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L'aveu de trop

par Moncef Wafi

L'aveu d'impuissance du président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE) donne déjà l'image de ce que sera le prochain scrutin de novembre. De Tiaret, Derbal n'a pas hésité à critiquer la décision de l'administration qui a rejeté des centaines de listes de candidatures partisanes et indépendantes «sans aucun justificatif légal». L'ancien ambassadeur a également émis quelques doutes. La justice a cautionné dans la majorité des dossiers les décisions de l'administration «dans 95% des cas», c'est dire.

Une déclaration publique lourde de sens dans la mesure où elle jette une ombre sur cette neutralité administrative tant décriée par les partis dits de l'opposition.

Le président de la HIISE admet ouvertement que son instance est fragilisée, «mise dans la gêne» par une administration «qui ne s'est appuyée sur aucune loi ni règlement pour exclure ces candidats». Un arbitraire qui discrédite un peu plus la probité d'élections qu'on donne d'avance gagnantes pour les partis de la majorité. Est-ce à dire que Derbal s'est enfin rendu compte de la complexité de sa mission en prenant ses distances avec des critiques attendues et qu'il a déjà essuyées après les dernières législatives ? En effet, on se rappelle du rapport de la mission de l'Union européenne sur les élections législatives du 5 mai dernier qui a vivement critiqué le vote en considérant notamment que l'instance présidée par Derbal n'était pas «indépendante». Même si le ministre de l'Intérieur a réagi, démentant les craintes de la HIISE, il n'en demeure pas que la brèche est maintenant faite et qu'elle servira de crédit aux partis qui crient déjà à la fraude.

Le rejet en masse des listes, une première de cette ampleur en Algérie, fait craindre le pire aux formations politiques qui y voient une entrave anticipée à l'exercice démocratique. Des présidents de parti dénoncent une surenchère et un zèle des autorités locales pour bloquer des listes et Derbal de leur donner raison, quelque part, en critiquant publiquement ces décisions. L'homme sait pertinemment que l'opposition ne lui fera pas de cadeau et qu'il aura droit au tir de barrage promis alors que l'existence même de l'instance est remise en question pour les locales du fait de son incapacité à estimer avec exactitude le volume du corps électoral.

Un désaveu qui expliquerait l'insistance de Derbal à assainir les listes électorales et à prendre ses distances avec l'exécutif, une proximité suspecte dénoncée auparavant par l'ancien président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, Boudjemaa Ghechir, qui avait estimé, à propos du rapport européen, que le président de la HIISE a péché par «sa proximité très visible» avec le ministre de l'Intérieur, alors qu'il aurait dû, selon lui, «garder ses distances avec l'exécutif».