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Qui suis-je ? - Ebauche d'autoportrait (1ère partie)

par Ali Tadjine

Qui suis-je ? Questionnement de prime abord en rapport avec la quête identitaire, mais en ce qui nous concerne, dans le cadre de cet article, l'objectif n'en est en rien corrélé avec la recherche des origines et les laborieux exercices de filiation et d'appartenance, il est plutôt orienté vers l'identification des traits et caractères qui me distinguent en tant qu'identité distincte des autres, en tant qu'Algérien produit d'un processus de socialisation, qui, tout en déterminant les essentiels et les détails, est configuré par le temps, l'espace et les différentes considérations, qu'elles soient matérielles ou immatérielles.

Processus générateur d'archétypes collectifs que nous assimilons et reproduisons mais parfois à nos dépens; les identifier et les évaluer est à coup sûr profitable à plus d'un titre. L'objectif n'est en rien évaluatif, en décrivant nos comportements sans les caricaturer ni les embellir, nous nous donnons la possibilité de nous voir sans complaisance, ni compassion et surtout en s'assumant pour ne pas se victimiser et rendre l'autre responsable de nos déboires.

En ce qui nous concerne, il est utile de préciser que le soubassement théorique de la présente réflexion n'est pas anthropologique avec fondements historiques. L'Algérien visé n'est nullement considéré dans son rapport avec le temps et à travers le temps. On ne s'intéresse pas à l'Algérien, valeureux combattant, éternel rebelle, passager insoumis de périodes historiques tumultueuses mais de celui de ce début du XXIe siècle, qui se fraye des chemins propres à lui en les voulant propices et surtout adaptés.

Qui suis-je ? Un appel à se connaître et à s'identifier, appel salvateur à plus d'un titre. Nul ne peut prétendre à un quelconque projet de changement, de développement, de prise en charge de son propre destin, sans l'impérieux travail de reconnaissance de soi de façon courageuse, honnête et surtout indomptable. Se connaître avec exactitude sans fard ni complaisance est la condition indispensable et nécessaire pour tout projet de développement, tant individuel qu'organisationnel.

Qui suis-je ? Question qui nous interpelle pour peu qu'on prenne le temps de vouloir nous positionner de façon objective, de ne pas prendre nos désirs pour de la réalité, de nous évaluer sans passion en évoluant dans un monde imagé et délectable. Se connaître avec suffisamment d'exactitude s'avère donc être un préalable à toute entreprise de développement et d'amarrage aux exigences de la vie de notre ère, caractérisée par les incessants et rapides changements tous azimuts.

Suis-je ce citoyen qui croit aux vertus de la démocratie qui favorise l'émergence des compétences et les érige en seuls critères ou l'irrésistible et inconditionnel défenseur du clan et de la tribu ? Développer le paradoxe et agir dans la contradiction est contre-productif, voir destructif. Croire en la démocratie, c'est se défaire des comportements et reflexes de l'appartenance à la tribu. Deux conceptions et deux logiques incompatibles qu'il faudrait assumer séparément et avec conviction. Allier la croyance et l'action est une exigence, en aucun cas un luxe. La démocratie n'est pas à restreindre au domaine politique exclusivement, elle est à considérer sur un plan plus global et général, comme moyen de promouvoir la ressource humaine et par conséquent création de richesse.

Suis-je en postmodernité alors que je n'ai pas vécu l'ère industrielle ? Passage en force sans que je me sois préparé, me voilà avec tous les artefacts de la numérisation, de la téléphonie, de la monétique, de la biotique, etc. sans que je sente le besoin; simple consommateur malgré moi, aggravant de fait ma dépendance. Je jouis, certes, des bienfaits de la modernité mais aussi des méfaits que je n'arrive pas à supporter, tellement les conséquences sont onéreuses sur tous les plans.

Suis-je cet administré qui doit toujours accepter de ne pas être reçu par les responsables sous prétexte qu'ils sont occupés ? Devrais-je toujours me contenter de conter ma doléance à la secrétaire ou/et au planton et, dans les meilleurs cas, à un échelon de l'organigramme qui, après s'être forcé d'être aimable, me reconduira avec la promesse de saisir qui de droit, mais qui ne m'assure ni réponse ni règlement ? Devrais-je, à chaque fois que je me sens frustré et insatisfait des pouvoirs publics, ériger des barricades, brûler des pneus et prendre en otages les usagers de la route pour avoir gain de cause ? Comportement condamnable et nullement défendable, érigeant un rapport de force qui oscille au gré des circonstances et non des principes; ce qui par essence constitue un danger destructeur pour la société.

Suis-je ce conducteur qu'on stigmatise de voyou de la route, d'écervelé, de fou du volant parce que j'ai été flashé sur voie rapide à double sens à 82 km, à 87 km alors que la plaque indique 80 km ? La pertinence de tout système, procédé est dans sa cohérence interne, dans le sentiment d'équité qu'il génère non dans la coercition qu'il exerce. Je veux être cet Algérien qui, en prenant le volant, accepte le contrôle policier et gendarme comme indispensable car générateur de sécurité, d'équité et surtout de quiétude. Il est vrai que nos comportements au volant sont souvent puérils, scandaleux parfois criminels et sont condamnables et doivent être combattus avec toute la rigueur de la loi. Cette sévérité ne doit pas se manifester par la mise en opposition du conducteur et le représentant de la loi qui s'embusque pour le flagrant délit.

Suis-je ce chauffeur de voiture flambant neuve qui, dans les cortèges de mariage, de pèlerinage ou de tout autre cortège festif, slalome, double sans précaution ni prise en considération d'autres voitures et cause des catastrophes se soldant par des morts et des dégâts matériels ? Suis-je ce chauffeur qui ne trouve pas mieux de sillonner à toute vitesse les rues du quartier de nuit comme de jour, la musique à fond et le dispositif d'échappement libre ? Suis-je ce chauffeur qui, une fois le radar dépassé, accélère comme si je me venge de la contrainte de la limitation de vitesse ? Suis-je ce chauffeur qui croit que la voiture est un attribut de la personnalité ? N'est-il pas vrai que nous ne nous reconnaissons que par la voiture que nous possédons ? N'est-il pas vrai que la voiture est un indicateur de statut social ? N'est-il pas vrai que parfois on vous invite parce que vous possédez une voiture ?

Combattre ces comportements, mettre fin à de tels agissements est de toute première urgence. Assumer cette mission ne doit pas se décliner en mesures répressives, ces dernières ne doivent l'être que pour les hors-la-loi, pour les autres la persuasion et l'adhésion de tous est de rigueur.

A suivre