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Les zombies et les vivants

par Ahmed Farrah.

Sommes-nous encore vivants ? Apparemment non, puisque la route tue, la mer tue, l'environnement empoisonné tue, le crime tue, les nerfs tuent, le dépit tue, la négligence tue sans que cela émeuve personne, sauf, peut-être, certaines âmes sensibles pourvues d'émotions et d'humanisme compatissant.

En seulement 48 h, la route a fait des dizaines de morts et de blessés, dans des accidents de la circulation. Certains porteront, le restant de leur vie, leur handicap physique et mental qui pèsera lourd sur leur famille et sur la société toute entière. Comme il est devenu récurent pendant chaque saison estivale, la mer et les retenues d'eaux font des centaines de décès par noyade. Il ne se passe pas un jour sans que des corps d'enfants et d'adultes noyés flottants, soient rejetés par la mer ou retirés des oueds et des retenues d'eau. Ce bilan macabre ne compte pas les dizaines d'autres cas qui ne sont pas médiatisés et qui se produisent quotidiennement dans les coins les plus reculés du pays. Ces tragédies qui touchent beaucoup de familles sont traitées dans les faits divers d'une banalité qui ne choque plus. La résignation à la fatalité habite les gens qui se sont soumis aux aléas de la vie. Ce ne sont pas les cœurs qui sont endurcis, mais les âmes qui sont ramollies sous le poids des certitudes et de l'échappatoire désirée.

Cependant, ailleurs dans un autre monde pour qui la vie est si précieuse, l'Allemagne se réveille sur la mort inhabituelle, semée sur ses Landers. Les hommages aux 9 victimes de la fusillade, du 23 juillet 2016 à Munich, ne cessent d'arriver des quatre coins du monde pour exprimer la tristesse de l'ensemble du monde « choqué » par ce qui est arrivé aux victimes de ceux qui fauchent la vie aux autres et partent avec elle pour l'au-delà. Ces deux attitudes contradictoires renforcent le sentiment d'injustice, des deux poids et deux mesures, face à la mort, puisque en Algérie et ailleurs dans le monde des damnés, nous sommes déjà morts avant de mourir, il n'est donc pas nécessaire de faire le deuil d'un mort-mort. Sinon, ce serait absurde.