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Vaut mieux parler de la pluie que de la prochaine Constitution

par Kamel Daoud

Le huis clos absolu : un Président que personne ne peut rencontrer, un règne épistolaire, une gestion par délégation. Cela ne pouvait finir qu'avec une Constitution par correspondance. Le texte de la loi fondamentale sera amendé, «corrigé» mais entre eux, en mode silencieux puis en mode vibreur. De la présidence au Parlement et de la Chambre au placard. Le premier invisible, le second si mal élu qu'on s'en sert sur Youtube pour faire rire l'ennui. Faut-il s'indigner du tour de passe-passe entre un régime et lui-même ? Non. La Constitution sous les dictatures molles ou dures n'a pas le sens de la loi mais de la loi sur mesure. Chaque président qui nous arrive, la viole, lui achète des bijoux, promet de la respecter puis la change selon ses convenances. Il y a quelques années, on nous a violé avec l'idée du mandat à vie. Aujourd'hui, on ne va même plus nous violer avec la nouvelle mouture. Cela va se faire sans nous, entre lui et le parlement de «lui» et dans les délais d'un mariage de jouissance : en un mois. La trituration du texte, il y a quatre ans, lui a enlevé le dernier sérieux et a ôté à son auteur sa dernière légitimité : le même homme qui promet des libertés et de la démocratie, ferme les rues, les espaces, les télés, les possibilités et refuse de rencontrer ses électeurs.

Ceci pour le détail. Pour le fond, on est dans la consécration du huis clos et de la rupture : le Palais et le Club se passent du peuple et de sa signature à blanc et de ce qu'il peut penser. L'autonomisation est totale et la zone d'Alger n'a aucun souci à se faire face aux wilayas du reste du pays. Le mode de forcing pour ce nouveau texte est plus important à analyser que le texte lui-même. Le règne est endogame depuis des années et il vient de le faire comprendre brutalement. C'est une constitution de gré à gré et avec un faux appel d'offre au dialogue. On attendra ce qu'en fera le prochain président qui va l'amender pour rester à vie puis, au dernier mandat, va proposer d'y limiter les mandats pour le suivant. Et ainsi de suite.

De quoi faut-il parler et qui soit essentiel ? De la pluie. Elle se fait attendre. Le ciel semble être un enjambement. Le nuage, une mauvaise herbe et l'éternité est de mauvaise humeur. Cela pèse lourdement sur les sens et angoisse un peut le cœur au fond du puits.