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L'ALGERIEN, CE GRAND INCOMPRIS

par Moncef Wafi

Loin de la philosophie de la politique et des groupes d'intérêt qui ont pris le pays à la gorge, les Algériens continuent de survivre au rythme angoissant des nouveaux prix affichés de la vie quotidienne. Adoptée la loi de finances, votée la nouvelle Constitution, le citoyen a la fâcheuse impression d'être livré à lui-même. De se retrouver dans un désert où la seule réponse à ses doléances est son écho fatigué. D'être poussé un peu plus dans le dos et un peu plus fort, chaque jour qui passe, vers le précipice.

La pilule est amère et a du mal à passer dans un pays, producteur et exportateur d'hydrocarbures, qui ne trouve pas mieux que d'augmenter à presque 40% le prix du carburant à la pompe. Ce qui tue le plus le citoyen, c'est cette froideur cynique des porte-voix du gouvernement qui n'hésitent pas à embellir un avenir proche fait d'augmentations et de privations. C'est cette propension à justifier des hausses par des explications fallacieuses empêchant toute analyse structurante des causes et des conséquences de ce que vit l'Algérie aujourd'hui.

Le citoyen, désarmé, impuissant devant tant de mépris institutionnalisé, s'interroge réellement sur sa place dans le pays, lui qui a été tout simplement zappé dans l'adoption de la nouvelle mouture constitutionnelle. Face à une administration implacable qui ne reconnaît que les siens, une justice à laquelle personne ne fait confiance, une oligarchie carnivore et une lutte des classes perdue d'avance, l'Algérien a peur. Il a peur de la mercuriale de demain, de la prochaine facture de gaz et d'électricité, des rapports de force en haut, au-dessus de sa tête. Il a peur de se réveiller et de payer pour un lit d'hôpital, pour inscrire son gosse dans la seule école du douar et de perdre sa retraite parce que le baril du pétrole a encore baissé.

Il a peur de ne plus pouvoir parler pour critiquer les responsables ni de dénoncer ceux qui, en toute impunité, continuent de piller son Algérie. Il sait très bien que l'article 51 ne sera jamais une assurance tous risques contre l'intelligence avec la France et que si eux se dépouillent de la nationalité de rechange, leurs familles la garderont toujours. L'Algérien a peur et fatigué des faux-semblants, du patriotisme de pacotille, de la hogra et de ses députés. Il est fatigué de lire la gabegie quotidienne étalée dans les journaux sans que la justice ne s'autosaisisse, fatigué de voir la liberté d'expression pourchassée jusque dans Youtube. Il sait que demain sera pire qu'hier et prie silencieusement que ses petits-fils ne vivront pas son aujourd'hui.