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Retour vers l'enfer

par Moncef Wafi

L'opposition crie au meurtre du multipartisme à travers l'article 94 du projet de loi organique portant régime électoral. Un texte qui exclut du prochain scrutin les partis politiques n'ayant pas obtenu 4% des suffrages lors des précédentes élections législatives. Cette montée au créneau contre un projet de loi liberticide par excellence est mue par cette volonté de survie de sigles n'ayant pas franchi le fameux pourcentage qu'on veut définir comme seuil de survivance.

Si l'on se réfère aux législatives de 2012, il est clair que le paysage politique algérien sera réduit à sa plus simple expression avec trois partis, le FLN, le RND et l'Alliance de l'Algérie verte qui ont obtenu respectivement 14,18%, 5,61% et 5,09%. Ni le FFS ni le PT encore moins le FNA de Touati ou le MPA de Benyounès ne survivront à ce cas de figure surtout connaissant les mœurs électorales nationales. C'est dire tout le danger que peut représenter ce texte de loi sur le pluralisme politique s'il venait à passer, et il passera certainement, devant une APN de plus en plus décrédibilisée. Un texte qui fait, de l'avis de l'opposition, les affaires du FLN qui phagocytera, à coup sûr, le reste des sigles incapable de trouver un ancrage populaire en dehors de quelques formations plus sérieuses.

Si l'intention est louable pour faire quelque part le ménage dans cette foultitude de petits partis qui embouteillent le paysage politique, les sanafirs comme ils ont été qualifiés à une certaine époque par Abassi Madani, l'objectif est lui plus condamnable. En effet, il ne fait aucun doute que le pays est en train d'enclencher une marche arrière quitte à casser la boîte de vitesse. Presque tous les acquis sociaux sont remis en question : retraite anticipée, liberté d'expression, multipartisme. En deux mots, la démocratie en Algérie vit un véritable moment de régression décidée par les nostalgiques du parti unique.

La guerre déclarée aux journaux privés avec comme victimes collatérales certains titres «amis», la disparition programmée des partis de l'opposition en sacrifiant des formations satellites acquises au président de la République, l'instrumentalisation de la justice contre toutes formes d'expressions critiques participent à ce sentiment de retour vers une époque révolue qu'on veut actualiser sur les ruines d'une démocratie fragilisée. Les voix qui se sont élevées risquent fort de ne pas porter loin et plus que jamais le risque d'un retour vers l'enfer est ce blockbuster de l'année que redoute l'Algérie.