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Khallouna

par El-Guellil

Ailleurs, on est traités de marginaux. On est toujours suspectés de vol, de viol et de meurtre. On nous reproche de rouler les «r» et d'avoir un faciès qui dérange un peu la communauté. Une communauté qui ne comprend pas pourquoi on porte un foulard et encore moins pourquoi on égorge des moutons. Alors, on nous met dehors lorsqu'on ne nous met pas carrément une balle dedans. L'alibi est là, servi par des xénophobes en furie sur le plateau étoilé de la communauté. Les cheveux frisés, ça frise l'angoisse ; et le teint brun, ça assombrit l'horizon des extrémistes de tous bords.

Ici, nos enfants n'arrivent pas à poursuivre leurs études. On dit qu'un grand nombre quitte l'école chaque année sans qualification. Sans diplôme à part celui de chômeur et de bras cassé par des rêves un peu trop enfantins. On nous regarde comme des bouches à nourrir. Comme des incapables ! Des parasites qui vivent aux dépens de leurs responsables et de leurs élus.

Ici, on considère que nous faisons trop de gosses. On s'est mis à nous en enlever. Exactement comme ailleurs parce que les enlèvements d'enfants, ça fait partie des exigences de la modernité. On installe, on monte et on entretient des réseaux de pédophilie pour punir nos gosses d'être nés ici. Pour leur faire regretter, et à nous avec, d'être nés tout court. Et puis, des enfants, ça doit servir à quelque chose. Alors, on s'est mis à inventer un trafic d'organes. Exactement comme ailleurs parce que le trafic d'organes, ça rappelle les grandes nations et, surtout, les grands réseaux. Des gosses de peuple, c'est fait pour mourir. Pas plus.

Ici et ailleurs, on nous regarde comme on ne regarde plus rien nulle part. Des sans-droit. Des sans-vie. Des non-sens. Et les non-sens, ça perturbe un peu la quiétude des seigneurs de la terre, qu'ils soient ici ou ailleurs. Qu'on nous balance dans la Seine, qu'on nous tire une balle à bout portant ou qu'on nous pousse dehors de notre emploi et qu'on nous indique le chemin de la pendaison, c'est pareil. C'est kif-kif !

Destinés à être persécutés par les nôtres et les autres, nous ne demandons pourtant rien de particulièrement difficile. Qu'on nous oublie ! Qu'on nous laisse en paix ! Une petite paix, comme dit la publicité, on la vaut bien, n'est-ce pas?