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Pourquoi l'Algérien n'aime pas le changement ?

par Ouandjli Mustapha

Rappelez?vous qu'il n'existe rien de constant si ce n'est le changement «Citation du Bouddha»

Se regarder dans les miroirs est devenu une de nos activités à plein temps. La question qui se pose : que cherchons-nous à voir ? Pour répondre à cette question, elle m'est venue à l'esprit l'histoire de blanche neige et le miroir du temps, et particulièrement la phrase «miroir, mon beau miroir, suis-je la plus belle». Chaque jour, année après année, la méchante marâtre de blanche neige interroge son miroir. Un jour, il lui fait cette réponse insupportable. «Madame la reine, blanche neige est mille fois plus belle que vous» une façon de dire que le temps passe, les générations se succèdent et les humains sont mortels. Alors, la vie n'est pas toujours constantes et la même. Elle est en constante évolution. C'est pourquoi le changement est la seule chose constante dans notre vie. Au début du 20è siècle, le physicien russe Alexandre Friedmann et le cosmologue belge George Lemaitre ont estimé d'après des calculs théoriques que L'Univers est en mouvement constant et en expansion. Dans le même contexte, l'expansion de l'univers a été décrite dans le Coran comme suit: «Le ciel, Nous l'avons construit par Notre puissance et Nous l'étendons [constamment] dans l'immensité.» (Coran, 51 :47).

De ce fait, l'univers n'a pas un caractère constant, mais en réalité un commencement et qu'il est sans cesse en expansion. Le changement est un des outils les plus grands de la communication dans l'univers. C'est à travers les différentes circonstances qui sont toujours en évolutions que nous pouvons se rencontrer, grandir et apprendre à devenir de meilleures personnes.

POURTANT, COMBIEN D'ENTRE NOUS AIMENT EMBRASSER ET ACCUEILLIR LE CHANGEMENT ?

Pour répondre à cette question, vous pourriez vous demander pourquoi nous résistons au changement, même si nous savons dans nos esprits que le changement est important. La réponse est qu'une personne ne veut pas reconnaitre les changements qu'il voit dans l'environnement extérieur, c'est pourquoi, il deviendra frustré et déprimé parce que sa conscience interne est encore à faire face aux changements extérieurs. Jean-Claude Guillebaud est l'un des penseurs contemporains les plus appréciés et qui a beaucoup travaillé sur la tendance au pessimisme qui domine le monde. Il pense que l'homme n'est pas capable de déceler les transformations qui arrivent dans le monde, car Il est plus facile de voir disparaître le vieux monde que nous connaissons bien. En revanche, apercevoir l'autre monde qui germe est compliqué. Il reste énigmatique, indéchiffrable.

Souvent, lorsque nous avons le nez collé sur un événement, nous sommes les moins bien placés pour le comprendre. C'est après coup que nous prenons la mesure de ce qui s'est passé. Comme l'a parfaitement dit Gandhi, «un arbre qui tombe fait beaucoup de bruit, une forêt qui germe ne s'entend pas». Il faut donc faire un effort d'attention. Nous devons être à l'affût, observer les changements, car certains peuvent être synonymes d'espérance.

POUR CHANGER, IL FAUT VAINCRE LA RESISTANCE AU CHANGEMENT

La résistance au changement peut être décrite comme étant la manifestation d'une réticence à modifier ses comportements, représentations ou idées. Elle apparait tout d'abord dans les habitudes de fonctionnement de l'individu ou du système : Refus de nouveautés (toute nouveauté fait naitre un sentiment d'inquiétude).Ainsi, la résistance au changement est inhérente à la nature humaine et elle est le produit d'un système et d'un individu. Le fondement théorique nous dit qu'il est difficile pour l'être humain d'accepter une chose et son contraire, de faire siennes deux idées qui s'opposent. Si tel est le cas, la personne se trouve dans un état psychologique tout à fait désagréable dont on cherchera à s'échapper le plus rapidement possible. Il peut aussi apparaitre lorsqu'il nous arrive parfois d'avoir un comportement ou une attitude contraire à nos valeurs ou principes.

Si je reçois une information ou une idée qui contrarie ce que je sais ou pense déjà, le déséquilibre cognitif est crée. La manière la plus radicale et efficace de réduire cette dissonance est de rejeter purement et simplement cette nouvelle donnée.

Alors, toute personne agissant depuis de nombreuses années selon un certain nombre de principes et valeurs profondément ancrées, aura donc les plus grandes difficultés à les modifier et il a tendance à rejeter de nouvelles idées ou méthodes de fonctionnement.

D'autre part, la psychologie nous fournit également quelques éléments de réponse. La pression à la conformité sociale nous amène souvent à rejoindre l'opinion de la majorité, par peur du rejet, par besoin d'identification et d'appartenance, parce que nous avons tendance à penser que la vérité se trouve dans la majorité.

Ceci explique en partie pourquoi les représentations sociales sont difficiles et longues à modifier.

Par contre, il reste que la culture est sans aucun doute un paramètre très important à prendre en compte.

Pour Malek BENNABI le problème de culture ne se pose pas du tout dans l'abstrait, au théâtre, au cinéma, dans le cabinet de travail d'un romancier ou dans le style d'une dance folklorique, mais dans un champ que nous labourons à l'école où nous envoyons nos enfants, dans les rues où se trouve une forme quelconque de notre vie et de nos activités manuelles ou intellectuelles. L'individu ne doit pas ses qualités sociales à la formation scolaire, mais à des conditions propres à son milieu. Dans le même contexte, il site que l'Allemagne en 1945 ne disposait plus de machines, ni de marks, ni de dollars, ni même de souveraineté nationale. Mais, ce qui refait l'Allemagne, c'est l'esprit allemand : celui du berger, du laboureur, du mécanicien, de l'employé, du pharmacien, du médecin, de l'artiste, du professeur. En un seul mot, c'est la culture allemande qui a refait l'Allemagne.

L'Algérie est un pays assez conservateur. Dans ce type de pays, il règne dans leur champ d'activité qu'ailleurs, un climat de morosité, de fatalisme, d'opposition et de suspicion. Cela génère une attitude générale défensive, se caractérisant par la recherche des failles, des défauts, des faiblesses, des points plutôt négatifs que positifs de la plupart des nouveautés et changements.

Par exemple, en Algérie, quand on propose une idée nouvelle ou un changement, on nous répond que ce sera difficile, que cela a peu de chance de fonctionner et qu'il y aura des difficultés, mais dans autre pays comme les Etats unis ou un des mythes fondateur de sa culture est l'esprit libéral qui signifie pour eux «progressiste» en matière de mœurs et d'opinion. On trouve plutôt que l'idée ou le changement intéressant et on incite les gens à essayer.

EST-IL POSSIBLE POUR L'ALGERIEN DE CHANGER ?

Nous ne voyons pas le monde tel qu'il est, mais en fonction de ce nous sommes, ou tel que nous sommes conditionnés à le voir. Quand nous décrivons ce que nous regardons, c'est nous ?même que nous décrivons, en fonction de nos perceptions. Si quelqu'un nous contredit, nous pensons tout de suite qu'il n'set pas sincère ou manque de discernement. Or, chacun voit le monde à travers la lunette que lui fournit son vécu.

Plus nous prenons conscience de l'existence de nos suppositions et de l'influence qu'exerce sur nous notre vécu, plus nous devenons responsable de ces perceptions et nous pouvons les examiner, les mettre à l'épreuve de la réalité, écouter les autres, rester ouvert à leurs perceptions. Nous obtenons ainsi une image panoramique plus objective.

La recherche des valeurs et perceptions qui sont à l'origine de notre incapacité à changer, nous conduit à un siècle et trente ans de lutte contre le colonisateur ces dernières nous ont laissé beaucoup de séquelles. Pour ne pas se laisser enrayer par le colonialisme, dont le but était de détruire la société algérienne, il fallait résister par immobilisme. Cette attitude figée a été un facteur inhibiteur des potentialités créatrices de changement. Cela s'est traduit par un rejet de toute ressemblance avec l'Occident souvent jugé suspect. De ce fat, sans le savoir, même la science est rejeté en même temps que son propriétaire par certains.

Le syndrome de l'histoire du colonel Bendaoud résume un peu notre perception et incapacité à accepter et se changer avec notre temps. « »Un Arabe est un Arabe, même s'il s'appelle le Colonel Bendaoud». »... Une légende qui rapporte que vers la fin du XIXe siècle, le premier Saint-Cyrien algérien du nom de Bendaoud avait réussi à franchir les échelons de la hiérarchie militaire pour se retrouver colonel dans l'armée française. Un jour, lors d'une réception où il y avait des personnalités du gouvernement français en visite en Algérie, le Colonel Bendaoud se vit refuser l'entrée, alors que des officiers moins gradés que lui y étaient acceptés. Bien évidemment, la différence est que lui était un « indigène ». Même sa bravoure et son courage dans les combats au sein de l'armée française, l'attachement qu'il vouait sincèrement à la France qu'il aidait d'ailleurs de son mieux dans son œuvre de colonisation, ne lui auront finalement pas servi à grand chose.

Il finira par démissionner de l'armée française « à cause de cette injustice et cette inégalité flagrante ». Depuis, cette affaire du Colonel Bendaoud a longtemps hanté l'imaginaire algérien.

Les us et les costumes des peuples sont modelés par les religions. Aussi, loin que l'on remonte dans le passé de l'histoire de l'homme, il y'a toujours trace d'une pensée religieuse.

Le sens religieux de l'homme est reconnu comme facteur essentiel de toute civilisation. On lisant les paroles d'Omar Ibn Khattab sur l'état des arabes avant et après l'Islam, nous pourrons ainsi comprendre l'effet de la religion sur les peuples «Nous étions avilis et l'islam nous a honorés !».

Par ailleurs, l'article de Omar AKTOUF, Renée Bédard et Alain Chanlat intitulée « Management, éthique catholique et esprit du capitalisme : l'exemple québécois » nous permet de constater que la religion est un des paramètre qui a pu aider les québécois de battre le sentiment d'impuissance et aller vers le changement.

« Omniprésente à cette époque (avant les années 60), la religion catholique fournissait un système de représentations collectives qui exaltaient la mission confiée aux familles canadiennes-françaises et justifiaient pleinement leur histoire et leur situation économique. Sur le plan social, la messe du dimanche et les nombreuses fêtes religieuses donnaient l'occasion de partager et de renforcer ces valeurs spirituelles et communautaires. L'isolement, causé, par la dispersion de la population, par le caractère rudimentaire des moyens de communication et de transport et par les rigueurs des longs hivers, explique que le village ou la paroisse était le centre de l'organisation sociale »-(Extrait de l'article).

Malheureusement, nous avons hérité d'un Islam qui s'est délesté de sa dynamique. Cette force motrice réside dans la perception de la vie dans sa double conception : Dîn et Dunyâ.

«Dîn» désigne l'ensemble de ce que le Prophète a apporté (que cela soit présent dans le Coran ou la Sunna)

«Dunyâ» désigne les éléments que les sources de l'islam n'ont pas vocation à enseigner.

Dans ce contexte, l'homme aurait un rôle de «khalîfa» cette gérance qui lui est conféré donne donc à l'homme le droit de choisir et celui de tirer profit des ressources terrestres : «Dieu est Celui qui a fait descendre du ciel une eau puis a fait apparaître grâce à elle des fruits, comme nourriture pour vous.

Et Il a assujetti pour vous le navire afin qu'il vogue sur la mer par Sa Permission. Et Il a assujetti pour vous les fleuves. Et Il a assujetti pour vous le soleil et la lune, voués à un perpétuel mouvement.

Et il a assujetti pour vous la nuit et le jour. Et Il vous a donné de tout ce que vous Lui avez demandé. Et si vous comptez les bienfaits de Dieu, vous ne pourrez les dénombrer?» (Coran 14/32-34).

Dans sa mission de gérance du patrimoine, il y'aura augmentation du patrimoine sans gaspillage et tout en préservant l'environnement.

De ce fait, on ne peut changer le comportement de l'individu sans intervenir sur son système de perception et de représentation. Cette conception est étroitement liée aux différents modèles de référence inspirés par les valeurs sociales c'est-à-dire par sa culture. Or, les modèles qui inspirent les musulmans sont déconnectés du présent, et préparant uniquement à l'au-delà, la vie sur terre est souvent reléguée au second plan.

Si vous demandez à un Algérien, quelle est la chose la plus précieuse que vous possédez ? IL vous répond: la religion, la santé, les parents, les enfants, l'argent, la beauté. Par contre, la chose la plus précieuse après notre religion bien sur, c'est le temps. Evidemment la majorité de nous ne sont pas convaincu. C'est parce qu'on accorde peu d'importance au temps. Dans la Sourate: Le Temps (Al-Asr). Allah jure par le temps et Il ne jure que par ce qui est précieux et qui a de la valeur.

Un jour, un ami avait un rendez-vous avec un non musulman, arrivé en retard. Dès qu'il arrive, il lui demande : tu es musulman ? Il lui répond oui, il lui dit tu fais tes prières aux heures fixées ? Il lui répond oui. Tout d'un coup, il a commencé à réaliser ce qu'il voulait lui faire comprendre. Alors, il était gêné.

Bien entendu, cet exemple illustre bien la discordance entre les deux comportements, qui est du, à la séparation du spirituel et du social dans la personnalité du Musulman.

Sans un effort de création originale, il nous sera difficile de faire face aux problèmes qui se posent à notre développement.

Nous devons réaliser que riposter aux défis du monde moderne, à l'aide de fausses solutions que nous offre le refuge dans la tradition et l'immobilisme qui en découle, n'est pas la solution pour aller de l'avant. Nous devons réaliser nos propres formes de symbiose avec le monde moderne. Sans sacrifier bien entendu notre patrimoine socio-culturel.

Nos élites doivent lire le Coran avec les yeux d'hommes qui ont eu le génie de résoudre à partir de la révélation éternelle du coran, les problèmes de leur époque. Alors, que nous ne pouvons pas résoudre les problèmes de la notre en nous contentant de répéter leurs formules. Mais il faut trouver la source vivante, et le dynamisme créateur de l'Islam matinal.

A la fin, si nous voulons réaliser des changements minimes dans notre vie, il nous suffit peut-être de nous pencher sur nos idées et nos comportements. En revanche, si nous recherchons des changements significatifs, il nous faut travailler sur nos représentations du monde, sur nos paradigmes.

Pour voir les modifications engendrées par le changement de paradigme. Les démocraties d'aujourd'hui nous illustre bien le changement positif de paradigme.

Durant des siècles, le concept traditionnel du gouvernement reposa sur la monarchie, sur le droit divin des rois. Un nouveau paradigme se développa ensuite: le gouvernement du peuple, pour le peuple.

Ainsi la démocratie libéra une incroyable énergie et une immense créativité humaine, en imposant un niveau de qualité de la vie, de liberté et d'espoir jusqu'alors inégalés dans le monde.