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Qu'on arrête avec le Bouteflika-bashing !

par Cherif Ali

L'Algérie est, probablement, le seul pays au monde qu'on critique et qu'on dénigre avec ses gouvernants et où l'on traite sa représentation nationale de tous les qualificatifs, que ce soit en public ou en privé, sur les réseaux sociaux, dans la presse, les cafés ou les salons de coiffure, peu importe où, sans que l'on risque quoi que ce soit !

L'Algérie est-elle pour autant un pays démocratique ? Dans un sens oui et largement, a répondu l'auteur de ces remarques, chroniqueur de son état ! Un pays où on tape sur tout, y compris le président de la République qui, depuis sa réélection, est soumis, faut-il le dire, à un matraquage incessant : un bashing !

Ce dénigrement permanent met à mal toutes les institutions du pays et la fonction présidentielle, principalement. Il perdure encore malgré la stature d'homme d'Etat d'Abdelaziz Bouteflika tant dans son implication dans les crises internationales et la participation à leur résolution, que lors des épouvantables drames et tragédies que notre pays a traversés depuis son intronisation.

C'est comme si depuis 1999, on n'avait jamais entendu parler du ni retenu tout ce qui a été accompli dans tous les domaines. Tout cela est ignoré, déformé, gommé, remplacé par un procès quotidien instruit à charge contre lui ! Depuis l'entame de son mandat actuel, le président de la République fait face à un incroyable procès en illégitimité intenté par ceux, une minorité certes, qui demandent l'organisation d'élections présidentielles anticipées.

Celui qui veut devenir président n'a qu'à attendre la fin du mandat d'Abdelaziz Bouteflika, avait lancé en son temps le prédécesseur de l'éphémère Premier Ministre Abdelmadjid Tebboune à l'intention de tous ceux qui spéculent sur l'abandon du pouvoir avant terme du locataire d'El Mouradia. Ce dernier l'a fait savoir, d'ailleurs, dans un long discours, lu en son nom, à l'occasion de la fête de l'indépendance nationale : il a confirmé, d'abord, qu'il ira jusqu'au bout de son mandat, mais qu'il sera, désormais, plus à l'écoute de l'opposition qu'il a, en quelque sorte, « réanimée ».

Le président de la République a ainsi invité l'opposition, comme la majorité présidentielle, à nouer un « pacte moral » pour sortir le pays de la crise et renforcer la démocratie. Il a appelé aussi tous les opposants politiques à tirer les leçons du passé, notamment celles marquées par les années du terrorisme pour, a-t-il dit, « nourrir notre pluralisme politique, associatif et syndical, de joutes nobles autour de programmes alternatifs ».

Autrement dit, Abdelaziz Bouteflika a suggéré aux partis de l'opposition et leurs affidés de respecter « la déontologie démocratique ». Le message était, de l'avis des observateurs, destiné aussi à tous ceux qui, parmi la classe politique et leurs relais dans les médias, n'ont eu de cesse de tout critiquer, et surtout de le critiquer.

Mais alors le bashing, c'est quoi finalement ? Le terme signifie littéralement « dénigrement ». Et en anglais, le verbe « to bash» veut dire frapper, cogner. Bref, le bashing, c'est l'art de se défendre en dénigrant quelqu'un, ou quelque chose. Lorsque cela est fait par voie de presse ou sur les réseaux sociaux, on peut aller jusqu'à dire qu'il s'agit d'un véritable lynchage médiatique collectif ! Celui d'un homme, le président de la République en l'occurrence, qui pourtant, dès sa première élection, a parlé de « réconciliation nationale» et de « concorde civile » et, avant même de constituer son gouvernement, il a fait voter par les deux Assemblées une loi accordant un pardon gradué à des dizaines de milliers d'Algériens séduits par le « fondamentalisme islamique ».

Et chaque jour qui passe montre que le président de la République a eu raison d'engager le pays dans cette voie : « la paix dans les cœurs hâtera la paix sur le terrain !», s'est-il dit !

En 1999, les Algériens étaient, globalement, sous le charme : après les Chadli, Kafi et autre Zeroual, c'est-à-dire après 20 ans de morosité et de langue de bois, voilà enfin un président, se sont-ils dits, qui sait parler, discourir en arabe aussi bien qu'en français, un leader qui renvoie aux Algériens une image positive d'eux-mêmes et qui renoue le fil d'une histoire interrompue !

La parole présidentielle avait, alors, envahi la télévision, les radios, les journaux, en boucle, pratiquement non stop : ce que va faire Bouteflika, ce que dit Bouteflika, les projets de Bouteflika !

? Pour l'Algérien lambda, ce qui comptait le plus, c'est que le pays retrouve la sécurité après toutes ces années noires et les drames qui ont suivis !

Depuis, si beaucoup a été fait, beaucoup reste aussi à faire pour le président de la République à mi parcours de son 4ème mandat. Son discours a toutefois évolué puisqu'il est allé jusqu'à reconnaitre à l'opposition, qui a demandé son départ pour cause de santé, « un rôle positif dans la construction de la démocratie en Algérie ».

Et dans la foulée, il a confirmé qu'il mènera son mandat jusqu'au bout en déclarant : « Vous avez été nombreux à m'interpeller pour que je poursuive la mission dont vous m'avez honorée à trois reprises. J'ai répondu à cet appel, acceptant ce sacrifice, malgré ma condition physique actuelle. Je m'attellerai à accomplir ce devoir avec l'aide de Dieu, conformément au mandat que m'a confié la majorité de notre peuple ».

D'aucuns pensaient que cette intervention du chef de l'Etat allait mettre un point final aux attaques dont il était l'objet de la part notamment de ceux qui, dans l'opposition, exigeaient la tenue «d'élections présidentielles anticipées ».

Même si beaucoup dans les rangs du MSP ou au RCD par exemple, se sont lassés à force de répéter cette demande qui n'avait aucune chance d'aboutir, encore moins d'être admise pour tous ceux qui ont porté leur voix sur le candidat Abdelaziz Bouteflika.

Aujourd'hui, dans la classe politique, quelques uns, une minorité s'accrochent à cette « exigence », même si les manchettes agressives à l'égard du pouvoir et partant du président de la République séduisent moins qu'avant !

L'opinion nationale est maintenant convaincue que « les menaces et les périls qui guettent le pays poussent la nation à souder ses rangs et à faire front ! ».

Il n'en demeure pas moins qu'avec la chute du baril de pétrole, le «Bouteflika-bashing » est encore utilisé par de nombreux journaux en quête de lectorat : c'est une méthode efficace pour vendre du papier. Le concept est facile, il suffit de dénigrer le président, d'étaler son portrait et lui imputer tous les échecs pour que la une des journaux rencontre un réel succès ou, pour le moins, attire le chaland ! Mais, ce « succès » s'amenuise à force de tirer sur la corde de la redondante histoire « d'élections présidentielles anticipées» qui ne passionne plus !

Tout comme l'appel adressé à l'ANP pour appliquer une disposition constitutionnelle (l'article 102). En d'autres termes, ceux-là mêmes qui n'ont eu de cesse de dénoncer l'accès au pouvoir par les chars, en viennent aujourd'hui, le comble, à souhaiter une intervention de l'armée pour déposer le président de la République !

Certains journaux ont, tout de même, pris la mesure de la lassitude de leurs lecteurs et ont trouvé la parade avec cette austérité annoncée ou, pour reprendre la terminologie du Premier ministre, la «rationalisation des dépenses » qui affole les chaumières.

C'est normal. C'est même très bien surtout quand la parole est donnée aux experts. Ce n'est pas généralement le cas pour tous les titres de presse qui, sous prétexte de crise économique, intentent au

président et au gouvernement d'Ahmed Ouyahia qui est chargé de mettre en œuvre son programme, un procès en « aventurisme » suite au projet de révision de la loi sur la monnaie et le crédit examinée par le dernier Conseil des ministres.

On aura beau appeler de ses vœux la presse à plus de «responsabilité », il n'y a rien n'à faire, certains journalistes n'en ont cure. L'un de ces derniers résolument installé dans l'opposition à ceux qui nous gouvernent et éminente plume de la corporation, avait même signé une contribution dans laquelle il s'adresse aux experts pour leur dire « qu'il n'est plus l'heure de continuer de proposer des solutions de sortie de crise et que la seule issue réside dans le départ de ceux qui sont au pouvoir et principalement Abdelaziz Bouteflika ! ».

En démocratie d'opinion, ceux qui prétendent justement faire l'opinion posent en préalable qu'il faut avant tout « démolir » le pouvoir en place. Il faut dire aussi que certains ont « des comptes personnels » à régler avec lui. Des oisifs et des désœuvrés, selon Ahmed Ouyahia.

Est-ce une spécialité algérienne ?

Non, à l'évidence, puisqu'en France, par exemple, tout gouvernant plongé dans l'impopularité provoque automatiquement un débordement d'esprit critique chez les commentateurs. Le « Hollande bashing » était plus virulent et plus répandu dans les médias que le «Sarkozy bashing » qui avait coûté à ce dernier sa réélection. Le Point, par exemple, avait réussi un beau coup en titrant, dès le 17 mai 2012, « Fini de rire ! », ce qui a valu à l'hebdomadaire de bondir de 85.000 exemplaires vendus à 155.000 ! Il a récidivé avec « Pépère, est-il à la hauteur ? » (88.000 exemplaires). Il y a aussi l'insolent « Monsieur faible ! » de l'Express qui a coûté plusieurs points dans les sondages pour François Hollande, même si l'hebdomadaire n'a pu vendre que 63.000 exemplaires, comme si l'opinion, largement désabusée, devenait de plus en plus insensible aux jeux politiques.

Il est vrai qu'aujourd'hui, les Algériens jouent à se faire peur. Une atmosphère morose s'est emparée du pays. Les jeunes perdent espoir et les plus vieux sont résignés. Nous attendons tous le choc social ultime qui semble inévitable. Pourtant, nous pouvons l'éviter en faisant vite et bien, même si le package est complexe : il comprendrait des aspects macroéconomiques, des politiques de développement humain, la modernisation managériale, la libération des initiatives -surtout privées- et une panoplie d'instruments techniques (taux de change, système d'information national etc). La déclaration est d'Abdelhak Lamiri, expert économique qui joint ainsi sa voix à tous ceux qui ne désespèrent pas de ce pays, même si les «déclinologues » de tout bord pensent que ce sont eux qui ont raison !

On peut tout de même s'interroger : pourquoi tant de haine ? Comment expliquer un tel alarmisme ? Est-ce le signe d'un sincère souci pour le bien-être de l'Algérie ? Ou l'expression d'une éternelle rivalité politique entre tenants du pouvoir et opposants, par médias interposés?

Où mène, en définitive, le bashing politique ? A la dépréciation de la politique générale, affirme-t-on ! Déprécier, c'est ce qui reste quand, à partir de deux ou trois dépêches d'agences, on «pond » huit mille signes avec du goudron et des plumes !

Enquêter, investiguer, analyser sérieusement, ça ne paye pas le prix du papier et ça ennuie le lecteur !

On est en droit de s'interroger : pourquoi les médias vont toujours dans le sens de la démesure et de la provocation ?

Tout simplement parce qu'un certain nombre de lecteurs ou téléspectateurs des chaînes privées (Ennahar et Echourouk notamment) aiment ça ! Il y en a même qui interviennent sur les réseaux sociaux où le net a ouvert au bashing un nouveau champ d'action qui permet ainsi à un grand nombre de personnes de participer, dans l'anonymat, au lynchage collectif !

Et les partis politiques ? Où sont-ils déjà, s'est exclamé un éditorialiste qui pense qu'ils ont déserté la scène car incapables de

débattre en ces moments de crise de sujets essentiellement d'ordre économique. Pour être plus précis, a commenté le journaliste, de sciences économiques. Cela ne s'improvise pas : on connait ou on se tait !

Puis, peut-être, comme pour donner un autre sens au mutisme de ceux qui ont fait de la politique leur métier, le même journaliste avance une autre hypothèse : ce silence des partis sur l'effondrement des prix du pétrole relève d'un souci patriotique, un signe de rassemblement et de cohésion nationale. Une sorte de trêve dans l'intérêt de la Nation. Que cela soit même si cela ressemble à du persiflage.

En attendant, il y a les élections locales et les formations politiques ont de quoi s'occuper en matière de confection des listes !

Quant au président de la République qui certes ne s'exprime plus comme par le passé du fait de ses ennuis physiques, il délivre tout de même des messages pour rappeler des vérités « nous avons tous observé que la dynamique interne de certains peuples, pourtant épris de démocratie, de liberté et de dignité, qui se sont laissés instrumentalisés par des intervenants étrangers, n'ont eu d'autres résultats que des souffrances, on ne peut plus douloureuses et ravageuses. Le peuple algérien ne tombera pas dans le piège du printemps arabe ! ».

Comme on dit « chat échaudé craint l'eau froide ! ».