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Conflit syrien: Paris rameute d'infréquentables soutiens

par Kharroubi Habib

Paris ne digère assurément pas être mis hors jeu sur le dossier syrien par Moscou et Washington lesquels, il est vrai, ont convenu de le traiter par des négociations bilatérales en vue de s'entendre sur un plan d'action commun à entreprendre pour «revitaliser» le cessez-le-feu moribond en Syrie dont la Russie et les Etats-Unis ont été les ordonnateurs et faire revenir les belligérants syriens à la table des négociations de Genève.

Pour tenter de faire entendre sa voix aux Russes et aux Américains, la France a pris l'initiative d'organiser le 9 mai à Paris une conférence internationale sur la Syrie à laquelle elle n'a convié que la Turquie, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes. Des Etats qui sont certes impliqués dans le conflit syrien mais sont également à l'unisson avec Paris dans l'exigence du départ du président Bachar al-Assad et la dissolution de son régime en guise de solution au conflit syrien. Bien évidemment, ces Etats voient tout comme la France d'un mauvais œil les tractations russo-américaines sur le conflit dont ils craignent qu'elles se concluront par un deal entre Moscou et Washington excluant le changement radical en Syrie sur lequel ils ont misé leur engagement multiforme dans ce pays. Il ne faut pas s'attendre à autre chose de la conférence de Paris que la réaffirmation de la solution irrévocable pour eux du départ de Bachar al-Assad.

Pour François Hollande qui a décidé d'organiser la conférence à Paris, l'enjeu est double : il s'agit de démontrer aux Russes et Américains que la France est en capacité grâce à ses alliances de faire pièce à toute entente sur le dossier syrien aux négociations où Paris est mise à l'écart. L'autre calcul pour lui est que la conférence lui confère une once de prestige atténuant quelque peu l'image dévalorisante de président «calamiteux» que lui vaut auprès de l'opinion française un mandat qui est une suite d'échecs et de reniements. Peu sûr pourtant que les Français apprécieront que pour se faire entendre et espérer ainsi peser sur l'issue du conflit syrien ou la marche du monde, leur pays en est réduit à pactiser avec des Etats dont la nature et le comportement sont aux antipodes des valeurs et des principes dont il se prétend être la source et l'intransigeant défenseur. Comment le président français peut-il en effet convaincre ses compatriotes que l'alliance avec ces Etats sur le conflit syrien est bâtie en vue de réaliser en Syrie un objectif s'inspirant des valeurs et principes qu'elle prône ? L'avenir que la Turquie, l'Arabie saoudite et les Emirats sont déterminés à imposer à la Syrie ne fait aucune place à ces valeurs et principes comme le prouve la qualité des alliés syriens qu'ils ont dans le conflit et dont ils réclament qu'ils soient partie prenante dans un régime post-Assad. De ces Etats, les Syriens n'ont rien de bon à attendre. La France le sait mais feint cyniquement de leur trouver vertus et d'être en capacité de leur imposer pour la Syrie le respect de ses valeurs et principes.