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Affaire Khalifa Bank : Des placements sur simples instructions

par Tahar Mansour

Les deux ex-ministres des Finances, Medelci et Terbèche, qui ont été convoqués par le tribunal criminel de Blida pour apporter leur témoignage dans le procès en appel de Khalifa Bank ne se sont pas présentés à la fin de la semaine écoulée et le président Antar Menouar a lu leurs dépositions faites devant le juge d'instruction.

C'est la même chose pour Karim Djoudi qui ne s'est pas présenté lui non plus, ainsi que de nombreux autres témoins, ce qui a fait que sur la cinquantaine de témoins convoqués, il n'y eut l'audition que d'une quinzaine ce jeudi, vingt-et-unième journée du procès.

 Ce sont encore des responsables d'entreprises publiques qui ont déposé des sommes souvent très importantes auprès de Khalifa Bank et qui les ont perdues. La plupart de ces responsables déclarent avoir été obligés de faire ces placements suite à des instructions des conseils d'administration et des présidences des holdings puis, une fois l'argent perdu, ils ont été sanctionnés, démis de leurs fonctions ou même carrément remerciés.

Certains ont fait des placements, ont réalisé des bénéfices et ont été félicités par les conseils d'administration qui les ont incités à faire d'autres placements mais cette fois, ils ont tout perdu et ont subi les foudres de ces mêmes conseils.

Le premier à avoir été entendu par le tribunal fut M. Yaïssi Djebbar, ex-directeur de l'Office avicole de Béjaïa qui a placé une somme de 50 millions de dinars à Khalifa Bank au taux de 9% pour une année. Au terme de cette durée, il a réalisé un bénéfice de 600 millions de centimes et il a été félicité par le CA qui l'incite à faire un autre placement en 2001, de 30 millions de dinars cette fois mais qu'il ne put récupérer pour cause de retrait d'agrément à Khalifa Bank. Il raconte au tribunal qu'il a été mis à l'écart durant 3 années puis démis de ses fonctions, victime expiatoire de cette affaire qui n'a pas encore livré tous ses secrets.

Pour M. Khettab Aïssa, DG de l'entreprise ABICAT, filiale du groupe GEMA, c'est suite à une circulaire du holding qui ordonnait aux responsables des entreprises sous tutelle de faire fructifier leur argent et à la baisse du taux d'intérêt dans les autres banques que la décision de placer la somme de 224 millions de dinars en deux parties, les 13 et 16 février 2003, a été prise.

Le procureur général s'étonne qu'on puisse faire des placements de cette importance dans une banque qui commence déjà à donner des signes de faillite et pose la question au témoin qui lui répond : « Non monsieur, ce n'est pas de la négligence ». M. Youssef Rabahi, ex-PDG de l'EDIMCO de Chlef a, lui aussi, été démis de ses fonctions pour avoir perdu la somme de 1,5 milliard de centimes dans la banque Khalifa.

Il dit regretter d'avoir signé le document nécessaire pour ce placement même s'il avait été obligé de le faire par le règlement intérieur de Khalifa Bank qui exige un dépôt pour l'ouverture d'un compte. Il rappelle qu'il voulait récupérer rapidement les chèques émis par les clients de l'entreprise qui étaient domiciliés, dans leur majorité, à Khalifa Bank. C'est aussi le cas de M. Saadi Nadir, directeur général de l'Institut national de cartographie entre 1998 et 2003, qui a été mis à la retraite pour avoir placé la somme de 240 millions de dinars chez Khalifa Bank en 2002 et qu'il n'a pu récupérer.

Il explique que le taux d'intérêt offert par cette banque était si élevé par rapport aux banques publiques que le choix était vite fait. Quant à M. Azzedine Kacemi, DG de l'Entreprise nationale des services et des forages pétroliers, il a été parmi les rares responsables à avoir pu récupérer la totalité du placement effectué ainsi que les intérêts engrangés.

C'est grâce à la courte durée du contrat (6 mois) qu'il a pu récupérer la somme de 500 millions de dinars placés chez Khalifa Bank ainsi que les intérêts. Le directeur de l'agence foncière de Tadjnent, M. Lakhdar Mesbah, a ouvert un compte au niveau de l'agence Khalifa Bank de Sétif pour permettre aux souscripteurs de logements de procéder aux versements de leurs quotes-parts.

Trois millions de dinars ont été perdus quand l'agence a été fermée. M. Hadj-Madani Sid-Ahmed était caissier au niveau de l'agence de Didouche Mourad de Khalifa Bank.

Il déclare que deux personnes de la caisse principale se sont présentées à l'agence au mois d'avril 2003 avec deux sacs contenant la somme de 500 millions de centimes pour faire face à la demande des clients qui voulaient retirer leur argent quand ils ont appris que la banque avaient des problèmes financiers. Le témoin déclare avoir signé l'accusé de réception sans compter l'argent et que, lorsqu'il a compté, il a découvert que la somme de 20 millions de centimes manquait.

M. Boumediene Maamar, DG de l'OPGI de Dar El Beïda, a fait un placement de 116 milliards à Khalifa Bank à différents taux d'intérêt. Il justifie le choix de cette banque par la chute du taux d'intérêt dans les banques privées, passées en quelques mois de 16 à 6 %.

Comme il y avait vacance du conseil d'administratif, il a décidé, avec le directeur financier, de faire ce placement en informant la tutelle et en envoyant des rapports régulièrement mais personne ne leur avait demandé de ne plus faire de placements dans cette banque.

Nous apprenons enfin que d'ex- ministres et responsables d'institutions publiques seront convoqués pour la semaine prochaine en qualité de témoins mais les observateurs sont plutôt sceptiques quant à leur éventuel témoignage.