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Au-delà du député, une crise de légitimité

par El Yazid Dib

Désolante image d'une scène parlementaire. Etait-ce là un diagnostic d'une bonne santé démocratique ? Était-ce là un dérapage inutile qui n'avait pas lieu d'être ? Le pays va encore se paver d'une assemblée nationale. Des partis naissent, d'autres s'excitent. Les partisans s'affolent et les opposants boudent. La démocratie c'est aussi un face-à-face d'un oui et d'un non. Peut-on provoquer publiquement la question d'à quoi va servir le député ? A bien représenter les citoyens. À défendre leurs intérêts sociaux et politiques. A utiliser sa lourde bourse financière pour les œuvres de bonne charité. À s'éloigner du wali. A ne pas picoler à toutes les cantines gratuites. A éviter le cholestérol des banquets étatiques. A faire taire la grogne émeutière des électeurs. A bien lire et relire les projets de lois et mâcher l'éventuel amendement. A ne pas, dès la première invite du perchoir, lever la main, sans oser quelquefois lever le petit doigt. Eh bien, ils se cognent, se refusent l'expression en tentant l'usage de la force des biceps au lieu et place de celle de la conviction et de la tolérance.

Changer les choses pour eux, c'est le faire pour les autres. Certes, tout est renversé, même la structure ménagère ou l'indigence politique dans laquelle certains semblent baigner sans dire mot. La bonne rétribution par la grâce d'un Trésor public mis à contribution sait faire boucher les luettes et fermer les clapets. Le député qui se projette en cette fin de mandature va continuer aussi à hanter les administrations, porter des cravates neuves ou usées, jamais de chapeau même sous les pires tempêtes ou tornades nationales et pour d'autres, rares et sélectifs, à faire guise d'enfants terribles et contestataires. Les dernières péripéties ont bien marqué l'absence criarde de ces élus du peuple laissant une administration parfois dépassée à faire aussi le rôle de l'assistanat et de la représentativité populaire. Néanmoins, il se trouve que des parlementaires hors mandat agissent au mieux du faisable pour le compte de la démocratie, du sens politique et du fonctionnement de l'Etat? Les meilleurs députés dans ces temps acrimonieux ne sont autres que les citoyens aimés et à la bonne écoute de leurs semblables.

Si l'assemblée est un mode de gestion communautaire des affaires publiques, toujours en vogue depuis l'humanité, elle a été toujours objet d'enjeux. C'est sa composante humaine qui lui donne les mauvaises nuances et lui cause le rejet. Tout dépend de ceux qui vont agiter son souffle. L'on a vu des assemblées insipides, amorphes, à la limite d'une armée composite de fonctionnaires. Obéissants, zélés et bien complaisants. Même le pluralisme politique n'eut pu leur ôter cette fausse hégémonie entretenue becs et ongles par un système trop tendu. La course aux sièges parlementaires, la hargne d'obtenir des fauteuils ministériels ou l'envie chatoyante d'être juché au perchoir de l'APN ou du Sénat n'épargnent personne. L'affichage d'ambitions osées ne se fait plus dans l'opacité du système, il se fait au contraire dans l'embrasement, la clarté et avec précision.

Le poste que procure la députation n'obéit à nulle circonspection si ce n'est celle de savoir à quelle caisse de retraités, dans cinq ans, faudrait-il piocher les arrhes et les dividendes engrangés par l'occupation d'un siège dans le cénacle des automates goulus et inassouvis ? Le président, par le biais des réformes qu'il suscite, devrait, dans ses usuelles admonestations brisant l'os dur des tabous et sorties inédites, oser dire à quoi sert un député ? Hélas, c'est un ingrédient vital pour l'existence d'une démocratie rendue impérative. Eviter le langage des mains, c'est éviter l'image vilaine d'une représentativité en pleine crise de légitimité. Qui gueule ne sait pas écouter et qui se tait n'a rien entendu.