Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Alger met en échec le projet français d'intervention étrangère en Libye

par Kharroubi Habib

Beaucoup ont vu dans la visite que le chef d'état-major de l'armée française, le général Pierre de Villiers, a effectuée la semaine dernière dans notre pays comme l'indice que l'Algérie ne serait plus totalement opposée à l'option d'une intervention militaire internationale en Libye en faveur de laquelle Paris se démène. D'aucuns parmi ceux qui ont fait ce décryptage pour cette visite sont allés plus loin en suggérant qu'elle aurait été consacrée par les deux parties à la définition de la coopération militaire qu'elles envisagent entre elles dans le cadre de l'intervention projetée.

Si rien n'a filtré des entretiens qu'a eus durant son séjour en Algérie le chef d'état-major de l'armée française avec son homologue algérien et les autorités politiques qui l'ont rencontré, Ramtane Lamamra, notre ministre des Affaires étrangères, s'est cependant chargé peu après la fin de sa visite de remettre les pendules à l'heure et faire cesser la spéculation sur l'éventualité d'un prétendu alignement de l'Algérie sur la position française. Il l'a fait à partir de Madrid où il participait à la conférence des ministres des pays membres du dialogue 5+5 élargie aux pays du groupe Med 7 et les pays limitrophes de la Libye, consacrée précisément à la crise que vit ce pays et aux solutions à préconiser pour l'aider à en sortir.

En marge de cette conférence, Lamamra a été on ne peut plus tranchant et catégorique concernant la position algérienne en affirmant que notre pays ne peut accepter « en aucune façon une intervention militaire étrangère en Libye ». L'Algérie campe par conséquent sur le refus de l'option de l'intervention militaire défendue par la France et qui plus est a activement plaidé contre elle auprès des participants de la conférence de Madrid. Avec succès puisque la déclaration finale de celle-ci a fait sienne la vision algérienne prônant l'encouragement au dialogue entre les différentes parties en conflit en Libye. Mieux encore, elle a accordé son appui aux démarches entreprises par l'Algérie pour tenter d'emmener ces parties à s'engager dans ce processus de dialogue.

Forte de cet appui large et venant de pays concernés au même titre que la France par les risques qu'encourent leurs sécurités nationales conséquemment à la situation dangereuse qui prévaut en Libye, l'Algérie s'est proposée pour accueillir chez elle les rencontres interlibyennes visant à établir le dialogue. Paris qui a affiché une disposition à user de la canonnière en Libye est bien obligée de constater que son option ne fait pas recette. Elle ne peut plus prétendre qu'elle est voulue par la « communauté internationale ». Si elle a espéré bâtir une coalition avalisant le principe d'une intervention militaire qui lui aurait permis de créditer la fiction que son projet est internationalement admis comme la solution pour la crise libyenne, elle est forcée au vu des préconisations faites par la conférence élargie de Madrid de reconnaître qu'à s'en tenir à vouloir agir militairement en Libye elle ne peut le faire qu'unilatéralement, ce qui la mettrait automatiquement dans une situation de violation du droit international.

Ce contre quoi notre ministre des Affaires étrangères l'a implicitement mise en garde en faisant valoir que « le rôle des institutions internationales consiste à aider et ne pas de se substituer dans les affaires internes des pays souverains ». Il est probable que contrainte de prendre acte que n'étant pas suivie par même des Etats n'ayant en théorie rien à lui refuser, Paris va momentanément mettre un bémol à sa prétention de « régler » à sa manière la crise libyenne, d'autant qu'elle s'est trouvé un autre terrain où faire valoir son statut de « grande puissance » participant au maintien de l'ordre dans le monde. Celui de l'Irak où elle s'est enrôlée sous la bannière américaine.