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Présence militaire française en Libye: duplicité cynique

par Kharroubi Habib

Après la mort la semaine écoulée en Libye de trois sous-officiers français - dans la chute accidentelle de l'hélicoptère les transportant selon la version officielle des autorités françaises, abattu par un tir de missile selon celle donnée par le porte-parole de la milice libyenne qui en a revendiqué la destruction -, Paris a dû enfin reconnaître la présence dans ce pays d'un contingent de ses forces spéciales.

Les autorités françaises auraient probablement continué à nier tout engagement militaire de leur pays en Libye n'eût été cet incident qui a coûté la vie à trois sous-officiers de leurs forces spéciales. Cela pour la raison qu'elles avaient conscience qu'elles l'ont décidé en contradiction de leur position officielle sur le dossier libyen qui est que la France n'interviendrait militairement en Libye qu'à la demande de l'autorité légale du pays, en l'occurrence le gouvernement d'unité nationale de Tripoli bénéficiant de la reconnaissance de l'ensemble de la communauté internationale et dans le cadre d'une opération dont l'armée française n'en serait pas l'unique acteur.

Désormais, l'on sait que la France a été dans le mensonge officiel, parce qu'elle n'a pas attendu pour intervenir en Libye que le gouvernement légal de ce pays lui fasse appel et que plus est le contingent de ses forces spéciales qui s'y trouve opère pour le compte des forces du général Haftar qui ne reconnaît pas l'autorité de ce gouvernement. Paris a beau invoquer la gravité de la menace terroriste pour la sécurité nationale française que représente l'implantation de l'Etat islamique en Libye, que la contribution de ses soldats se limite à réunir une information précise sur les capacités et les agissements de cette organisation, il ne lui est pas possible de contredire l'accusation que la France a agi sans tenir compte de la souveraineté de l'Etat libyen dont elle a pourtant soutenu la formation et reconnu la légalité et au mépris de la légalité internationale

La France n'est pas la seule puissance occidentale à piétiner la légalité internationale sous prétexte de la lutte contre le terrorisme. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne s'y adonnent eux aussi allègrement. Le prétexte de la lutte antiterrorisme recouvre et masque en fait les véritables objectifs des opérations militaires qui sont menées par les puissances qui l'invoquent.

Pour ce qui est de la France, il apparaît dans l'affaire libyenne que Hollande et les socialistes qui n'ont eu de cesse de dénoncer l'illégalité de l'intervention militaire occidentale dans ce pays et à laquelle sous l'autorité de Nicolas Sarkozy la France a pris une part décisive, n'ont pas tiré le bon enseignement des conséquences catastrophiques qu'elle a eues pour la Libye, mais aussi pour les régions méditerranéenne et sahélienne ainsi que pour la France et l'ensemble de l'Union européenne.

Ce à quoi les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France s'adonnent en Libye sous couvert de la lutte contre Daech ne vise pas à aider les Libyens à refaire leur unité nationale. Ils ne font au contraire qu'attiser la flamme de la discorde allumée par les ambitions que nourrissent les factions politiques et militaires qui sévissent en Libye. Si ces puissances ne veulent pas probablement que l'Etat islamique arrive au pouvoir à Tripoli, elles ne s'empresseront pas néanmoins d'aider les Libyens à se réconcilier et à restaurer leur Etat national. Un chaos « gérable » est ce qui leur permettra de continuer à faire main basse sur la ressource énergétique de la Libye. Le scénario n'est pas nouveau, l'Irak, la Syrie lui ont servi de terrain d'expérimentation.