Dans
un passé récent, l'espace public était rythmé par les débats culturels et les
confrontations des idées. La lecture, le cinéma, le théâtre, la musique et le
sport faisaient mieux que ce que font aujourd'hui les pseudo-universités dans
la diffusion du savoir et du savoir-être. La vie quotidienne n'était pas plate,
morne et maussade comme elle l'est actuellement et où les gens n'ont autre
choix que de se terrer chez eux devant les écrans de télévision et des ordinateurs.
Les années 1970 et 1980 furent riches en évènements mondiaux et nationaux, la
jeunesse était ambitieuse et aspirait au progrès et à une vie meilleure. Le
salut venait de l'avidité de progresser par les échanges de vues, du vécu et
des voyages à travers le monde. L'Algérien du village, et celui de l'intérieur,
ne se faisaient pas de complexe, et réussissaient à se faire de la place parmi
le gotha intellectuel de la capitale. Les idées foisonnaient et se
concurrençaient pour prendre de l'ascendance. La gauche intellectuelle
francophone voulait imposer le progrès socialiste, les baathistes arabophones
faisaient l'éloge du panarabisme, les berbéristes leur répondaient par
l'algérianité, la flamme islamiste était encore timide, le courant libéral à
ses débuts, c'était l'Algérie paisible, en paix avec elle-même ; bien que le
contexte de l'époque fût encore fermé. Rien à voir avec cette Algérie qui a
tourné le dos à ses valeurs et à ses origines ; cette Algérie-là veut
ressembler à ce qu'elle n'est pas, elle a régressé et est devenue frêle et sans
envergure, ruralisée et méconnaissable, où la médiocrité s'installe, s'étale et
étale le déclin, la pensée figée au temps qui s'est arrêté, la violence a gagné
l'espace et les interstices, le civisme est étranger, la vertu est ignorée, la
culture est une tare, la cupidité est une marque et l'argent une fin en soi.