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Hommage à Abdelkader Mahieddine Hadabi

par Ghania Oukazi

«Je me sens vidé, la disparition de Kader me laisse désormais percevoir la vie autrement, rien ne sera plus comme avant après le départ de mon ami».

C'est ce que ressent le ministre de l'Industrie et des Mines depuis vendredi dernier, jour de la disparition brutale et tragique de son chef de cabinet. Il n'est d'ailleurs pas le seul. Ce n'est pas le ministre que nous avons rencontré hier dans l'immeuble le Colisée, mais bien l'ami, le grand ami de Kader Hadabi. Il n'a pas simplement perdu son chef de cabinet mais un compagnon de tous les moments de la vie, bons, mauvais, difficiles? «C'est un ami de 45 ans», dit-il. Abdesselam Bouchouareb pleure Kader à chaudes larmes. Depuis l'annonce du décès, il n'a plus rien du ministre qu'on voit sûr de lui, confiant et rassuré. Kader n'est désormais plus à ses côtés pour lui faire sentir cette assurance dont il a toujours tant besoin pour éviter de tomber dans les travers d'une vie politique toujours prête à donner des coups dans le dos. Hadabi était pour lui une seconde (première) conscience qui l'éclaire par des idées justes et pertinentes. C'est de cet homme à la stature imposante qu'il tirait son assurance. «Humilité, discrétion, un humour caustique, justesse de vues, de grandes qualités qu'on ne peut décrire, il faut les vivre, les voir à travers ses actes, ses paroles même s'il ne parlait pas beaucoup», disait hier de lui Abdesselam.

Abdelkader Mahieddine Hadabi a fait un infarctus vendredi matin chez lui. Bien que tout le monde l'appelât Kader, il aimait à préciser que son prénom est Abdelkader Mahieddine. «C'est mon père qui me l'a donné», nous disait-il avec fierté. Il avait une relation très particulière avec son père, profonde, complice. Il faut admettre que Kader est un homme profond et sincère dans ses relations. Il connaît énormément de monde mais a très peu d'amis. L'amitié est pour lui sacrée. Il la couve de toute son affection et sa bonté et ce, quels que soient les rapports qu'il entretient avec la personne qu'il consacre comme amie. Parce que Kader a des moments à lui que personne ne peut «percer» y compris ses plus proches compagnons. Il ne parle pas beaucoup, comme le dit Abdesselam. «Il est d'une intelligence raffinée, pertinent, il décèle les centres d'intérêts dans les situations les plus complexes», dit-il encore de lui Abdesselam. «C'est un ouragan quand il réagit, mais c'est pour dire et voir juste, ce qu'il faut», raconte-il. Bouchouareb sait décrire Hadabi avec lequel il a partagé une vie entière. Economiste de formation, Kader a été pendant longtemps cadre au ministère de l'Industrie qu'il a quitté en tant que directeur des matériaux de construction et de l'habitat. Il y reviendra, cependant, comme chef de cabinet de Bouchouareb appelé pour être ministre du secteur. La première fois, de 1996 à 1997, et la seconde, précise le ministre, «le 5 mai 2014 à ce jour». Enfin, jusqu'à vendredi dernier où Kader a tout laissé tomber, terrassé par une crise cardiaque. C'est peut-être parce qu'il ne parlait pas beaucoup que son cœur a lâché? de trop de lourdeurs, pour avoir été quelque peu cachottier? Mais quand on connaît bien Kader, on sait sentir ses peines, ses souffrances, ses joies et ses consolations. Il suffit d'un geste de sa part, d'une mimique, d'un clin d'œil, d'un silence? Il lui arrive d'être silencieux avec des êtres qui lui sont chers, non pas parce qu'il n'a pas envie de parler ou n'a rien à dire, mais il fait du silence une partition de sérénité, une réconciliation avec les âmes. Une philosophie singulière, bien à lui. Il faut croire qu'il a une âme soufie même si la vie des confréries n'est pas son fort comme elle l'est pour son frère Kamel. «Enterrez-moi la où je meurs», disait-il. Il a été pétri dans un environnement d'une spiritualité où l'intériorité n'a pas à se confondre avec l'extériorité. Pour Kader, elle est le salut de l'âme? Dans ses terribles moments du grand départ, du départ d'un ami sincère, l'on a envie d'écouter Brel que Kader apprécie bien au moins pour avoir vécu à Bruxelles avec son épouse et ses deux filles qu'il chérit tant. Nous pleurons notre ami depuis vendredi, jour de sa mort. «Je pleure depuis 48h, c'est une partie de moi-même que j'ai perdue, la vie ne sera plus comme avant», nous disait hier Abdesselam. «Maintenant, je vais pleurer» comme le dit Brel dans «Fernand», une chanson qu'il a dédiée à l'ami qu'il avait perdu. Adieu l'ami.