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Le Quai d'Orsay, serait-il en dehors de la zone de couverture ?

par Farouk Zahi

« Le tact, c'est le bon gout appliqué au maintien et à la conduite ; le bon ton, c'est le bon gout appliqué aux discours et à la conversation ». (Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort).

Au vu de sa dernière sortie, relative à l'avertissement lancé à ses ressortissants les prévenant du potentiel danger qu'ils encourent en Algérie en cas de visite à ce pays, on peut affirmer, sans risque de se tromper, que le Quai d'Orsay est hors champ. Diantre ! Mais qui a obligé le département de l'Europe et des Affaires étrangères de Jean ?Yves Le Drian, à faire une aussi incongrue déclaration. Pendant que Paris et les capitales européennes se calfeutrent dans la peur alors qu'Alger flâne aux Sablettes, on se demande vraiment de quelle logique participe cette mise en garde quand on sait que le terrorisme, jadis local, est depuis longtemps transnational comme l'annonçait l'Algérie tout au début de sa lutte contre ce phénomène. Lutte qu'elle a, d'ailleurs, menée seule et vaillamment. Maintenant en ce qui concerne cet épouvantail brandi à chaque fois que la France post coloniale pressent que ses intérêts économiques sont en jeu, elle n'hésite pas à faire preuve de félonie même si le discours sirupeux est de mise.

Quand la propre fille de l'ex. tortionnaire Le Pen, jette un pavé dans la mare en appelant à des relations apaisées avec l'ex colonie, le gouvernement de M. Macron met les pieds dans le plat. Sinon, comment expliquer ce dualisme paradoxal que gouvernement et politiciens français développent régulièrement à l'égard de l'Algérie. Hier, c'était le Sénat français qui se projetait dans la lointaine élection présidentielle en affirmant même que le cinquième mandat du président Bouteflika n'est pas à écarter compte tenu d'absence de bouillonnement de la rue !? Est-ce à dire que la stabilité politique de l'Algérie dérange au point où les experts et consultants ès « tout à l'égout » n'ont plus de grains à moudre sur les plateaux TV de France et de Navarre ? Tous les rapports d'analyse des experts internationaux sont unanimes pour dire que l'Algérie est l'un des pays les plus stables d'Afrique et du Maghreb. Bien sur que cette affirmation est toute relative, compte tenu des intérêts de chacune des parties en lice dans leur course à la conquête de ce gros marché qu'elles ne veulent pas laisser entre les seules mains de la Chine. L'Empire du Milieu qui marque de plus en plus sa présence en Afrique jusque là considérée comme la chasse gardée de l'Europe et notamment de la France est ce trublion qui fait perdre le sommeil à cet Occident arrogant et possessif. Dans une récente contribution in Le Soir d'Algérie, le Pr Chems-Eddine Chitour, parle même d'une recolonisation par la Françafrique des anciennes possessions africaines.

Pour revenir à ce danger mortel du terrorisme et dont la France officielle en fait son cheval de bataille, il ne serait pas inutile de rappeler aux uns et aux autres que celui-ci est entrain de faire, parmi une population innocente, des victimes expiatoires d'une politique française à l'emporte pièce et délibérément va-en-guerre. Présente sur plusieurs fronts, la puissance militaire française ne pouvait lui attirer que de la rancœur et de l'inimité. La nébuleuse terroriste qu'il ne faut surtout pas affubler d'arriération mentale, porte actuellement le combat dans le fief même des forces armées belligérantes pour mieux frapper les esprits. La peur devait changer de camp pour paraphraser, un défunt Chef de gouvernement algérien. Et c'est ainsi qu'à cause de sa politique de « deux poids et deux mesures », la France des libertés s'est trouvée, dans l'œil du cyclone du radicalisme dit à tort religieux. Et s'il faille opérer un décompte macabre issu de la déferlante terroriste, la France a été le pays occidental le plus fréquemment touché. Elle a eu plus de victimes sur son propre sol que partout ailleurs y compris en Algérie où elle s'empresse souvent de désigner comme bouc émissaire.

Mis à part, les malheureux épisodes de la prise d'otages, à Alger par le Groupe islamiste armé (GIA) du 24 au 26 décembre 1994 dans un airbus d'Air France et qui s'est terminé à l'aéroport de Marignane (Marseille) par une vigoureuse intervention du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) française ayant abouti à la mort de 3 passagers dont un membre de l'équipage et 9 blessés, compte non tenu des 4 assaillants éliminés, le deuxième épisode sanglant fut l'enlèvement, le séquestre et l'assassinat des sept moines trappistes de Tibhirine (Médèa) entre le 26 mars et le 30 avril 1996 et le tout dernier est celui de l'enlèvement et de l'assassinat, le 23 septembre 2014, du guide de haute montagne Hervé Gourdel dans le massif du Djurdjura. Voici en gros ce que la France a payé comme tribut au terrorisme sur le sol algérien.

Quant à désigner l'Algérie, après tout ce qu'elle a subi comme drames humains, d'isolement diplomatique et d'errance économique, comme infréquentable ne peut relever que d'un cynisme malsain. Depuis l'attentat du 25 juillet 1995 de la gare St Michel-Notre-Dame du RER qui a fait 8 morts et 117 blessés, le terrorisme international a, durablement, mis pied en Europe et ne semble pas prédisposé d'y être délogé de sitôt car des courants politiques antagonistes semblent se complaire à le garder dans une sorte de latence pour y recourir en cas de besoin pour ameuter l'opinion publique et la détourner des véritables problèmes ressentis. Ces problèmes vont de la délocalisation industrielle induisant le spectre du chômage, au réchauffement climatique et à la malvie tout court. Depuis ce massacre perpétré par le GIA et qu'on peut concéder aux groupes islamistes algériens, toutes les autres actions sont du cru français.

L'on remarquera aussi, que les auteurs des crimes commis de Montauban à Toulouse, de Charlie Hebdo à l'hypermarché Kacher, du Bataclan à Nice étaient tous connus des services spéciaux français. L'action préventive n'a pas toujours pris les devants en dépit des alertes lancées par les services secrets algériens dont l'offre de service est souvent dédaignée. La dernière en date, dit-on, était celle qui viserait une capitale africaine et çà été Ouagadougou. Faut-il rappeler encore que plusieurs ressortissants algériens ont payé de leur vie, leur présence sur les lieux de massacre cités plus haut. Il s'est trouvé, même, un Algérien qui a aidé plusieurs spectateurs à sortir saufs de l'enfer du Bataclan. Aussi victimiser, plus que de raison, les Français au détriment des autres citoyennetés touchées par le même phénomène du terrorisme relève d'une cécité politique qui ne peut être que préjudiciable aux bons usages diplomatiques. Il s'il fallait en donner la preuve par neuf, l'attentat de Ouaga, n'a eu que peu d'échos comparativement à ceux de Paris, Berlin ou Barcelone. Sur les 18 victimes de l'hécatombe, une seule était française.

N'est-il pas curieux de constater que ces départs de feu, sont souvent l'œuvre de marginaux des périphéries urbaines ghettoïsées sans recours ? Sinon comment expliquer que des jeunes issus de la troisième génération maghrébine brandissent en toute occasion, non pas le drapeau tricolore, mais celui du pays de leurs aïeux dont ils n'en connaissent souvent rien ? Rendus apatrides dans leur propre pays, ils s'amarrent à n'importe quelle galère. Les actions terroristes auxquelles on ne répond que par l'état d'urgence qui prive le citoyen français de certaines libertés dont il jouissait auparavant et quand le Champ de Mars ou Montparnasse, sont plantés d'éléments des forces spéciales du plan Vigipirate, ce pays ne peut être qu'en état de guerre. Compte tenu de la nouvelle stratégie adoptée par l'Etat Islamique et ses affidés, faut-il suspecter tous les poids lourds et camionnettes de l'Hexagone et dresser des barrages de contrôle pour juguler cette ADM à quatre roues ? Les militaires, en sont, eux-mêmes, victimes et c'est déjà arrivé.

Cette inconvenante sortie de la diplomatie française pouvait-elle conjecturer sur un malaise populaire qui pouvait se transformer vite, en troubles suite au départ précipité de l'ancien Premier ministre algérien ou bien présidait-elle de tenants illisibles pour le moment ? Si c'est le cas, c'est surement une piètre image que se fait le Quai d'Orsay sur la réalité algérienne et nous ne sommes pas loin de la vérité puisque du propre aveu de la chancellerie française à Alger, elle n'aurait rien vu venir en ce qui concerne le récent remaniement gouvernemental dit-on.

M. Le Drian et ces conseillers, ont surement une idée derrière la tête et tentent vainement de nous effaroucher pour un dessein non avoué, mais à peine voilé par ces temps de crise économique à plusieurs dimensions. Procèdent-ils de la ruse du maquignon qui annonce la survenue d'une épizootie dans un cheptel pour déprécier le reste des troupeaux ? Possible, la bourse des valeurs n'est-elle pas basée sur le principe du yoyo ? Le citoyen lambda que nous sommes se pose, légitimement, la question à quoi joue la diplomatie de M. Macron ? Investi d'un capital sympathie dans sa précampagne électorale par une majorité d'Algériens, il semble le leur rendre mal par des postures dont le moins qu'on puisse en dire sont ambigües et prêtant à équivoque. Ceci est vérifiable au niveau des dossiers Libyen et sahélien, notamment la constitution du G5 africain où notre pays, en dépit de ses multiples lignes de front en est « exclu ».