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Comme si?

par El-Guellil

Faisons semblant d'oublier nos tragédies, nos rancœurs, nos plaies, chasser nos cauchemars, nos extrémismes, nos angoisses, nos égoïsmes, nos chavirements, nos distances, nos méfiances, nos complexes, nos singularités, notre narcissisme et notre enfermement. Faisons semblant d'être et paraître comme tous les autres mortels qui, comme nous, connaissent dans leur traversée si courtes des sommets et des tréfonds.

Faisons semblant de vivre dans une société en harmonie, cicatrisée, réconciliée, loin de tout tiraillement. Faisons semblant de nous réunir autour d'une table et faire semblant de discuter les problèmes de la ville. Faisons semblant de parler et de nous écouter. Faisons semblant de nous aimer les uns les autres sans trop d'embrassades et de « bousboussations », de nous respecter mutuellement, sans intérêt et arrière-pensées, d'être solidaires dans notre vécu quotidien par des gestes anodins et grandioses.

Faisons semblant d'être des hommes et des femmes, ni moins intelligents, ni plus bêtes, ni plus héroïques et téméraires, ni plus poltrons avec nos défauts et nos qualités humaines. Faisons semblant de respecter nos obligations et nos devoirs envers nous-mêmes, nos enfants, le voisin, l'employeur, la société, les institutions, la déontologie, l'histoire et la morale, et de revendiquer, dans le calme et la bonne humeur, ses droits humains de justice, de confort, de qualité de vie, de sécurité, de dignité.

Faisons semblant d'aimer notre prochain, d'espérer une vie meilleure, pas nécessairement à l'excès de viande congelée et de fromage rouge. De porter des agendas, de fixer des rendez-vous sérieux et futiles. Et qui sait, à force de faire semblant, finira-t-on peut-être comme ces charmeurs impénitents qui succombent toujours à leurs simulations et comédies.