algériens dans les hôpitaux de France, pour permettre de «prévenir des contentieux financiers». Selon le rapporteur de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée française, Michel Fanget, le nouveau protocole permet de sécuriser la facturation et le recouvrement des frais médicaux des patients algériens soignés en France. Il met à la charge de la CNAS, le rapatriement des patients ou de leur dépouille, ainsi que les soins prodigués avant ce rapatriement après un rejet d'une demande de prolongation de soins. A propos des tarifs, il sera «journalier non majoré applicable aux patients relevant d'une sécurité sociale coordonnée avec la législation française en application d'un accord international».

Il correspond en outre au prix de journée facturé par les hôpitaux aux patients étrangers relevant d'un accord de coordination. Selon le nouveau protocole, la CNAS remboursera les frais réels à partir des relevés de dépenses et des comptes rendus hospitaliers transmis par un organisme de liaison français. Les remboursements seront effectués dans un délai de trois mois sur la base d'un décompte global semestriel des créances et pour limiter les décalages de trésorerie, la caisse algérienne devra verser pour chaque exercice des avances sur la base de 35% du montant des créances soldées.