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Un sommet arabe, pour quoi faire ?

par Mahdi Boukhalfa

Un bien étrange sommet des Etats de la Ligue arabe, plus que jamais divisés, se tient dans la capitale mauritanienne. Au moment où les fractures politiques deviennent de plus en plus profondes, où les appétits expansionnistes de plus en plus francs et alors que des Etats arabes n'hésitent plus à médiatiser leurs différends, ce 27ème sommet arabe ne prélude rien de bon. D'abord du fait que le pays hôte, la Mauritanie, a remplacé le Maroc qui a annoncé en février dernier qu'il renonce à son droit d'organiser ce sommet, prévu traditionnellement au mois de mars.

Les divergences étaient tellement mises à nu lors du dernier sommet de Charm El Cheikh (2015), où l'Egypte et l'Arabie Saoudite avaient tenté d'imposer aux pays membres la participation à l'organisation d'une force arabe commune, que beaucoup d'observateurs avaient fini par croire que le bel ensemble et la cohésion entre les pays arabes, à l'aune des guerres civiles en Syrie, en Libye et en Irak, avait définitivement volé en éclats lorsque des avions de pays arabes avaient bombardé le Yémen. Faut-il donc croire à un ralliement de dernière minute des pays arabes sous la même bannière, celle qui voudrait dire que la défense de la cause palestinienne soit un credo commun, que les conflits interarabes soient proscrits et, surtout, la fin des différends politiques ?

Si à Nouakchott le menu de ce sommet est plutôt maigre, à savoir la traditionnelle situation dans les territoires palestiniens occupés, les guerres civiles en Libye, en Syrie, et au Yémen, ainsi que la lutte contre le terrorisme, c'est surtout à cause de cet immobilisme devenu légendaire d'une organisation à réformer, sinon à revoir complètement. Sinon comment expliquer le désistement d'un Etat membre à organiser un sommet, ou pourquoi ce silence complice lorsque cette force arabe commune créée dans la confusion lors du sommet égyptien avait agressé un pays membre, sous prétexte de restaurer la légalité d'un gouvernement qui n'a plus les faveurs de l'opinion publique yéménite ?

En fait, ce sommet de Nouakchott ne va pas sortir avec des résultats extraordinaires, dès lors que les pays arabes ont depuis longtemps consommé leurs différences politiques. La preuve ? La crise politique syrienne et la guerre civile qui ravage ce pays depuis quatre ans déjà sont attisées par le soutien de pays arabes à l'opposition, même si elle est formée en partie des groupes terroristes comme Al Qaida et Daech, rien que pour narguer Téhéran et le Hezbollah libanais qui soutiennent le régime chiite de Bachar Al Assad. L'intrusion en 2015 des Houtis au Yémen et leur influence sur la vie politique du pays avait provoqué un vaste mouvement militaire de Ryadh qui a fédéré des pays arabes comme le Koweït, le Maroc ou le Qatar dans une force commune arabe qui a ensuite mené des raids aériens contre les villes et les populations yéménites. Résultat: le monde arabe est beaucoup plus déchiré aujourd'hui qu'il ne l'était il y a dix ans. Alors, quel sens, ou non-sens, donner à cette ?'action arabe commune'' qui fleurit à longueur de communiqués de la Ligue des Etats arabes ?