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LE TOURISME DECRIE

par M. Abdou BENABBOU

A partir d'Adrar où elle a inauguré l'hôtel Gourara qui vient d'être relooké, la ministre du Tourisme a formulé le vœu pour que les efforts entrepris par le gouvernement soient valorisés pour dynamiser le tourisme du Sud. Comment et avec quel esprit ? Elle ne le dit pas en passant sous silence la multitude de débats et de rencontres sur le sujet. Sauf qu'elle s'enorgueillit avec une présentation de chiffres et de statistiques, vocabulaire devenu classique chez nos gouvernants, pour souligner qu'un travail au demeurant incontestable a été fait.

Or l'on sait que le tourisme n'est pas une multiplication de façades et de lits. Celui du Sud, comme les autres, n'est pas une affaire de palaces ni des astres virtuels gravés sur leurs frontons. Il obéit aux dunes des sables et des étoiles qui crèvent le ciel.

Le tourisme est d'abord et avant tout l'art de servir et de recevoir et les Algériens d'une manière générale ne sont pas propices à des inclinaisons de servitude quand bien même elles seraient professionnelles. Non pas qu'ils ne seraient pas d'une générosité à toute épreuve et qu'ils n'auraient pas le sens de l'hospitalité, mais il est prouvé qu'ils sont allergiques aux donneurs d'ordres en étant paradoxalement capables d'offrir leur veste à ceux qui maîtrisent les approches.

L'Histoire tumultueuse de l'Algérie, jalonnée d'invasions et de guerres a façonné un tempérament guerrier chez l'Algérien cultivant souvent une fierté déplacée propice au besoin d'être servi plutôt que de servir. Son long parcours socialiste depuis l'indépendance et le choc de la décennie noire se sont alliés à une phénoménale culture rentière ancrant avec profondeur un égalitarisme ennemi juré du tourisme. L'air du temps ambiant et sa forte proximité avec la floraison exponentielle de citadelles pour prier et la multiplication des foulards aux couleurs variées ont fini par donner le coup de grâce pour que le tourisme soit définitivement décrié.

Pris en étau entre une nouvelle vision de la vie qui se généralise et l'offrande des discutables fiertés, il est à craindre que le tourisme ne se contente que du passage des étrangers contraints et obligés. Le Sud peut attendre pour longtemps.