A chacun son mizène et tous pour la mizania. Ils sont jeunes
et moins jeunes. Ils connaissent la valeur du couffin. Leurs parents souffrent
le martyre pour garnir el-meïda. Ils en sont conscients et pour cause, ils
s'organisent. Il y a d'abord « la table » installée au pied de l'immeuble, elle
ne bouge pas et tous se relayent pour écouler des cigarettes, des confiseries
et des pétards, quand c'est la saison. Le père, en plus de son salaire, aide le
boulanger du coin aux heures de pointe. Le plus jeune vend les bourses au seuil
de cette même boutique. La jeune fille, pour rattraper le déficit, reçoit deux
enfants de voisins auxquels elle assure des cours de français. La mère s'occupe
de l'intérieur mais en plus, elle roule du couscous pour les voisins.
Occasionnellement, elle garde des bébés que les mères lui confient pour aller
faire leur marché ou les boutiques. Il n'y a que le cadet, un raté d'après son
père, il devient inquiétant pendant les vacances. Ni son père ni sa mère ne
savent d'où il ramène cet argent que les deux refusent d'accepter.
Le paternel décide de le « filer », faire le « sicri ». Le
gosse sort de chez lui, il va rejoindre la bande de copains. «Je m'en doutais,
se dit le père, ils sont toute une bande ». Le groupe fait quelques mètres,
s'arrête. Le plus âgé se détache, il entre dans un immeuble, il appelle, trois
autres le rejoignent, parmi eux son enfant. Le père commence à revoir rouge en
les revoyant sortir avec des cabas chargés. « Il ne manquait plus que ça ! Mon
fils dévalise des appartements ! » Il était de glace, mais n'osait pas
intervenir, voulant laisser le manège se dérouler sous ses yeux et connaître
l'éventuel receleur?, les tenants et aboutissants. Ça ne tarde pas à venir. Le
groupe pénètre dans un couloir, il tarde. Quelques minutes après, les
adolescents ressortent, qui armé d'un tambour, qui d'une derbouka, son gosse
d'une paire de karkabou et vas-y : Toubou? Toubou?, c'est la fête au village?
Des pièces pleuvent des balcons et atterrissent sur un plateau couvert d'un
foulard rouge? A chacun son mizène, pourvu que soit alimentée la mizania.
Artiste, musicien, ou mendiant?, définissez son statut, le ministère de la
Culture tarde à le faire.