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Musiciens algériens dans l'été tunisien

par Kmar Bendana : Hammam-Lif

Les Algériens ne sont pas seulement sur les plages tunisiennes en cet été. Le tourisme algérien a commencé depuis une décennie environ à modifier l'offre et la demande à Tabarka, Hammamet, Nabeul et Sousse mais depuis 2011 et bien que le mois de ramadan se situe en été, les Algériens ont constitué une clientèle régulière qui a jugulé une partie des déboires du tourisme tunisien, essentiellement balnéaire, en crise d'image et de fonctionnement. La saison estivale 2015 a démarré tragiquement avec la tuerie de la plage de Sousse, le 26 juin et les réservations d'avion et d'hôtels ont une fois de plus accusé le coup. Une campagne de solidarité s'est spontanément exprimée dans les réseaux sociaux pour encourager et annoncer la venue des touristes algériens après l'Aïd. Le mouvement a bel et bien eu lieu et on se demande si le nombre des Algériens va dépasser le chiffre de 1.300.000 visiteurs atteint en 2014.

Il est plus réjouissant encore en ces temps de violence de constater que la participation algérienne s'étend aux activités culturelles et artistiques, participant ainsi aux niches qui travaillent un peu partout à conjurer l'ignorance, le silence et la peur. Pour la 4ème session, des rencontres cinématographiques de Bizerte (18-21 juillet), Lamine Ammar Khodja a présenté son film Sans cinéma et animé un atelier de tournage (les 3 films amateurs ont été projetés à la clôture), de même que le film sera présent au festival de Sbeïtla le 6 août. La visite de l'Orchestre Symphonique National Algérien est un maillon de plus dans la chaîne solidaire des artistes face aux agissements destinés à épouvanter les gens et à empoisonner la vie et l'atmosphère. L'ensemble a donné deux concerts au public tunisien, les 1er et 2 août, à El Jem et à Hammam-Lif. La brochure distribuée à l'occasion de la tournée tunisienne nous apprend que l'ensemble existe depuis 1992 et qu'il se compose d'une soixantaine de solistes professionnels, diplômés des écoles et conservatoires des différentes wilayas algériennes et des institutions musicales étrangères. Dirigée par Abdelkader Bouazzara depuis 2001, la troupe travaille sous la férule artistique d'Amine Kouider, chef d'orchestre permanent depuis 2014 qui a lancé en 2001 les premiers concerts éducatifs pour les enfants.

L'Orchestre Symphonique National Algérien a joué le 1er août dans le Colisée romain d'El Jem dans le cadre d'un festival consacré à la musique classique et lyrique qui fête son trentième anniversaire. Quand on sait que des orchestres se sont décommandés par crainte pour leur sécurité, le maintien de la participation algérienne est précieux.

L'ensemble s'est également donné dimanche 2 août dans le théâtre de plein air d'Hammam-Lif à l'invitation du Festival International de Boukornine qui assure ainsi sa dimension internationale par cette deuxième soirée maghrébine de la session. Après la soirée de malouf sans frontières du 25 juillet, qui a rassemblé l'Algérien Hamdi Bennani avec le Libyen Mohamed Ghezzi et le Tunisien Zied Gharsa, le concert symphonique du 2 août a conçu un programme composé selon les différentes façons dont la musique classique est promue par l'Orchestre National Symphonique Algérien : maîtrise et interprétation de tous les genres. Après des morceaux de Khatchaturian, Tchaïkovsky, Brahms et Rossini, le public a écouté trois compositions algériennes de Salim, Benhouhou et Belli, puis deux arrangements symphoniques du patrimoine tunisien (Bahdha H'bibti tahla assahriyya et Hizz Ayounek rahoum chabbou fiyya), enfin deux extraits de musiques de films (Les vacances de l'inspecteur Tahar et Pirates des Caraïbes). Le mélange respire l'esprit du dialogue et reflète la volonté de circuler entre les différents patrimoines musicaux parvenus à la réceptivité des publics maghrébins. Joué par un orchestre chaleureux, composé d'une cinquantaine d'artistes algériens (19 violons, 5 altos, 6 cellos, 3 contrebasses, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 cors, 2 trompettes, 2 trombones, 2 timbales, 2 percussions) et de neuf musiciens tunisiens (4 violons, 2 altos, 2 violoncelles, 1 contrebasse), dirigés par un maestro plein d'ardeur, le programme a été accueilli avec entrain par les spectateurs de la huitième soirée du Festival International de Boukornine 2015.

Malgré des moyens modestes, la programmation de cette 36ème édition dégage la volonté de l'équipe dirigée par la cinéaste Selma Baccar d'ouvrir l'horizon du public à la beauté des musiques du monde, à la rencontre des arts et aux bienfaits du rapprochement intermaghrébin par la culture. Merci à l'Orchestre Symphonique National Algérien d'avoir contribué à ne pas laisser le terrorisme pourrir cet été tunisien.