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Réduire les inégalités entre les sexes en matière d’éducation

par Julia Gillard*

WASHINGTON, DC - Aller au bout de l’enseignement primaire n’a jamais été une certitude pour Aishetu Mahmoudu Hama, une jeune femme du Niger, compte tenu des nombreux obstacles sur son chemin. « Il était difficile d’étudier », se souvient-elle, « Nous étions assis à même le sol, parfois sur une natte, d’autre fois directement sur la terre battue ».

Mais Aishetu a persévéré et elle est aujourd’hui, à 23 ans, étudiante à l’université. Elle sait que sans études, sa vie aurait été limitée à la garde des troupeaux, aux travaux agricoles et au mariage, avec de nombreux enfants. Elle n’aurait simplement pas eu d’autres perspectives.

Comme les enseignantes qui l’ont encouragée à étudier, Aishetu souhaite être un modèle pour d’autres jeunes filles et ses propres jeunes frères et sœurs. Elle espère que son histoire les motivera à terminer eux aussi leurs études.

En cette Journée internationale de la fille, célébrée le 11 octobre, Aishetu est la preuve vivante de la différence que fait l’éducation, à la fois pour les filles et pour leurs communautés. Mais les difficultés qu’elle a du surmonter nous rappellent également que trop de filles n’ont pas accès à l’éducation.

Prenons par exemple cette statistique consternante : 130 millions de filles ne vont toujours pas à l’école, même si ce nombre a baissé de 40 pour cent depuis 2000. C’est l’une des raisons pour laquelle les femmes continuent à éprouver plus de difficultés que les hommes à trouver un emploi valorisant et bien rémunéré et pour laquelle la proportion de femmes reste inférieure à celle des hommes sur le marché mondial du travail.

Pire, même si le taux de scolarisation des filles a cru rapidement, des améliorations correspondantes pour les femmes dans la vie active tardent à se concrétiser. Selon une étude de 2015 du Forum économique mondial, « Alors que l’université accueille davantage de femmes que d’hommes dans 97 pays, les femmes représentent la majorité de la main-d’œuvre qualifiée dans 68 pays seulement et la majorité des cadres dirigeants dans seulement quatre pays de la planète». Ces écarts entre les sexes représentent un problème générationnel majeur pour les entreprises, grandes et petites. Partout dans le monde, les entreprises éprouvent déjà des difficultés à trouver suffisamment d’employés qualifiés pour des processus de travail de plus en plus automatisés. La Commission internationale pour le financement d’opportunités éducatives dans le monde a indiqué dans un rapport en 2016 que 40 pour cent des employeurs peinent à embaucher des salariés possédant les compétences nécessaires.

Les entreprises qui investissent dans les pays à faibles revenus ont également besoin que leurs employés soient en bonne santé, ce qui est plus probable lorsque les mères ont bénéficié d’une éducation : elles-mêmes et leurs familles tendent à être en meilleure santé que dans le cas de mères non scolarisées. En fait, des études ont montré que si toutes les femmes en âge de procréer achevaient le cycle secondaire, le nombre d’enfants décédant avant l’âge de cinq serait réduit de 350.000 environ par an.

Les entreprises qui investissent dans les pays émergents et en développement, qui abritent la majorité des filles non scolarisées, auraient donc tout intérêt à faire en sorte que les filles aient l’éducation qu’elles méritent. Si leurs résultats scolaires s’améliorent, il est probable que davantage de femmes suivront les formations techniques de haut niveau aujourd’hui demandées sur le marché du travail.

Pour scolariser 130 millions supplémentaires de filles, plusieurs obstacles persistants devront être surmontés. Dans de nombreux pays, l’éducation des filles est perçue comme accessoire puisqu’il est attendu qu’elles travaillent au foyer ou à la ferme familiale. Les mariages précoces, les violences sexuelles, l’absence de sanitaires adéquats pour les filles réglées et les crises humanitaires ne sont que quelques-uns des facteurs qui font qu’il est plus difficile pour les filles que pour les garçons de mener leurs études à terme. Et dans les endroits reculés en particulier, les frais de scolarité et les longues distances entre le domicile et l’école sont des difficultés supplémentaires.

Même si ces obstacles culturels, politiques et géographiques peuvent être surmontés, il faudra que les pays les plus riches consacrent bien plus de ressources que par le passé à l’éducation des filles des pays en développement. De manière choquante, la part allouée à l’éducation dans les programmes d’aide au développement des pays donateurs a baissé au cours des six dernières années et est aujourd’hui moins élevée qu’en 2010. Il est urgent que les pays donateurs inversent cette tendance.

Le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE) a été l’un des principaux catalyseurs de l’éducation des filles ces quinze dernières années. Grâce au financement du GPE, 38 millions de filles en plus des pays en développement ont suivi un enseignement primaire entre 2002 et 2014.

Pour poursuivre sur cette lancée, le GPE organisera une conférence de financement, co-présidée par les gouvernements de la France et du Sénégal, le 8 février à Dakar. Nous appelons les bailleurs du monde entier à nous aider à réunir 2 milliards de dollars par an jusqu’en 2020.

Avec un financement adéquat, le GPE peut soutenir les besoins éducatifs de 870 millions d’enfants dans plus de 80 pays. Et il pourra aider les pays en développement à mettre en place des systèmes éducatifs qui permettront à des filles comme Aishetu de réaliser leur potentiel.

Lorsque les filles et les femmes acquièrent des moyens grâce à l’éducation, elles peuvent transformer le monde, pour le mieux. Investir dans leur potentiel est un pari gagnant.

*Ancienne Première ministre de l’Australie, est présidente du conseil d’administration du Partenariat mondial pour l’éducation