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Al-Hoceima, le tombeau de la royauté ?

par Moncef Wafi

Le Maroc va-t-il rejoindre la liste des pays balayés par le Printemps arabe ? Le Hirak, ce mouvement de contestation populaire né après la mort du vendeur de poisson broyé par une benne à ordures, à Al-Hoceima en octobre 2016, a connu ses premiers débordements violents entre manifestants et forces de l'ordre dépêchées par Rabat pour arrêter la figure emblématique de la contestation rifaine. La région du Rif vit toujours au rythme du souvenir de la mort de Mohcine Fikri qui avait fait descendre des dizaines de milliers de Marocains dans les rues de plusieurs grandes villes du Maroc, protester contre la mal-vie, le chômage, le désespoir et le népotisme ambiant.

Cette étincelle a donné naissance au Hirak Rif conduit par Nasser Zafzafi, devenu le porte-parole de toute une région laissée en bordure du développement national. Depuis octobre dernier, le mouvement a été adopté par tous les Rifains, trouvant une extension légitime en Europe, et son caractère pacifique avait fait de lui un redoutable adversaire du Makhzen. Ce qui s'est passé ce vendredi avec la tentative d'arrestation de Zafzafi, accusé d'avoir interrompu le prêche d'un imam d'une mosquée locale, et la riposte des jeunes manifestants qui se sont opposés aux forces anti-émeutes, risque de mettre le feu aux poudres. Le danger d'un scénario semblable à celui de la Syrie est à écarter du fait même de la nature du régime marocain au pouvoir, la monarchie étant appuyée par les Palais du Golfe, l'UE et Washington.

Mohamed VI n'est pas Bachar Al-Assad et il est peu probable qu'Al-Hoceima devienne un jour Derra la syrienne ou Benghazi la libyenne mais il est fort à parier que Fikri est l'alter ego de Bouazizi qui avait enflammé la Tunisie et précipité la chute de Ben Ali. Si la hogra a chassé du pouvoir la famille régente de Tunisie, que sera-t-il du roi maintenant que la contestation a pris acte avec l'histoire ? Le scénario probable est que ces manifestations empruntent un faux air de la protesta de février 2011, réprimée sauvagement par le Makhzen, et l'arrestation attendue de Zafzafi devra faire basculer la région dans des turbulences dont personne ne peut augurer des suites.

Mohamed VI qui règne d'une main de fer sur ses sujets est constamment critiqué sur sa gestion des affaires internes et son appétit insatiable dans la prédation des richesses de son pays. Sa meilleure parade, relayée par les différents gouvernements de vassalité, est de crier au loup en montrant du doigt l'Algérie. Une politique qui ne résistera pas à l'implacabilité des revendications populaires.