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L'âge fou

par El-Guellil

Qui n'a pas ressenti un jour le poids de la chibanisation mentale lui plier l'échine?

Qui n'a pas eu la sensation, devant «l'âgerie» et les ans, d'être aphone et muselé ?

L'addition d'une mouchkilà, d'une mouchkilà-bas, devient machakilo et tonne la voix des soucis et du sursis. L'esprit décide de se cagouler face au chemin qui se rétrécit.

Monsieur Modernisme ? Lalla Civisme ? Miss Citoyenneté ? Ces trois termes tantôt kamissés ou minijupés, tantôt voilés ou seroualés, très souvent hijabés, même s'ils tentent de vivre sous le même toit, ne forment plus la même famille. Et dans le fond et dans les bas-fonds.

Rongé, usé, ses neurones affaiblis, son enthousiasme scié, rabougri, il reçoit en plein visage, la violence des complaisances mal placées, ces misères intellectuelles qui deviennent une seconde nature. Embuscade !

On ne peut y déroger ou y échapper, sans risquer de devenir la mauvaise conscience, le fou du quartier. L'être qui échappe à la règle, donc qui dérange. Il dérange parce qu'il voit, impuissant, ce que les autres refusent d'entrevoir. Il reconnaît le mal, là où il est. Il juge, muet, les situations dans une clarté d'esprit qui illumine le chemin «embué», dans lequel des âmes errantes l'accompagnent. O vieillesse ennemie !

Et parce qu'il rencontre et reconnaît le mesquin, le menteur, le charognard, le monstre, les prédateurs, il devient dangereux, voire extrêmement périlleux de le laisser chanter, à qui veut l'entendre, sa bohème.

Mais peut-il encore chanter? Trouvera-t-il écho dans cette cité où le béton devient pilier fondamental de la religion du bien-être, et la dalle de sol, tapis de prière pour la réussite.

A force de chanter en solo, sa symphonie de vérité, il se fatigue. Et le cœur, l'âme et l'esprit de ce bohémien déchaîné se surprennent à lâcher prise. Il se laisse partir.