«Nos»
harraga font parler d'eux. Pour peu et ils seront
considérés comme des stars, comme ces footballeurs qui gagnent des milliers
d'euros et qui alimentent les potins des petits cafés du Bled comme les
centaines de colonnes de journaux sportifs, qui cartonnent dans leurs chiffres
de vente rien qu'en parlant de Mahrez, Islam, Cedric and Co. Donc, ?'nos'' harraga,
ceux du moins qui ont gagné l'Espagne à la dure, en empruntant le moyen de
transport le plus utilisé depuis que l'homo sapiens a appris à voguer sur les
flots, c'est-à-dire un canot pneumatique, ont observé lundi pendant quelques
heures une grève de la faim dans un centre de rétention quelque part à
Barcelone. Les policiers qui veillent dans ce centre sont désarçonnés par les
revendications des Algériens. Comme quoi, les mouvements sociaux organisés en
Algérie servent à quelque chose, et ils ont ainsi réussi à marquer des points
dans la politique nationale de diversification des exportations hors
hydrocarbures. Les braves harraga algériens
refusaient de manger réclamant tout simplement d'être libérés. Rien que çà. Ils
veulent être ?'libres'' et être relâchés, car ils estiment qu'ils ont droit à
une liberté totale en Espagne et ailleurs puisqu'ils ont réussi à faire le
trajet qui sépare leur pays de celui de mangeurs de tortillas dans une
embarcation, un peu comme dans le temps des ?'Andalouss''.
En Espagne, ils sont soutenus par des ONG qui, au plus
profond de leur militantisme et leur soutien aux ?'clandestins'' qui voyagent à
travers les mers du globe à la recherche d'une vie meilleure ou fuyant les
persécutions et les régimes dictatoriaux, mais au péril de leur vie, pensent,
elles également, à ces misérables espagnols, ?'shab
el babor'' (les gens du bateau) comme ils les
appellent de la Castille à la Catalogne, qui avaient fui leur pays durant la
guerre civile et les exactions des Franquistes pour aller trouver refuge en
Amérique latine. Ces Espagnols avaient trouvé refuge au Chili, au Pérou,
au Paraguay, en Uruguay et en Argentine. Entre 1935 et 1950, des dizaines de
milliers d'Espagnols avaient trouvé refuge dans ces pays latino-américains. Ils
avaient été accueillis avec les larmes et le pain, et comme ils étaient des
ouvriers de condition modeste, ils avaient vite trouvé du travail et retrouvé
leur condition humaine. Cette histoire se répète de nos jours avec ces ?'harraga'' de tous les pays du Sud, en particulier les
Algériens, qui pensent, à tort ou à raison, qu'ils ont eux aussi droit à un
accueil humain en terre espagnole, en Europe. Car ils savent que si jamais ils
sont refoulés en Algérie, ils iront très probablement grossir les rangs des
pensionnaires des établissements pénitentiaires. Le ?'h'rig''
chez nous étant passible de prison. Donc, il est humain et tout à fait démocratique
et conformément aux conventions universelles se rapportant aux droits de
l'homme, que les harraga algériens réclament leur
liberté en Espagne, en Europe et partout, même s'ils sont des indésirables.