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Europe: La double peine des musulmans

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

En plus de payer le plus lourd tribut au terrorisme d'obédience islamiste, les musulmans subissent le regard accusateur, stigmatisant et raciste après chaque attentat quelque part en Occident.

A chaque attentat terroriste commis quelque part dans le monde, revendiqué ou attribué à Daech, El Qaeda, Boco Haram et autre label du terrorisme d'obédience islamiste, les musulmans tressaillent, se regardent et s'interrogent sur la suite qui leur sera réservée, dans le regard des autres, ceux qui ne sont pas musulmans. Les déclarations des leaders politiques en Occident, particulièrement ceux engagés dans une course électorale, se déversent dans une enchère qui, au-delà de la colère légitime face à l'horreur de l'acte terrorise, libère le discours violent, radical à son tour, stigmatisant, raciste envers tout ce qui évoque l'Islam et les musulmans. «Essentialiste» diront les esprits instruits. Des faiseurs d'opinions, écrivains, prétendus philosophes et experts en «islamisme» s'attellent à démontrer, à coups d'arguments culturels, cultuels, voire de références au texte coranique, une nature intolérante, violente et conquérante de l'Islam et donc des musulmans. D'autres plus pernicieux replongent dans l'histoire de l'Islam et des musulmans, évoquant ses conquêtes du haut-moyen âge pour attribuer aux musulmans, d'aujourd'hui, un dessein caché de reconquête du monde et donc forcément de l'Occident. Doucement, subtilement, machiavéliquement l'idée d'une violence terroriste, intrinsèque à l'Islam, devient une évidence et une menace contre laquelle le monde entier doit se battre au risque de vivre sous la menace d'un terrorisme permanent, éternel. «La guerre contre le terrorisme est globale» a dit Georges W. Bush, voilà 16 ans, en 2001, repris, hier, par le Premier ministre français Manuel Vals, à la suite de l'assassinat d'un commandant de police et de son épouse par un «fou» se réclamant de l'Etat islamique, comme deux jours auparavant, un autre «monstre», dans la ville d'Orlando, aux Usa. «Il nous faut admettre et apprendre à vivre, désormais, avec la menace terroriste», assènent des experts américains et européens. Ainsi donc, l'Islam est violent et incompatible avec la modernité, la démocratie, la liberté. D'où la réhabilitation de la thèse de l'affrontement des civilisations qui réduit les civilisations à leurs seules dimensions religieuses, évidemment. Le reste, tout le reste n'est que supputations sans intérêt ni effet sur les hommes, sur cette terre: les guerres menées par les Occidentaux en Syrie, Irak, Libye c'est-à-dire des pays à majorité musulmane; l'occupation de la Palestine et le quadrillage et la mise sous tutelle des pays du Sahel africain etc. ne sont rien, ne signifient rien et n'ont aucun lien avec les actes terroristes qui frappent, d'ailleurs, plus dramatiquement ces pays. En Syrie est apparu, du jour au lendemain, un «Etat» dit islamique avec une armée, des chars et tanks, une logistique fantastique, exploitant des raffineries de pétrole commercialise, librement, en dehors de la Syrie, une banque, une monnaie, etc. Comme ça, du jour au lendemain, surgit du néant, sans que personne ne s'aperçoive. Les millions de réfugiés syriens, irakiens, libyens, africains du Sahel, Somaliens, érythréens et bien d'autres damnés de ce monde, ne sont, d'après les penseurs libres occidentaux que les victimes de la violence terroriste islamiste, donc de l'Islam. Les bombardiers occidentaux et quelques alliés arabes n'ont aucune responsabilité, dans l'enfer et la mort de centaines de milliers d'Arabes et musulmans, selon eux. C'est le terrorisme islamiste qui tue dans ces contrées en guerre. Quel esprit sensé légitimerait-il la violence terroriste, quelle qu'elle soit? Les musulmans sont les premières victimes et de loin du terrorisme fait au nom de leur religion.

 C'est pourquoi accuser la foi musulmane et les musulmans, d'être les pourvoyeurs de la violence terroriste obéit, justement, au but recherché par les monstres tueurs de Daech, El Qaeda, Boko Haram et extrémistes d'autres obédiences. Semer des discours stigmatisant et racistes envers les musulmans et l'Islam, après chaque tragédie terroriste, c'est semer le terreau fertile qui promeut la guerre des civilisations qui sous-entend la guerre des religions. C'est cultiver la haine qui poussera quelque esprit illuminé, quelque part à Orlando, Paris, Bruxelles, Alger, Bamako ou ailleurs, à vouloir se venger de la haine des autres, à l'encontre des musulmans, en tuant aveuglément. Y compris et surtout des musulmans.